Piégée

23 4 6
                                    

Ray Moore, dont la voiture avait fait connaissance avec un poteau électrique profitait en un sens de la situation. Autant il détestait se retrouver bloquer en ville, autant il préférait profiter du chauffage central du café que du chauffage limité de sa vieille voiture.

Le véhicule de dépannage ne devrait pas arriver avant un petit quart d'heure, profitant de l'occasion, Ray avait trouvé refuge dans le café du coin fréquenté par des groupes d'adolescents.

Se sentant seul au milieu de cette jeunesse, il se dirigea vers le téléphone mit à disposition des clients. Le sien étant en miette dans la carcasse de son véhicule, c'était son seul moyen de contacter sa femme. Une fois le coup fil terminé, il choisit la banquette la plus proche du radiateur et commanda un café corsé.

Depuis son poste d'observation, il s'abandonna dans la contemplation des superbes balcons de l'immeuble d'en face. Il remarqua un homme emmitouflé dans un grand manteau qui parvenait difficilement à gravir les marches menant à l'entrée. Pauvre vieux, murmura t-il en payant le serveur.

Le café acheva de le réchauffer, alors qu'il portait le liquide noir à ses lèvres, son regard s'arrêta et ses yeux se plissèrent. Il distinguait sur un des balcons une ombre qui tremblait de froid, bouche-bée il se leva de la banquette et s'approcha jusqu'à ce que le bout de son nez frôle la glace. Il s'agissait d'une femme, reconnaissable grâce à sa longue chevelure, elle était mort de froid.

Le temps qu'il ne réalise ce qu'il avait sous les yeux, l'ombre se recroquevilla avant de disparaître de son champ de vision. Soit le froid et sa vue lui jouait des tours, soit on avait enfermé une femme sur son balcon. Ray opta pour la première hypothèse.

Haussant lourdement les épaules, il se sentit presque ridicule de son comportement. Maudissant sa mauvaise vue, il se rassit et savoura son café en chassant de son esprit cette vision.

Il ne pouvait pas le savoir, mais il avait vu juste. Sa vue ne l'avait pas trompé, au contraire, il était le seul à avoir remarqué cette femme. Et il se trouvait que le balcon est celui de l'appartement du Dr Schumake. Et la jeune femme qui y mourrait de froid était facilement identifiable grâce à ses magnifiques cheveux.

Maggie Willard.

Celle-ci sentait sa tête tourner, ses dents claquer au rythme de son cœur. Jamais ses muscles n'avaient été autant engourdis par le froid. Elle plaquait ses mains si fortement contre ses bras que ses doigts étaient ankylosés.

Elle ne sentait déjà plus ses pieds et le froid meurtrier courait à présent sur ses jambes. La fatigue la força à se laisser glisser contre le mur. La neige tombait drue et menaçait de la faire sombrer dans les ténèbres.

Il lui semblait que la poudreuse allait la recouvrir en peu de temps. Par instinct de survie, elle s'allongea sur le ventre et rejoignit un espace plus à l'abri des flocons.

Quand elle avait comprit que quelqu'un entrait dans l'appartement, elle avait remit rapidement le dossier en place, puis, plus paniquée que jamais, avait cherché un endroit ou se cacher. Elle entendait les pas menaçant dans l'entrée se rapprocher dangereusement. Si on la découvrait dans l'appartement, que lui arriverait-il ?

Elle avait ouvert la porte vitrée menant au balcon juste à l'instant ou l'homme faisait irruption dans le salon.

Le spacieux balcon était sa seule issue, qui aurait l'idée d'aller s'y promener par un tel froid ? C'était risqué, mais c'était sa seule chance de s'en sortir. Elle regrettait presque ce choix, elle ne s'était pas fait prendre mais, si l'inconnu qui semblait être le Dr Schumake ne partait pas de si tôt, sa vie allait se terminer ici. Sur ce balcon, ensevelie sous la neige, on ne retrouvera qu'une momie dévorée par le froid.

Sa vue commençait à se brouiller, les larmes qu'elle versait n'était pas loin de se transformer en givre. On lui avait souvent parlé des périodes de grands froid que l'Homme avait dû apprendre à surmonter, si elle avait vécue à cette époque, elle n'aurait pas tenue très longtemps. Elle n'était cachée que depuis une dizaine de minutes que déjà elle commençait à ne plus se contrôler.

Son corps n'allait pas pouvoir maintenir la température nécessaire pour son cœur encore très longtemps. Lors d'une enquête sur un corps retrouvé congelé dans un énorme congélateur, elle avait apprit que le corps humain disposait de mécanismes qui permettait de réguler tous les échanges thermiques quand il était confronté au froid.

Le corps doit garder une température de 37°, si le supplice se prolonge, le sang chaud circule de moins en moins en direction des extrémités comme les doigts, le nez et les pieds pour que le cœur continue de battre régulièrement et que le cerveau soit irrigué. Bien que le corps humaine soit une merveille de technique, il a lui aussi ses limites, au fur et à mesure que le corps se refroidit, l'individu en subit les conséquences.

Maggie n'aurait jamais cru y être directement confrontée. Elle commençait à avoir du mal à réfléchir, elle ne pensait plus qu'a survivre. Ses problèmes, cette affaire qu'elle s'était promise de résoudre, ses ennuis personnels, tout lui semblait bien loin. Comme s'il n'avait à ses yeux plus aucun sens. Face à un tel danger elle commençait à comprendre que sauver sa peau devenait sa priorité. Et dire qu'elle risquait sa vie pour une gosse morte, elle ne peut plus rien pour elle. Empêcher d'autres de connaitre le même sort est son seul but.

Une voix qui semblait venir de l'intérieur lui murmurait : Vit..vit pour Amy,...Fait le pour eux,...avant qu'il ne soit trop tard...Maggie sentit en elle la nécessité d'agir sans attendre, comme si une main invisible venait de l'agripper par le col, elle se remit debout. La voix continuait de l'encourager.

Fais le...avant qu'il ne soit trop tard..

Le froid semblait avoir déserté son corps, comme si elle l'avait chassé. Elle avança prudemment, le Dr Schumake était encore à l'intérieur, il ne s'agissait plus de se faire pincer. Mais un évènement inattendu mit fin à son obstination. Sous ses yeux, le volet électrique les portes vitrées se refermaient. Sous ses yeux. Sans qu'elle ne puisse l'arrêter.

Cette fois-ci c'était sur.

Elle allait mourir ici, il n'y avait plus d'issue...

*


N'avoue jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant