Dans le placard

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Ne partageant pas le soulagement collectif, le Dr Schumake ruminait sa vengeance. Les fenêtres grandes ouvertes, il tentait de remettre de l'ordre dans ses idées. Il pensait à lui et à sa femme. Avant de quitter son bureau, il prit la précaution de vérifier qu'elle n'était pas sortit de sa chambre. Il ne pouvait pas l'enfermer, c'était plus fort que lui, mais il pouvait encore la dissuader de quitter son repaire.

C'est la faute de cette femme si la sienne est forcé d'errer entre quatre mur. Il faut se venger. C'est ce qu'il avait tenté de faire hier soir, cela l'aurait non seulement délivré d'une angoisse permanente mais aussi permis à son couple de revivre à peu près normalement.

Cette femme, Maggie Willard est devenue sa Némésis. Une déesse du châtiment et de la justice. Venue briser une vie. Il faut qu'il l'arrête avant qu'il ne soit définitivement trop tard. Mais avant de la réduire au silence, s'occuper des preuves qu'elle a semé un peu partout à la manière du Petit Poucet. La première preuve, c'est lui-même qui la créée en renversant Maggie. Il n'avait pas manqué de s'apercevoir qu'un de ses essuie-glaces manquait à l'appel, mais ce n'est qu'en passant ce matin dans la chambre de Maggie pour rassurer Madeline qu'il l'avait aperçu. A moitié dissimulé sous les vêtements de Maggie. Tout s'était alors éclaircit, comme frappé par la foudre, il était resté de marbre au milieu de la chambre.

Madeline s'en était aperçue mais n'y avait prêté aucune attention. De son côté, Schumake venait de comprendre ce qui s'était réellement passé. Le morceau de plastique avait du sauter lors du choc, ou alors Maggie s'y était agrippée et l'avait gardée avec elle.

Quoiqu'il en soit, il devait le faire disparaitre.

Il avait tenté à plusieurs reprises de s'en saisir mais s'était sans compter l'œil avisé de Madeline.

Toutes ses ingénieuses tentatives pour l'éloigner n'avaient rien donné. Madeline s'obstinait à ne pas déserter son poste, comme si elle tenait à ce qu'il ne puisse pas emporter et détruire cet essuie-glace. Il s'était d'ailleurs lui-même étonné que personne ne l'ait remarqué avant lui. Un tel objet dans les affaires d'un accidenté aurait éveillé les soupçons de n'importe qui. Pourtant personne ne semble s'en être aperçu avant lui.

Cela n'allait pas durer bien longtemps.

Comme toutes les femmes, une fois qu'elle aura reprit ses esprits, elle s'occupera de ses affaires. Il n'osait même pas imaginer Maggie en train de découvrir cet essuie-glace. Comment réagirait-elle ? Connaissant sa vivacité d'esprit, il ne fait aucun doute qu'elle ferait immédiatement le lien. Peut-être ira-telle même en dire deux mots à une des infirmières et a sa famille ou encore à ses supérieurs ? Il ne pouvait pas prendre ce risque. Il avait apprit par l'infirmière de garde que Maggie allait recevoir trois visites ce matin, son grand-père, un collègue de travail et le jeune homme qui est arrivé hier avec l'ambulance. Avec un peu de chance il aura le temps d'entrer dans la chambre avant que les visites ne commencent.

Les aiguilles de sa montre l'informèrent qu'il lui restait très peu de temps. Cinq petites minutes, si ce n'est pas moins. Sous l'effet de l'adrénaline, il dévala les dernières marches de l'escalier en colimaçon menant à l'aile qu'il cherchait. Comme il s'y attendait la porte réservée au personnel d'entretient était ouverte et il pu emprunter le couloir menant aux chambres. Celle de Maggie se trouvait à quelques pas.

Les semelles usées de ses Loake brune semblaient racler le carrelage glacé tant le bout de ses doigts de pieds sentait le froid les engourdir. Dehors le temps s'était rafraichit et le chauffage central était bien trop ancien pour maintenir une température élevée dans les couloirs.

C'est avec beaucoup d'appréhension qu'il s'arrêta devant la porte entrebâillée. Si Maggie s'est assoupie, comme le font la plupart des accidentés, il lui suffira d'ouvrir le placard et de fourrer l'essuie-glace sous sa blouse. Ni vu ni connu. Si en revanche elle est tout à fait consciente, il devra prétexter une simple visite pour la rassurer, et trouvera ensuite une bonne excuse pour être présent pendant des visites. Il aura bien pendant l'une d'elle une chance de le récupérer sans se faire voir.

Retenant sa respiration pour faire le moins de bruit possible, il poussa lentement la porte en passant sa tête dans la mince ouverture. La pièce était vaporisée par une lumière blanche, il n'eut aucun mal à distinguer la jeune femme allongée sur le lit. Les bras en croix, les yeux clos, elle somnolait. « Tout va bien, elle dort » pensa t-il en faisant un pas dans la chambre.

Il ne pouvait s'empêcher de jauger d'un œil intéressé le visage terne de la jeune femme. Même pâle comme la mort elle conservait un charme naturel renforcé par ses traits fin et réguliers. Qu'est ce qui le retenait de la prendre dans ses bras, d'ouvrir la fenêtre et de lui faire faire une chute mortelle ?

La police. Elle conclurait sans hésitation à un meurtre et sa clinique serait placée sous haute surveillance. Ce n'est pas ce qu'il veut, il a une femme qu'il doit garder en sécurité et hors de portée de ce genre de personne.

Ma femme n'ira pas en prison.

Il serait prêt à y aller à sa place, il finirait sa vie en taule mais Nola...Nola serait en liberté, on saura prendre soin d'elle. C'est avec le même état d'esprit qu'il détourna son regard de Maggie et alla droit au placard. Il le trouva dans le même état que ce matin. Il y avait des vêtements étaient en boule et, à moitié dissimulé par la manche d'un T-shirt poisseux, l'essuie-glace. Il avait du mal à croire que cette si petite chose, cette connerie, aurait pu le faire sombrer. Comme la main d'un inconnu le poussant dans un précipice.

Avec la même lenteur, il jeta un coup d'œil dans son dos. Maggie était toujours inconsciente. Tout va bien. Il jeta un dernier coup d'œil dans le placard pour vérifier qu'il n'oubliait rien d'autre. Le placard était si grand qu'il aurait pu y tenir debout en se courbant légèrement, mais à part les affaires de Maggie il ne trouva rien d'autre. Tout ce qui pouvait le trahir allait enfin disparaitre. Sans perdre de temps, il glissa l'essuie-glace sous sa blouse mais alors qu'il allait refermer les portes coulissantes du placard il suspendit son geste. Son ouïe fine venait de le faire tressaillir.

Des pas. Qui venaient en direction de la chambre.

Merde, les visites !

Ne réalisant pas bien ce qui lui arrivait, il marcha au ralentit jusqu'à la porte entrebâillée de la chambre et y colla son oreille. Les pas venaient de s'arrêter juste derrière la porte. Ils vont entrer !

Dans le feu de l'action, il ne pensait plus qu'a une chose. Fuir. Réalisant que sont sort ne tenait plus qu'a un fil, il se mit à chercher désespérément un endroit ou se cacher. Cet endroit, il l'avait sous les yeux.

Le placard.

Il peut facilement y tenir, même sa carrure semblable à une armoire à glace peut s'y réfugier sans problème. Sans aucune hésitation, il fléchit les jambes et pénétra dans son abri au même moment ou Madeline entrait dans la chambre accompagnée d'un vieil homme.

Il n'avait maintenant plus qu'a prier pour qu'aucun des deux n'ait la bonne idée de fouiller dans le placard.


N'avoue jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant