Et je te rends ton amour...

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Adrien. Date inconnue.

  Tout mon corps me fait un mal de chien. Mon esprit lui est quelque part loin, très loin, entre ciel et terre. Mais alors pourquoi j'ai aussi mal putain ? Est-ce que je suis mort ou pas ?

Je n'arrive pas à revenir. Je suis dans le brouillard le plus complet. J'ai l'impression d'être à Londres un matin d'Octobre... C'est tout dire...

Je sais deux choses cependant :

1- Leila est en vie.

2- Elle est là.

Je le sais. Je jurerai que je sens sa main dans la mienne. Que je sens son odeur dans mon nez, sa voix dans mon oreille... Elle m'obsède encore même dans la mort... Faut le faire bordel !

Note pour plus tard : si jamais je reviens à moi, entamer une sérieuse cure de désintoxication.

- Je suis tellement désolée Adrien...

Pourquoi est-ce qu'elle pleure ? Je voudrais lui dire que je suis là, qu'il ne faut pas qu'elle s'en fasse, mais mon cerveau me refuse obstinément le réveil. Je re-sombre.

J'enregistre un peu plus tard (enfin à moins que ce ne soit beaucoup plus tard...) un bout de conversation. Enfin d'engueulade plutôt. Quelqu'un est en train d'en prendre pour son grade, son matricule et tout autre synonyme possible. M'est avis que c'est Leila qui se fait maltraiter comme ça. Dans mon inconscience, je me demande pourquoi elle ne réagit pas... Certes, elle a abusé, mais j'y suis allé en connaissance de cause... Moi non plus, je n'ai pas vraiment obéi...

- Est-ce que vous vous rendez compte des risques que vous avez couru ? Que VOUS nous avez fait courir ? Bordel ! Je devrais vous inculpez pour obstruction à enquête, mise en danger de la vie d'autrui et outrage à agent ! Regardez-le ! Si vous nous aviez fait confiance, il n'en serait pas là aujourd'hui !

Je n'entends pas le reste, le brouillard m'envahit de nouveau.

Un son régulier : bip, bip, bip... Et puis un autre comme une pompe d'air. J'ouvre enfin les yeux. J'ai mal. Je tente de faire un état des lieux. Tête ? Mal. Torse ? Mal. Jambes ? Mal. En fait, j'aurais plus vite fait d'essayer de trouver une partie qui ne soit pas passée sous le rouleau compresseur qui semble m'avoir roulé dessus. Un visage se penche vers moi. Ma vision s'ajuste.

- Salut beau gosse. Je suis contente de voir que tu es revenu d'entre les morts... Tu nous as fait une belle peur tu sais ?

C'est Joe. Mais qu'est-ce que Savage fout là et où est-ce que je suis d'abord ? Je m'apprête à répondre mais quelque chose m'en empêche. J'ai un truc dans la gorge. Joe répond à mon interrogation silencieuse.

-Tu es sous respirateur Ad. Tu as pris une balle dans le poumon. Tu te souviens ? me demande-t-elle d'une voix douce.

Je fronce les sourcils et soudain tout me revient en bloc : le rapt de Leila, l'abordage du yacht, Leila qui court vers moi et qui tombe... Mon rythme cardiaque s'emballe, les bips en font foi : je panique.

Joe pose sa main sur la mienne dans un geste réconfortant.

- Du calme. Elle va bien. Enfin, elle ira mieux quand elle sera que tu es réveillé. Elle est restée à ton chevet pendant tout le temps de ton inconscience. Elle refusait de te quitter. J'ai dû envoyer le commando de choc pour la déloger : Vince, Hervé et Marjo. Ils l'ont amenée prendre l'air et manger. Elle reviendra dans une heure environ...

Pendant tout ce long discours, mon rythme cardiaque s'est ralenti pour mieux repartir. Je n'ai pas envie de voir Leila. Je ne peux pas. Mes souvenirs refont surface avec une précision chirurgicale. Tous les sentiments que j'ai ressentis aussi. Je lui en veux. Je suis même rendu au-delà de la colère. Je ne suis pas prêt à la voir (surtout dans cet état de faiblesse) et encore moins à lui pardonner. Joe fronce les sourcils en voyant la machine de mon pouls s'emballer de nouveau. Je secoue la tête négativement du mieux que je peux, mais j'ai l'impression que ça ne donne rien. Heureusement, Savage me connait bien et comprend que je cherche à lui dire quelque chose d'important.

- Non ? Non quoi Ad. ?

Je lève la main, (enfin j'ai l'impression toujours) et je simule le geste d'écrire.

- Attends, je vais attraper ce qu'il faut.

Elle farfouille sur une table et reviens avec une ardoise et un feutre.

- Le toubib a dit qu'ils vont te laisser sous respirateur encore un peu. Alors on avait prévu le coup...

Elle m'installe le crayon entre les doigts et en positionne la pointe sur la surface. J'écris maladroitement : " veux pas la voir".

Joe lit et voyant mes mots déglutit. Elle se mord les lèvres avant de planter son regard dans le mien :

- Tu ne veux pas voir Leila ? Tu es sûr ?

"Oui"

- Putain Ad, je sais qu'elle a déconné et je te jure qu'on lui en a tous touché deux mots à ce sujet... Mais là, c'est... Eh bien... Tu vas l'achever en fait.

Joe me débite tout ça sur un ton réfléchi mais aussi résigné. Je sais qu'elle a compris pourquoi j'en suis rendu là. J'écris à nouveau :

" Peux pas. Colère. Beaucoup. L. pas aimer moi. Sinon confiance."

Savage opine et soupire.

- Oh Adrien, je crois au contraire qu'elle t'aime plus qu'elle ne saura jamais le dire. Et c'est là tout le problème. Tu sais, je la connais depuis longtemps et la vérité c'est qu'elle n'a jamais vraiment été amoureuse. Tu es le premier et ça lui fait peur. Elle ne sait pas gérer...

" Trop facile."

- Ad...

Je continue d'écrire.

" Ne veux plus travailler à S.C."

- Quoi ?!!! Adrien je te jure, tu dois réfléchir avant ! Tu...

Je secoue la tête encore. Plus fermement cette fois. Mes sensations reviennent un peu. J'ai pris ma décision et je vais m'y tenir. Je sais que Joe me l'accordera.

Petit rappel : lorsque les filles ont été obligées de m'accepter comme associé, elles ont aussi -et elles en avaient le droit légitime à l'époque- refusé mon droit à être représenté par un tiers lors des réunions du conseil d'administration de la société. Elles ont joué sur le fait que j'étais vraiment dans la limite de la légalité en ce qui concerne mon entrée au capital... Comme il est vrai que j'étais à la limite des bornes de la frontière, j'ai accepté cette contrainte.

Aujourd'hui ce n'est plus possible. Je ne peux plus travailler avec elle. Je ne veux plus.

C'est ironique n'est-ce pas ? J'ai tout fait pour ça et maintenant que je ne suis même pas en état de me lever et de respirer seul, je pense déjà à l'avenir. Et je sais que cet avenir se fera sans elle.

J'efface mes mots précédents et les remplace par :

" Toi mandataire. Pour voir de dire oui à moi."

- Adrien ne me demande pas ça... Lei est ma sœur !

" STP ?!!!! Besoin de réfléchir."

Savage hésite. Je le vois. Elle est tiraillée entre sa loyauté et sa colère aussi. Elle sait qu'elle a merdé dans les grandes largeurs et qu'on ne peut pas lui passer ça. Elle se lève va à la fenêtre en me tournant le dos et lâche :

- OK. T'as gagné. Mais qu'est-ce que je vais lui dire, moi ? dit-elle en se retournant vers moi.

Je réfléchis et je pense aux musiques que Lei aime écouter. Un titre de sa chanteuse préférée me revient. J'écris :

" Tu lui diras ça : Je te rends ton amour..."  

Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant