Implication

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Adrien. Même Nuit. Le Club.

J'ai demandé à Leila de me rejoindre dans le bureau du bout du couloir au même étage. Depuis, je suis assis dans mon fauteuil et je regarde la nuit à travers ma fenêtre.

Je réfléchis à cette chose entre elle et moi.

Cette chose que nous n'avons jamais nommée. Que nous n'avons même jamais voulu évoquer. Ce sentiment qui monte en puissance chaque fois un peu plus. Qui nous pousse à nous affronter, pour mieux nous réconcilier ensuite. Qui nous sépare aussi parfois, pour mieux nous réunir encore et toujours.

Et là, avec tout ce qu'il va falloir que je sorte, avec tout ce qu'il va falloir que je lui révèle, je doute.

Oui, je doute.

Mon problème avec Leila, c'est que j'ai constamment l'impression d'être à contresens, et, quand j'ai la sensation d'avoir appris de mes erreurs avec elle et notre histoire, le sort nous réserve toujours une autre saloperie. Comme si l'Univers ne voulait pas de cette chose-là entre nous.

Je vois le reflet de Leila dans la vitre, qui entre dans la pièce. Je fais pivoter mon fauteuil pour lui faire face. Elle est juste vêtue d'une serviette en éponge blanche. Ses cheveux sont humides et bouclent franchement. Elle tient une petite panière dans laquelle j'ai préparé un nécessaire de soins pour son bras : désinfectant, compresses, bande adhésive...

Leila affiche une mine impassible et sérieuse.

L'heure n'est plus à la rigolade.

- J'ai besoin d'un coup de main, me dit-elle en tendant la panière.

Je la prends et la dépose sur le bureau en hochant la tête.

- Approche, mon ange.

Elle fronce légèrement les sourcils à cause de ce nouveau surnom. Je la saisis par la taille, la soulève et la dépose sur mon bureau. Je me lève et me place entre ses jambes. Je commence à imbiber une compresse d'alcool.

- Ça risque de piquer.

Leila hausse les épaules. Je tamponne sa plaie. Elle sursaute sous l'effet du médicament, mais ne se plaint pas.

- Il faut qu'on parle Leila, je lui dis doucement.

- Je sais.

Je jette la compresse à la poubelle, puis en attrape une neuve que je fixe avec de la bande adhésive. Je soupire en posant mes mains sur le haut de ses cuisses. Sa peau est si douce. Elle pose ses mains sur les miennes.

- Adrien, s'il te plaît...

Je soupire et relève les yeux vers elle.

- Que sais-tu des activités de ton grand-père ?

Elle me fixe sans ciller, essayant de comprendre où je veux l'emmener.

- Tu me parles de quoi exactement ? Avant ou après le décès de mes parents ?

- Après.

- Pas grand-chose à vrai dire. J'avais coupé totalement les ponts. Je n'ai repris la société et ouvert la fondation qu'après sa mort.

- Tu savais qu'il avait des liens avec Jamesson ?

Elle se renferme et se tend.

- C'était l'un des plus vieux clients de S.C. Donc, je présume qu'ils se connaissaient bien... Mais je ne vois pas où tu veux en venir, là. Quel est le rapport entre mon grand-père, Jamesson, et l'Afrique ? Quel est le rapport avec toi ?

Je soupire et me dégage d'elle. Sa proximité ne m'aide pas à garder la tête froide. Je glisse les mains dans les poches du jean que j'ai enfilé après notre cession torride. Je me détourne d'elle. Je la regarde à travers son reflet dans la vitre de ma fenêtre.

- Tu savais que Jamesson était originaire d'Afrique ?

Leila saute du bureau et vient se poster à côté de moi. Elle scrute également l'extérieur.

- Arrête de tourner autour du pot. Balance ce que tu as à dire. Je suis une grande fille.

Je passe une main dans mes cheveux. J'ai envie de lui dire que non, elle toute petite et que j'ai une envie folle de la séquestrer pour la protéger de tout et de tous, mais la Leila dont je suis tombé amoureux ne l'acceptera jamais.

- Assieds-toi s'il te plaît, Leila.

Je lui désigne le fauteuil en face de mon bureau. Elle ne marque qu'une très courte hésitation vent d'obtempérer. Elle se cale bien droite au fond, les jambes croisées, les mains posées bien à plat sur les accoudoirs. Posture de PDG en pleine négociation. Même en serviette de bain, Leila Michel a l'air redoutable et particulièrement concentrée.

Je m'assois en face d'elle, pose mes coudes sur la surface de mon bureau et réunis mes mains en pyramide. Mes yeux plongent dans les siens. Inutile de lui réclamer toute son attention, je l'ai déjà pleinement.

- Le Général Constance dirige la DRM, et je travaille pour lui depuis bientôt dix ans. Tu sais ce qu'est la DRM ?

Elle arque son fin sourcil.

- La Direction du Renseignement Militaire.

Je ne montre rien, mais elle m'impressionne une fois de plus. Qui connaît la DRM de nos jours, franchement ?

- Je ne comprends toujours pas, reprend-elle, la DRM a pour objectif l'appui et le soutien technique des opérations extérieures, et l'anticipation des risques armés contre la Nation. Quel rapport avec ma société ?

- C'est l'une de nos missions en effet, mais nous collaborons étroitement avec les autres organismes sous le commandement direct du Conseil National du Renseignement. C'est d'ailleurs sur la demande de ce dernier que j'aie reçu la mission de m'emparer de ta société et de trouver les preuves de son implication dans un trafic international de drogue et de blanchiment d'argent.

Leila se lève brusquement en serrant les poings :

- Tu veux bien me répéter ça, s'il te plaît ? Ma société ? Impliquée ? Tu sous-entends quoi exactement ? Que je suis suspecte ? Que je couvre de tels agissements ?

Sa voix descend dangereusement dans les graves.

- C'est ce à quoi nous a amenés notre enquête initiale, en effet.

- Alors quoi, Adrien ? Non seulement tu savais qui j'étais, mais coucher avec moi, c'était prévu depuis le début c'est ça ? J'étais juste un bonus, ou bien c'était plus facile pour toi de me faire parler après m'avoir mise dans ton lit ? C'est quoi ton job exactement ? Gigolo de la République Française ?

- Leila, s'il te plaît, je dis doucement en soupirant. Tu sais très bien que ça ne s'est pas passé comme ça.

- Ah non ? AH NON ????

Je la dévisage sans rien pouvoir rajouter. Je sais de quoi ça a l'air, dit comme ça. Mais la vérité c'est que, dès que j'ai appris à mieux la connaître, j'ai su que Leila Michel était tout, sauf malhonnête. Jamais elle n'aurait pu tremper dans un tel trafic. Mais le problème c'est que toutes les pistes mènent à sa société. Toutes.

- Regarde-moi dans les yeux Adrien ! elle tonne durement. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi en face que jamais à un seul instant tu n'as cru à ma prétendue culpabilité...

Je soupire.

- Non. Je ne peux pas te le dire. Je ne veux plus te mentir.

Leila recule en titubant. Je peux lire le choc et le chagrin dans ses yeux.

- Pourquoi tout me dire maintenant ? Qu'est-ce que ça te rapporte ? Tu m'as bien baisé et dans tous les sens.

- Arrête Leila ! Ne salis pas notre histoire.

- Quelle histoire Adrien ? Celle que tu nous as inventée et à laquelle j'ai cru ? Ou la vraie, celle où tu m'as manipulée et où tu as poussé le vice jusqu'à me faire culpabiliser de m'être laissée capturée par l'autre enflure d'Anaximandros ?

- Je...

- C'estquoi la suite ?

Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant