N'oubliez pas de vous méfier...

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Leila. Même jour. Erria Industries.

J'écoute toute la conversation, cachée dans le cabinet privé d'Adrien. Tout ce qu'il me manquait de savoir, je viens de l'obtenir. Adrien a, sans le savoir, fait ce qu'il fallait.

Tout vient de se mettre en place dans mon esprit.

Les liens entre Jamesson et mon grand-père.

Entre mon grand-père et Gauthier et donc entre Jamesson et Gauthier.

Entre la Colombie et l'Afrique.

Entre l'Afrique et moi, enfin.

Plan machiavélique et extrêmement bien conçu au demeurant. Encore heureux que j'aie suivi mon mantra pour le coup.

« N'oublie pas de te méfier... »

Merci César.

Au moins, un de tes conseils m'aura été utile, une fois.

Maintenant, j'ai besoin de cette clé USB et du dossier qu'il y a dessus. J'ai besoin de sortir d'ici. J'ai besoin qu'Adrien soit éliminé de l'équation et en sécurité pour pouvoir les faire tous tomber. Je cherche une idée. Mais rien ne me vient immédiatement. Parce que je suis bloquée dans un foutu cabinet de toilettes !

Taux d'adrénaline dans le sang : en pleine ascension.

Taux d'exaspération : qui suit la même courbe que le taux précédent.

La conversation entre Adrien et Yann se poursuit. Quand je pense que ce salopard m'a vaguement attiré ! Ça me dégoûte.

- Vous n'avez commis qu'une seule erreur tous, dit Adrien.

- Ah oui ? demande Mayorca. Et on peut savoir quoi ?

- Dîtes plutôt qui. Votre seule erreur, ç'a été elle : Leila Michel.

Leur seule erreur, hein ?

Ouais c'est sûr, il n'est jamais bon de s'attaquer à moi ou à ceux que j'aime. Mais il n'y a pas eu que ça à vrai dire. Enfin, je devrais dire, il n'y a pas eu que moi. Une autre personne a joué un grand rôle dans cette affaire...

J'entends du bruit soudain. Je dresse un peu plus l'oreille, plus tendue et stressée que jamais.

- Vous allez devoir venir avec moi, Erria, gronde la voix basse de Yann.

- Et si je refuse ?

- Oh, nous savons vous et moi, combien je peux être persuasif...

- Vous voulez attirer Leila, n'est-ce pas ? Pour mieux l'éliminer.

- Elle est devenue trop gênante.

- Si vous la tuez, elle ne pourra plus porter le chapeau de tout ça.

- Et qui le saura ? Pour le moment, elle est déclarée en fuite. Nous ferons en sorte que cela continue ainsi.

- Et moi dans tout ça ?

Yann hausse les épaules.

- Dommage collatéral.

Je déglutis.

Non. Non. Non. Ça ne peut pas se passer comme ça. Ça ne doit pas se passer comme ça. Je refuse de vivre ça.

La voix de ma conscience me dit que c'est un juste retour des choses après les Seychelles.

Foutu Karma de merde.

Adrien continue de bluffer.

- Elle ne viendra pas.

- Oh si... Elle viendra. Croyez-moi. Si elle ne le fait pas pour vous, elle le fera pour les autres...

Là, je ne respire plus. Je jette un œil à travers l'interstice entre la porte pas tout à fait fermée et son chambranle. Le regard de mon compagnon et associé a viré au noir, tout son corps est prêt à passer à l'attaque. Il ressemble à un fauve dangereux comme ça, de type panthère noire. Je vois l'homme d'action en lui, le militaire, pour la toute première fois. Et ça me fait battre le cœur un peu plus vite. Le commandant Mayorca le voit aussi car il recule d'un ou deux pas. Il sait qu'il ne faut jamais rester à porter de tir, ni de poing...

King-Size contre Fleur de Foudre. Deuxième round.

- Quels autres ? grogne Adrien.

- Oh, le choix est infini... Mais bon si vous voulez un listing... Il y a sa sœur de cœur tout d'abord Savage, c'est ça ? Ah oui, et aussi bien sûr votre frère Richard, Hervé, Vincent, Marjorie et bien sûr cerise sur le gâteau désormais : votre fils Noah.

Je retiens un gémissement et m'agrippe au porte-serviettes avec une telle force que j'en ai peur de l'arracher du mur.

Adrien ne bouge pas un muscle. Ne respire plus. C'est avec un air menaçant et dangereux à l'extrême qu'il prononce à voix basse :

- Vous êtes un homme mort, Mayorca.

Je reconnais volontiers que le commandant ne se laisse pas déstabiliser pour autant.

- Comme nous tous un jour, non ?

Ils se dévisagent encore avec une intensité haineuse telle, que l'air en crépite dans la pièce.

- Nous y allons ? demande Mayorca, avec une intonation trop civilisée pour être honnête.

- Et comment comptez-vous la joindre et lui faire savoir où nous sommes ?

Merci Adrien, je pense.

- Ne vous inquiétez donc pas de ça. On y va maintenant.

La voix s'est considérablement durcie. Je sais qu'Adrien n'obéit que parce que je suis dans la pièce et qu'il faut avant tout sauver les preuves. Mais cela doit lui coûter plus que je ne saurais l'imaginer. Ce salopard vient de menacer notre famille. Oui, notre famille. Et Noah. Mon Dieu, le fils d'Adrien. Je ne peux pas laisser faire une telle chose. Je ne peux pas.

Alors que je m'apprête à sortir de ma cachette, Adrien s'avance et dit tout haut :

- Si elle est aussi intelligente que je crois, elle fera ce qu'il y a à faire.

Traduction : reste à ta place. Soit plus maligne.

- Ce qui signifie ?

- Vous verrez bien.

Et sur ces derniers mots, ils sortent en claquant la porte, me laissant seule.

Seule et légèrement hystérique.

Je ferme les yeux et inspire à fond plusieurs fois. Adrien a raison. On a un coup à jouer là, même si lui-même ne sait pas tout. Je savais que j'aurais dû allumer ce foutu bûcher au milieu du parking de S.C pour faire griller l'autre enfoiré de Gauthier. Mais bon, ma bonté d'a me perdra...

Je sors avec précaution de ma cachette. Je vais directement au bureau d'Adrien. Je vais pour bouger la souris pour rallumer l'écran qui s'est mis en mode économie d'énergie, quand je remarque l'image de son écran de veille justement. C'est une photo de moi. De moi quand nous étions au Portugal. C'est Joe qui a pris cette photo, une fois n'est pas coutume.

Mon Dieu.

Adrien...

Comme je suis désolée de t'avoir menti... Comme je m'en veux de ne pas t'avoir tout dit. Tout ce que je savais...

La peur me saisit. J'espère sincèrement que nous allons nous en sortir. Que je ne vais pas le perdre quand il saura tout. J'espère qu'il me pardonnera. Parce que lui, mieux que tout autre est à même de comprendre que dans l'espionnage, le manipulateur n'est jamais réellement celui que l'on croit...

On ne sait jamais vraiment qui dirige le métier à tisser.

Jamais.

N'oubliez pas de vous méfier...


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⏰ Dernière mise à jour : Sep 23, 2016 ⏰

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