St James Park

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La nuit venait de tomber sur Londres. Ses faubourgs empestés se fondaient dans la masse à la manière d'une ombre, même le clair de lune ne laissait rien entrevoir. Pas même la silhouette imposante du Dr Schumake qui trainait un corps sur le parking de la clinique Fernlake. La sueur au front, l'angoisse au ventre, sa poigne ferme tirait sur le sac poubelle d'où se dégageait une odeur nauséabonde de décomposition. Il avait cachée le corps dans un buisson en attendant que les rayons du soleil ne disparaissent à l'horizon. Pour éviter les odeurs, il avait mit de la neige autour du corps et à l'intérieur du sac.

Aucun animal n'était venu le flairer, pas même un chien. La chance était de son côté, pourvu que ça dure. Il devait être neuf heures du soir, depuis les fenêtres du bâtiment donnant sur le parking on ne pouvait rien distinguer. A moins que l'un des patients ne soit munit d'une paire de jumelle il était invisible aux yeux de tous.

Le sac semblait peser des tonnes. Il avait l'impression de tourner en rond, la voiture de William est garée en face de sa Citroën, à l'entrée du parking mais elle lui semblait plus loin. C'est une chance qu'il ait trouvé les clefs de la voiture en dissimulant le corps dans un buisson. Les clefs en argent avait glissé de la poche du cadavre en faisant un léger bruit en tombant à ses pieds.

Il comptait emmener le corps loin de la clinique avec la voiture, pour que, au cas où on retrouvait le corps, la police ne fasse pas le rapprochement avec sa clinique. St James's Park était l'endroit idéal pour y cacher un cadavre. Il y a près de Ducks Island et West Island un immense canal qu'enjambe un pont majestueux. De là, il pourra jeter le corps. Et pour qu'il coule à pic immédiatement, il pensait ajouter dans le sac plusieurs pierres qu'il trouverait sans problème sur place.

Mais d'abord, il devait sortir de ce parking sans se faire voir. Maggie est à l'opposée de ce bâtiment, aucune chance que ses yeux ne viennent fureter par ici.

Il eut vite fait de reconnaître la voiture de William, d'une main sure, il sortit de sa poche les clefs et ouvrit le coffre. Il s'ouvrit lentement, presque au ralentit. Il hissa le sac dans son dos, le fit glisser sur une de ses épaules pour avoir plus de force et le laissa tomber sur le côté pour qu'il atterrisse dans le coffre. Il était juste assez grand pour que le corps n'y tienne. De toute façon, il n'y restera pas très longtemps, le trajet jusqu'à St James's Park ne durera pas plus de quinze minute. Trente, au total. Il sera de retour vers neuf heures et demie à tout casser.

Personne ne se sera aperçu de son absence, personne ne l'a vue sortir. Sauf Nola, il était allé la voir dans son appartement dissimulé par la fausse cloison. Elle lui manquait au quotidien et il trouvait de moins en moins le temps d'aller la retrouver. Mais à chaque fois elle lui souriait. Ses dents blanches apparaissaient et ses yeux retrouvaient leur pétillance habituelle.

La seule chose qui le dérangeait chez elle c'était ce nouveau nom qu'elle s'était donné. Elle ne voulait plus qu'il l'appelle Nola, elle disait ne plus avoir de nom. Quand on est mort on n'a plus besoin de nom. Seul « Patiente 39 » lui convient, c'est le nom inscrit sur l'ancienne feuille de température à laquelle on l'associait quand elle avait été internée à la clinique.

Il fit démarrer le moteur et manœuvra avec difficulté le frêle véhicule et s'engagea dans la rue déserte. Même le déluge de neige semblait l'avoir épargné. C'était peut-être la première nuit depuis trois jours qu'il ne neige pas mais cela n'allait pas durer. Il faisait toujours aussi froid et cela ne semblait pas aller en s'arrangeant. Dès le lendemain la poudreuse sera de retour.

Et le corps de William servira de repas aux poisson du lac.


N'avoue jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant