Extrémités

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Leila. Même jour. Dans un foutu coffre de voiture.

Baromètre de pression interne : 200 %.

Manomètre de tension externe : 200 % également.

Laissez-moi vous dire que quand je vais sortir de là, je vais lui faire perdre l'ensemble de ses extrémités... Tout ce qui dépasse de son immense personne, va subir une taille de printemps... Je me sens une âme de paysagiste soudain, tandis que je suis secouée comme un prunier à cause des virages et des petites routes de campagnes.

La voiture commence à ralentir et j'entends même des graviers sous nos pneus. Nous nous arrêtons un court instant avant de repartir. Puis, nous descendons brutalement et je roule jusqu'au fond du coffre, sans pouvoir me raccrocher à quoi que ce soit.

Des images d'une rare violence me traversent l'esprit. Je rêve de le désosser, de le décapiter, de le démembrer... Bref, tous mots commençant par le préfixe dé — et incluant de préférence une mort lente et particulièrement douloureuse... Je m'imagine une version plus moderne aussi et plus sophistiquée : du style, moi, avec un Taser appliqué sur sa partie centrale et appuyant sur le bouton pour envoyer le jus de façon très jubilatoire...

Le moteur se coupe enfin. Des portières claquent. J'ai arrêté de m'épuiser à donner des coups contre le coffre. Il faudra bien qu'il vienne m'ouvrir, et alors... Alors...

Le coffre s'ouvre. Je cligne des yeux face à la lumière crue des néons. Puis, je m'élance vers l'extérieur en poussant un cri de rage, quand je m'arrête net face à la personne qui se tient devant moi.

- Marjo ???? je demande complètement interloquée.

- Salut Lei. Ça gaz, ma grande ?

Je prends la main qu'elle me tend pour descendre.

- Où est-il ? je grogne.

- Hmm ? Qui ça ?

Je détaille des pieds à la tête l'amie d'enfance d'Adrien, puisqu'il faut que je l'appelle comme ça. Et je suis un peu plus désarçonnée. D'abord, parce que Marjorie est habillée comme... Ben, enfin, comme... Une dominante. Robe en cuir noir, ceinture et talons rouge sang, chignon banane strict et regard charbonneux. Ensuite, parce qu'elle se fout de moi tout en étant parfaitement sérieuse et impassible. Rien ne dépasse, rien ne filtre. Enfin, parce que « code de filles » oblige, elle devrait compatir à ce qu'il vient de me faire, merde !

Il m'a enfermé dans un coffre de voiture !

Moi. Leila, Sarah, Rose Michel, son associée.

- Tu n'es qu'une sale traîtresse, Marjo.

Elle hausse tout juste un sourcil.

- Pourquoi ?

- Parce que tu le couvres et parce que tu ne m'as jamais dit que tu le connaissais.

Elle croise les bras.

- Tu ne m'as jamais posé la question à vrai dire. Et puis tu voulais que je dise quoi au juste ? Au fait, le mec que tu te tapes, c'est un pote à moi. Un pote un peu spécial... De temps en temps, on s'offre du bon temps avec quelques jou...

Je lève la main pour la stopper avant que les dégâts ne soient irrémédiables. Puis, je me pince l'arête du nez en inspirant fortement. J'essaie de faire appel à ma sérénité intérieure, mais elle semble avoir fui quelque part entre Saturne et Jupiter...

- Tu as couché avec lui ? je demande quand même, la voix descendant de trois octaves au moins.

- Sérieux Leila, tu veux vraiment savoir ça ? m'interroge-t-elle sans rien laisser paraître de ce qu'elle pense.

Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant