Ostracisme

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2 Mars 2015. Leila.

  Ma vie, ces derniers jours ne pouvait pas être plus pourrie. Et quand je dis pourrie, le mot est vraiment hyper faible. Cela fait plus de trois semaines maintenant qu'Adrien ne me parle plus et refuse de me voir. Il m'a chassée de sa vie comme une malpropre. Il m'a bannie purement et simplement appliquant la vieille coutume grecque de l'ostracisme...

Ouais je sais. Là-haut on se fout de ma gueule. Merci j'avais remarqué. Le pire c'est que je l'ai plus que mérité. Et mes déboires ne s'arrêtent pas là.

Petit résumé :

1- Je suis en manque. Manque de lui. Manque de nous. Manque de nos jeux. Manque de son désir pour moi. Manque de mon désir pour lui. Une vraie toxico en cure forcée de désintoxication.

2- Depuis ce que j'ai pris l'habitude d'appeler "le désastre", tout fout le camp. Je n'ai plus goût à rien, ni d'envie. Je suis obligée de me faire toute petite. Physiquement, ce n'est pas vraiment un problème. Par contre, mentalement et au vu de la taille démesurée de mon ego, c'est une autre affaire... Joe, Richard, Hervé, Vincent et Marjo ont pris le parti de ce cher Erria. Franchement, je ne peux pas leur en vouloir. J'ai eu de nombreux qualificatifs dans ma vie. Tous plus fleuris les uns que les autres. J'ai eu de nombreux accrochages aussi et j'en sortais systématiquement gagnantes. Mais là avec mes amis ? J'ai gagné la palme de la bêtise, de l'idiotie, que dis-je du QI de dinde...

3- Dernière punition enfin et non pas des moindres : mon obligation de travailler avec Stacy Valone, j'ai nommé "la Morue", qui a pris les commandes du bureau d'Adrien à S.C. après un abominable coup monté de mes deux associés.

Allez-y, je vous prie, riez !

Quand je vous disais que je détestais ma vie à l'heure actuelle... Soupir...

Je suis assise à mon bureau et je fais le compte de tout ce que j'ai perdu. Mon bilan comptable semble bien minable d'un seul coup. Est-ce que vous vous souvenez de la chanson de Sabine Paturel "Les bêtises" ?

Eh bien c'est précisément moi aujourd'hui. Je fais rien que des bêtises quand il est pas là... Fallait pas qu'il me quitte, il est beau le résultat...

Effectivement, j'ai mangé tout le chocolat (sous toutes ses formes même : bonbons, glaces, gâteau...), j'ai tout vidé le rhum coca (enfin plutôt la caramel vodka), j'ai tout déménagé chez moi (à vrai dire tout cassé serait plus juste)....

Bref vous voyez le tableau ?

Au bout de soixante-douze heures sans nouvelles de moi, Joe et Richard ont envoyé le général Marjorie défoncer la porte de mon manoir. Au bout du compte, elle est restée debout au milieu de mon entrée dévastée et face à mon majordome déprimé. Elle m'a retrouvée vautrée dans mon canapé en cuir blanc à quinze milles à moitié dans le coma, éthylique bien sûr. Je m'étais vomi dessus et des papiers de bonbons décoraient mes cheveux...

Ouep ! Quand je suis mal, je ne fais pas dans la demi-mesure. Là-aussi je me donne à fond.

Deux paires de claques retentissantes plus tard, Marjo me traînait par les cheveux sous la douche qu'elle alluma. Un jet d'eau glacial me tomba dessus et je glapissais et hurlais à son encontre tout sautillant pour échapper à cette torture...

- Si tu bouges pas ton cul Leila, je le propulse sur Mars à coup de talons de quatorze ! me prévint-elle mauvaise.

Depuis, Vincent faisait un rapport quotidien de mes activités à l'ensemble de notre petite communauté et j'avais l'immense joie de côtoyer la Morue au quotidien. Et justement en parlant du poisson...

- Bonjour Mademoiselle Michel, me dit-elle son sourire de pimbêche vissé sur le visage et en s'asseyant sans que je l'y invite.

- Bonjour Stacy, je grogne dans un effort surhumain.

Je note immédiatement qu'elle a laissé les trois premiers boutons de son chemisier rose pâle ouvert. Signal qu'elle a vu Adrien avant de venir. J'ai rapidement compris l'intérêt qu'elle lui porte. Depuis qu'elle a été promue sa remplaçante, son imagination déborde comme le lait bouilli de sa casserole. Si Stacy est la doublure du manteau, Adrien lui est la peau de bête qui le compose...

Elle ne manque du coup jamais une occasion de me rappeler ce que j'ai perdu. C'est toujours perfide, constamment insidieux et garce à souhait. Vincent a surpris plus d'une fois mon regard assassin et vient régulièrement ramasser les innombrables objets qui jonchent le sol de mon bureau.

- Vous avez mal dormi ? me demande-t-elle d'un air enjôleur qui ne me trompe pas.

- Non pourquoi ? dis-je en haussant un sourcil et en me redressant de mon fauteuil.

- Oh pour rien... C'est juste que vous êtes tellement bien apprêtée d'habitude... Mais bon, on ne peut pas tous les jours être une fashion victime...

- Je serais ravie de chercher l'insulte qui se cache sous le faux compliment, mais je ne suis pas d'humeur. Venons-en au fait, Stacy.

Un éclair de satisfaction traverse ses prunelles. Elle sait qu'elle me touche à chaque fois. Parce qu'elle peut lui parler elle. Elle a le droit d'aller le voir elle. Le droit de s'asseoir au bord de son lit d'hôpital ou même de lui tendre un verre d'eau s'il en a besoin...

- C'est juste que vous avez l'air plus victime que fashion aujourd'hui.

Si je vous dis que je me vois bien sauter par-dessus mon bureau pour lui voler dans les plumes... Pardon dans les écailles à cette morue, est-ce que vous me croyez ?

Heureusement ou pas d'ailleurs, Vincent entre à cet instant.

- Lei ? Joe sur la une.

Je renifle de mépris et de dédain. Je me lève et m'appuie sur mon bureau les deux mains à plat pour mieux la prendre de haut :

- Moi au moins je n'ai pas besoin de m'habiller trois tailles en dessous pour faire déborder de mon chemisier ce que je crois être une paire de seins digne de ce nom... Ce sera tout Stacy. Si j'ai besoin de vous, je pense savoir où vous trouver. Mais suis-je bête, je n'aurais pas besoin de vous.

Elle se lève à son tour et cherche une réplique cinglante qui manifestement ne vient pas. Je suis peut-être à terre, mais je suis loin d'être sans défense. Ma fierté s'est peut-être fracassé au sol, mais pas encore ma dignité. J'hausse un sourcil et je la défis d'aller plus loin. Stacy se mord la lèvre et tourne les talons. Elle sort sous le regard vaguement amusé de Vince.

- Quoi ? je lui dis.

- Rien ! me dit-il en secouant la tête. Dépêche Joe a l'air fumasse.

Super ! Vraiment ! Génial !

La foudre ?!!! Allô la foudre ?!!! Est-ce que tu voudrais bien tomber sur moi ? S'il te plaît ?

Je me rassois en faisant pivoter mon fauteuil vers la ma fenêtre. Je décroche en même temps.

- Salut Joe. Ça va ?

- Tu comptais me le dire quand exactement ?

Je soupire. Joe est un modèle de compassion en ce moment avec moi.

- Moi aussi ça va je te remercie, je réponds cynique.

- Fais pas ta maligne putain Lei !

- Te dire quoi ? Je crois que ces derniers temps j'ai fais plus de mea-culpa que Jésus lui-même. Je vois pas bien ce que je pourrais rajouter...

- Et si on parlait de la carte que tu m'as envoyée de la Frégate avant ta connerie ?

Oh merde. Ça va barder.  

Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant