Chapitre 1

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Imaginez-la.

Elle n'est pas morte, seulement, personne ne sait qu'elle est vivante.

Réveillée à trois heures du matin par la sonnerie stridente de son réveil, elle s'était levée sans attendre, sentant en elle l'envie de passer à l'acte. Non pas une envie pressante venue sur le moment, mais une envie venant la tenter quand cela lui chante. Sans prévenir.

Elle y avait songée toute la nuit, allongée sur le dos dans ses draps blancs, les bras en croix, une seringue cachée sous son oreiller. Elle s'était couchée complètement nue dans son lit pour sentir des frissons lui parcourir le dos. Elle en avait besoin pour se sentir bien. La lumière émamant de sa lampe de chevet projetait sur les murs une lumière blanche menaçante. Les ombres albes avaient prit des formes humaines et semblaient s'être dressées devant elle comme une escouade de policiers, menottes à la main.

Elle baissa les yeux pour garder son sang-froid. Tout en soulevant son oreiller pour récupérer sa seringue, elle ouvrit le premier tiroir de sa table de nuit et en sortit une blouse blanche d'infirmière. Elle se vêtit à la hate, sans prendre le temps de choisir un ensemble coquet, elle n'en avait pas besoin. A pas feutrés, elle marcha jusqu'à son sac à main, d'où elle extirpa un petit flacon contenant un liquide blanc semblable à de l'eau distillée. Une étiquette brune y figurait : INSULINE.

Elle posa délicatement le minuscule flacon sur une table, la seringue et un morceau de coton imbibé de désinfectant. Sachant que son ancienne collègue allait faire sa ronde habituelle dans une petite demi-heure, elle accéléra la cadence. Toujours avec des gestes précautionneux, elle se vêtit de sa blouse. On lui avait défendu de la porter mais ce n'était pas la première fois qu'elle enfreignait cette règle. On lui avait également interdit l'accès aux anesthésiants et tout autres produits destinés aux injections. Mais les règles étant faites pour être transgressées, il n'y a aucun mal à désobéir de temps en temps. Quand le désir devenait trop fort ou quand la tentation atteignait son paroxysme, au point de ne plus savoir quelle position prendre pour trouver le sommeil, elle puisait dans ce qu'elle avait réussit à cacher sous son lit.

Persuadée que ce qu'elle faisait n'allait pas à l'encontre des règles qu'on s'était sentit obligé de lui soumettre elle se permettait de temps à autre des escapades nocturnes. Elle attacha ses beau cheveux noir jais naturellement ondulés en queue de cheval pour qu'il retombe en cascades dans son dos et se mit un peu de poudre sur les joues pour cacher son teint blafard. Vérifiant que sa coiffure était parfaite, elle acheva son inspection sur la blouse. Cette couleur laiteuse lui faisait penser aux mains livides d'un cadavre. Ne relevant aucune imperfection sur sa tenue, elle détourna le regard et enfila une paire de chaussure confortable sans talons. Ils sont trop dangereux quand ils résonnent sur le carrelage. Ensuite, elle désinfecta à l'aide du coton l'aiguille hypodermique. Puis, elle ouvrit le petit flacon et, d'un geste expert remplit le réservoir aux trois quarts.

Largement suffisant pour ce qu'elle avait à faire. Elle referma le flacon et le dissimula dans une des poches de son sac. Avant de partir, alors qu'elle posait la main sur la poignée de porte, elle aperçu au fond de la pièce un écriteau éclairé par sa lampe de chevet. Ce rectangle en plastique était la « feuille de température » accompagnée du nom du patient et son numéro. Elle avait fait disparaître à coups de ciseau son nom, quand on est mort on n'a plus de nom. Seulement un numéro. Le siens était le 39.

Avec le temps elle avait prit l'habitude de se surnommer « patiente 39 ». C'était la femme qu'elle était devenue, « patiente 39 ». L'autre était morte le jour ou on l'avait emmurée dans cet endroit. La seule personne qui la savait vivante ne pouvait risquer de l'appeler par son vrai nom, seul « patiente 39 » pouvait la désigner à présent.

N'avoue jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant