Prise au piège

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Maggie s'était mise en tête de mettre la main sur cet essuie-glace. William lui avait dit que tout reposait sur cet élément, qu'elle devait le trouver avant que son agresseur ne le détruise. Mais elle se rendit compte que le fait d'être dans cette chambre d'hôpital lui était plus handicapant que bénéfique. Elle n'avait nullement la possibilité d'entrer et sortir comme bon l'entendait. Il y a des règles, bien strictes, auxquelles aucune infirmière ne ferait abstraction.

Il fallait pourtant bien qu'elle sache. La nuit qui approchait était l'occasion rêvé pour franchir la porte de sa chambre. Même si les couloirs étaient la plupart du temps déserts, elle savait que les infirmières de garde s'adonnaient à quelques rondes à des heures bien précises. Elle ne connaissait pas les horaires et avait décidé de tenter sa chance. Dans le pire des cas, on la reconduira jusqu'à sa chambre avec une bonne dose de calmant dans le sang. Ce ne serait pas une première, elle commençait à avoir l'habitude et supportait mieux l'action des médicaments sur son organisme et son système nerveux.

« Tant pis, je risque le tout pour le tout ». Prenant le taureau par les cornes, elle sentit un flot d'adrénaline lui parcourir le corps, de la tête aux pieds. Elle patienta ainsi, allongée sur son lit, perdue dans la contemplation du plafond blanc, jusqu'à ce qu'une infirmière ne vienne pour vérifier que tout allait bien et fermer les volets à clef. Maggie pria intérieurement pur qu'elle n'ait pas l'idée de fermé la porte à clef elle aussi.

Elle pourrait dès lors dire adieux à ses projets.

Mais l'autre femme ne fit pas de zêle, elle lui souhaita un rapide « bonne nuit » avant de refermer la porte, remit la clef dans une de ses poches et éteignit la lumière. La pénombre prit place dans la petite chambre, il n'y avait plus les formes des meubles découpés dans la lumière de sa lampe de chevet. Seulement ce noir oppressant qui l'enveloppait comme une de ces grandes couvertures avec laquelle on recouvre les morts.

Sans lampe torche, Maggie devrait progresser dans les ténèbres avec seul repère son sens de l'orientation.

Les bras tendus devant elle, comme un somnambule perdu dans sa chambre, elle se leva et marcha jusqu'à la porte qu'elle trouva sans aucune difficulté. Elle appuya sur la poignée en prenant soin de ne pas la faire grincer. Une fois dehors, elle sentit une différence évidente de température lui glacer le sang.

Sous ses pieds nus, le carrelage froid ne manquait pas de lui rappeler sa présence. La plante de ses pieds collait sur le sol à cause de la transpiration du au dégagement de chaleur que subissait son corps. Les ténèbres menaçantes l'encerclaient, elle avait peur de faire un pas en avant ou en arrière. Elle s'imaginait entourée par des lames de bouchers soigneusement aiguisée, si elle fait un pas de trop c'est la mort assurée.

Mais elle était seule.

Aucune lame de fer ne vint couper sa chair. C'était juste son imagination et la peur qui lui jouait des tours. Qui s'amusaient de son inquiétude. Dans quoi s'était-elle embarquée ? Elle en prenait seulement conscience à cet instant et il était trop tard pour faire demi-tour. Quand on arrive à un tel point, le retour n'est pas admissible en l'absence de résultats significatifs. Elle ne peut pas abandonner maintenant, ce n'est pas le froid du couloir, ce n'est pas l'angoisse de faire une mauvaise rencontre qui l'empêchera d'avancer.

Il lui semblait entendre des voix. Des voix humaines, de femme, des chants féminins, venant de très loin, remontant les entrailles de la terre. Elle n'aurait pu dire à quel personne elles pouvaient appartenir mais elle les entendait distinctement. Certaines parlaient sa langue et d'autres pas. Pendant que son imagination lui torturait sans relâche l'esprit, elle continuait d'avancer dans le noir. Elle n'avait encore rencontré aucun obstacle, pas un seul mur ne s'était imposé devant elle. Ses mains tendus en avant se refermait sur du vide.

Ou suis-je ?

Elle croyait tourner en rond.

Elle avait beau orienter sa tête de tous les côtés, elle ne distinguait aucune lueur à proximité. Juste un couloir invisible, plongé dans la pénombre. C'était comme si elle s'enfonçait dans les profondeurs d'un puit. L'humidité était également présente, sous la forme de frissons dans le dos et d'un ruissellement continu de sueur au niveau des aisselles et au pli de l'aine. Le puit était interminable et de plus en plus froid.

Sans qu'elle ne s'y attende, Maggie sentit ses phalanges heurter une surface dure. Sans réfléchir, elle comprit qu'il s'agissait du mur marquant la fin du couloir, il était recouvert par une fine couche de peinture que ses ongles avait effleuré. Le contact avec le mur glacé lui rappela sa vulnérabilité, pieds nus au milieu des ténèbres elle ne savait plus ou se diriger. Ses maigres souvenirs lui permirent néanmoins de comprendre qu'en prenant sur sa droite, elle rejoindrait des escaliers menant a un long corridor. Semblable à celui-ci, avec la même froideur.

Et quelques marches plus loin, elle trouverait le service de pédiatrie et en face le « cocon ». Dans lequel plus d'un bébé a trouver la mort.

Elle se mit en route, vacillante et désorientée. Elle se demandait si elle saurait retrouver son chemin pour revenir à sa chambre une fois son escapade terminée. Tous les couloirs se ressemblent, avec leurs murs blancs, leur largeur identique et dans le noir ils sont tous identiques, sans exception. Maggie redoutait aussi de tomber sur une infirmière ou pire, si le Dr Schumake la trouvait ici ? Que se passerait-il ?

Seul le bruit discret provenant du cliqueti d'un chargeur de revolver, braqué dans sa direction répondit à sa question.


N'avoue jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant