J'ouvre le quatrième tiroir : rien non plus. Le cinquième : toujours rien. Je passe à la penderie : vide, elle aussi !
Soit ! Une nuit toute nue, pourquoi pas ?Puis brusquement, je réalise que la nuit nue implique un petit-déjeuner tout aussi nue, avec Ulysse. Oh, merde.
Le personnel a nettoyé la chambre, et changé les draps de mon lit : le satin noir a cédé la place à de la soie dorée. La parure et les oreillers sont ornementés de motifs fleuris, doré clair sur doré foncé, qui m'évoquent une époque révolue ; c'est un peu vieillot, mais terriblement doux - j'ai touché.
Je laisse tomber mon corps nu sur les fleurs de soie - tête la première, cette fois. Un petit déjeuner toute nue avec Ulysse, complètement nue.
Avec lui qui va me demander "tiens, pourquoi tu es nue ?"
"J'avais chaud", je lui dirai. Tac !J'ouvre un œil : Sarah est assise là, dans un coin de ma chambre. Elle regarde mon cul en souriant. Je referme mon œil, pour qu'elle ne me voie plus. Je réfléchis : Bon. Très bien. Ça crèvera l'abcès : demain matin, je me fais tranquillement mes tartines, nénés au vent, touffe à l'air, pouitch, pouitch, je beurre mon pain en sifflotant, "fais chaud, hein ?", et voilà, après ça, il ne pourra plus rien me demander d'embarrassant ! Et moi, je serai devenue une Fantasmette ceinture noire.
C'était chouette, cette journée. Je l'aime bien, Ulysse. Je devrai me glisser sous les draps, éteindre les lumières, mais j'ai la flemme.
Ah mais non, au fait ! Demain matin, il y aura peut-être un truc apparu dans ma penderie, que je pourrai enfiler.
Que je devrai enfiler !
Oui, sûrement.
Ou pas.J'ouvre un œil. L'autre. La penderie de secours me regarde. Non, elle me menace. Je réfléchis au contrat : oui, je peux refuser cette tenue. Rien du tout, c'est une tenue. Que je peux refuser.
Ah oui, mais si je la refuse, c'est maintenant, pas demain matin. Du coup, là, je pourrai aller ouvrir une de ces trois portes, en déchirer l'opercule, et... me retrouver à passer la nuit en tailleur, avec des lunettes de soleil, et un chapeau, si ça se trouve.
Super !Bon, on dit que j'accepte ma tenue actuelle, et on s'en fout.
Ah non ! Il y a encore une autre possibilité, l'histoire du cadeau !
Je me lève, et file vérifier les clauses du contrat, pour espérer, et pour être bien prête au cas où. C'est ça, voilà ! : s'il m'offre un cadeau, je l'ouvre. Et si le paquet contient des trucs à porter, je dois... oui, me montrer enthousiaste, et lui demander s'il veut bien que je les enfile tout de suite. Et insister. Et insister, régulièrement, lourdement, jusqu'à ce qu'il dise oui.Les contrats de travail d'Evita, je me demande ce qu'ils vaudraient devant les Prud'hommes.
Bon, en tout cas, ça me laisse une autre possibilité de ne pas passer ma matinée toute nue. Une possibilité plaisante, au fond : j'arrive, il me voit nue, j'assume comme une pro, l'abcès est crevé, puis il m'offre un petit paquet cadeau, j'ouvre, "oh, un maillot de bain, je peux l'enfiler ? Sitôtplaît, sitôplaît, Ulyyysse !", puis plouf, me voilà habillée, dans la piscine ! Pas mal !
Qu'est-ce que mes mains font sur ma poitrine ?!De la gauche je frappe le dos de la droite, puis je me plonge dans mes draps tout doux. Fermeture du volet, verrouillage de la porte, clic-clic ! Lumières éteintes - clic ! Fermeture des paupières, clic, bonne nuit Mélie !
*
C'était sympa aussi, cette soirée... le repas, sur cette petite table ronde, en face à face, ça faisait restaurant à une terrasse, à Rome. Enfin,ce que j'en imagine. Le fait que celle-ci soit tout en verre, et qu'entre les bouteilles et mon assiette, c'est mes cuisses qu'il voyait, ça par contre, je ne pense pas que c'était un hasard.
Mais bon, c'était chouette.Je garde mes bras tendus sur les côtés : je leur ai intimé l'ordre de ne pas bouger. En croix dans mon lit, je tente de me repasser le film du repas... bien sûr, au début, j'ai fait attention à garder mes genoux l'un contre l'autre, mais après ? Je sais que plus tard, j'ai réalisé que mes jambes s'étaient croisées d'elles-même - pas bien grave sous cet angle, mais du coup, ça veut bien dire que j'ai oublié, que j'ai peut-être carrément écarté mes cuisses, sans m'en rendre compte ?
Bon, ça non plus, ce ne serait pas si grave : la preuve, par exemple, demain matin, je prends le déjeuner à poil.Non, ce qui me dérange, c'est le sentiment de m'être faite avoir, d'être tombée dans un piège de la négligence qu'il m'aurait tendu, et d'avoir donné, sans le savoir, une image de moi que je ne contrôlais pas du tout.
Il fait chaud, dans ce lit, ou c'est moi ?Je descends les draps sur mon ventre. Mes seins nus respirent dans le noir en regardant le plafond, je les sens. Ah merde... je renvoie mes mains au loin.
Ban, après le repas, c'est sûr, c'est un peu parti en sucette... mais au moins, j'en avais conscience, alors ça va.
"Viens, on va s'installer là, je vais te faire goûter une spécialité", tu parles !
Il y avait ces deux magnifiques fauteuils de cuir blanc, très bas, rembourrés comme des doudous, bien disposés face à face, tout près l'un de l'autre. Des petits guéridons modernes sur les côtés, et pas de table entre nous. Quand j'ai voulu m'asseoir, j'ai senti le siège m'avaler : ma peau noire a fusionné avec le cuir blanc dans un incroyable grincement, qui n'a cessé que lorsque j'ai adopté l'immobilité absolue."C'est un vin de Samos", a dit Ulysse en me tendant le verre. Mon épaule a crissé tandis que je m'appliquais à le saisir avec élégance
L'inclinaison du dossier ne me laissait pas d'autre choix que rester à demi allongée : c'était vraiment confortable, mais ainsi étendue, enveloppée par le fauteuil, la position jambes de sirène n'était plus du tout naturelle, et je peinais à conserver mes genoux serrés.Quand Ulysse s'est à son tour installé, là, juste en face de moi, tout est devenu clair : j'étais conviée à une séance de torture. Dont j'allais être le personnage principal. Le thème en était : "vas-y, tente de ne rien me montrer."
Mes doigts agrippent le satin pour aider mes mains à ne pas bouger, tandis que je me remémore la scène :
Moi, décidée à m'épargner les effets de l'alcool, trempant juste mes lèvres dans le verre.
Les cuirs, chantant dans mon dos pour saluer le mouvement.
Le grec parlant, toujours aussi agréablement, avec nonchalance.
Moi, me disant "Banzaï Fantasmette !"
Le grec, ménageant des pauses dans son discours, tournant la tête vers la mer.
Moi, croisant mes jambes.
L'air, qui se glisse sous ma jupe pour aller caresser ma fesse.
La sensation de froid, provoquée par l'alchimie du souffle d'air qui rencontre l'humidité.
La banquette et ma robe, qui poussent ce cri : "Ulysse ! Regarde !"
Ulysse, piégé à son tour, qui ne peut s'empêcher de plonger son regard droit là où on le convie.
L'humidité, encore, et moi, qui sirote mon verre en crissant.Verdict de la séance de torture : j'ai parlé dès que j'ai vu les pinces. Au point que j'en ai ému le bourreau, qui était un grand faible. Du coup, on a perdu tous les deux... dans le fond, c'est ce que je pouvais faire de mieux.
Même si je n'en menais pas large, la fin de soirée a été agréable, et facile... on a parlé, on a ri, j'ai décroisé les jambes, je les ai recroisées de l'autre côté, plusieurs fois, laissant à Ulysse tout le loisir de faire connaissance avec l'orée de mes deux fesses.
J'aurais presque pu parvenir à ne plus me soucier de mon indécence. Seulement, ce fichu cuir crissait à chaque fois.
Ce bruit, par le fait que je ne le contrôlais pas, c'était comme autant de points qu'Ulysse marquait de minute en minute. Et cela m'ennuyait, parce qu'en parallèle de ce jeu silencieux, nous passions vraiment un bon moment.
Alors je l'ai fait. Dans un long grincement assumé, j'ai décroisé les jambes, et j'ai laissé mes genoux trouver leur position de confort. Ils se sont écartés - pas trop, au début.
Après, je ne saurais dire : j'ai cessé de m'en soucier.Ulysse s'est mis à gigoter sur son siège. Tellement, que ça a enfin crissé de son côté. Il a eu l'air embarrassé à son tour, et quelques minutes plus tard, il proposait d'aller regagner nos chambres.
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Une croisière en cuir
AventureJ'ai ouvert le long zip métallique de la robe. Celui-ci descendait jusqu'au milieu de mes fesses : j'engageai mes pieds joints dans l'ouverture pour glisser mon corps dans le cuir, une fine doublure faisant son maigre office de barrage entre la peau...