9. Le vieux port

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Il n'en a pas du tout besoin, mais je lisse un peu nerveusement le cuir de la jupe sur mes jambes - j'éprouve soudain le sentiment idiot d'avoir oublié quelque chose...
Voyons. Pas de consignes de maquillage ou de coiffure pour cette fois : s'il y en avait, mes instructions seraient déposées sur le plateau au-dessus des tiroirs, près de la boîte à bijoux. Idem pour le caractère ; le qualificatif que je pourrais avoir à incarner pour la journée - il serait déposé là, il n'y en a donc pas. Bon.
Je vérifie une nouvelle fois le coffret, la penderie, les tiroirs. Non, rien, c'est bon. Je passe ma main au fond du tiroir où j'ai trouvé ce fichu soutien-gorge, espérant en découvrir un autre, blanc, qui m'aurait attendu là, mais rien...


Chaque tiroir est compartimenté, séparé en deux par une petite planche : la règle veut que si, dans un même tiroir, je trouve deux accessoires séparés par cette cloison, je dois choisir l'un, et balancer l'autre immédiatement.
Balancer, ça ne veut pas dire jeter par le hublot, cette fois, mais déposer dans le bac à linge, qui fait partie intégrante du dressing.

Par curiosité, je soulève le large couvercle en bois de ce bac, et découvre dessous une ouverture ronde, pas très large, qui débouche sur un obscure puits carré dont je ne vois pas le fond.
C'est un piège à chimpanzés, ce truc. Si je balance un pantalon là-dedans et que finalement je décide de le récupérer, ma main avec le pantalon ne passera pas le trou pour ressortir, et, comme un singe avec ma banane, je resterai coincée là jusqu'au retour du chasseur.

Cette pensée absurde me fait sourire toute seule, mais je ne dois pas trop traîner : je me dirige vers la salle de bain. Mes petits talons résonnent sur le parquet. J'aime bien faire ce bruit en marchant, lorsque je sais que je suis la seule à l'entendre... quand il y a du monde, par contre, je le trouve très gênant.

Mon cabinet de toilette personnel est un rêve d'adolescente. Le large miroir offre un éclairage de star, et fixés au mur, le sèche-cheveux, le boucleur, le lisseur, la brosse à dent électrique, et d'autres trucs dont j'ignore la fonction, sont là qui m'attendent, tout prêts, sans que j'aie à jongler avec les prises électriques.
Sur les tablettes, c'est une pléthore de maquillages en tous genre... ça y est, je suis une actrice, c'est la gloire ! J'ouvre tout ce que je peux, rapidement : les petites portes de pharmacie cachent divers crèmes et lotions, des démaquillants, des cotons ronds, carrés, ovales - tiens, des élastiques et des chouchous ! -, et dans un minuscule tiroir, avec organiseur façon Ikea, je découvre les limes, pince à ongles, à épiler, à recourber les cils, des pinceaux, des cotons-tiges...

J'adore particulièrement le présentoir à brosses, posé sur le lavabo. J'en choisis une au hasard, avec laquelle je lisse soigneusement mes cheveux tout en continuant mon exploration.
Maquillage ? Oui, allez ! J'attrape le... plumeau ? Non, le blaireau ! Il est tout doux, ça me fait craquer : je me chatouille le nez, les joues, le menton, le dessous du cou... il est neuf, c'est un régal de douceur. Mes petites fleurs violettes, que j'ai placées dans un verre sur la tablette, boivent leur eau en riant - en riant de moi je crois, parce que je me maquille avec un pinceau sans couleurs.
Derrière les fleurs, il y a mon reflet. J'y vois ce chemisier, qui ma va tout de même super bien, et le haut de ma jupe, qui dessine mes courbes en subtiles reflets de lumière satinés... Merde, c'est un attrape-regards, cette jupe... les têtes des autres passagers vont se retourner sur mon passage, quand je vais traverser ce bateau.

L'éclairage ne m'épargne pas, et, à mon grand dam, révèle tout le rouge que le blanc ne cache pas...

Je dois préparer mes réponses à l'avance... qu'est-ce que je dis, s'il me fait une remarque sur la couleur de mes dessous ? "Oups", suivi d'un sourire faussement innocent ? Non, trop provocateur. "Ah, mince, on le voit ?"... trop cruche, ça. "oui, j'aime bien, c'est la mode !" ...mouif. Sarah, elle répondrait quoi ? "Tu aimes ?" ...je suis pas Sarah, moi, je pourrais jamais dire ça !

Une croisière en cuirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant