Je ne suis pas très fière de moi.
Deux fois, je me suis réveillée dans la nuit, et deux fois, je me suis rendormie dans la même position, les... Bon, je dois le dire, crûment, au moins pour me punir du fait que je n'ai pas la force de me promettre de ne plus le faire : les mains sous mon pyjama, caressant mes seins comme s'il s'était agi de leurs doudous.Je ne suis pas contente de moi.
D'Ulysse, je suis contente - lui n'a rien fait de mal, au contraire. Mais moi... Merde !
Je m'attendais à beaucoup de choses, Sarah m'a raconté des situations folkloriques dans lesquelles elle s'est retrouvée en mission, Alex m'a fait un exposé, pudique mais scientifique, sur tout ce que les hommes pouvaient aimer... Je n'ai pas signé à la légère - un peu quand-même, bon -, j'étais préparée à pas mal d'éventualités quant à ce que le grec pourrait exiger...
J'avais juste négligé une inconnue de taille : moi.Merde. Je regarde ma culotte, sur mes chevilles : pas sèche, non.
Bon, Ulysse a sa part de culpabilité, mais c'est sûr, le jury l'acquitterait de suite. Et me condamnerait à la honte publique, pour avoir eu le culot de lui intenter un procès...
- Rappelez votre âge à la cour, Mélodie
- 23 ans, M. le Procureur
- Non, moi je suis avocat. Vous êtes donc une personne majeure, reconnue saine d'esprit et pleinement responsable, selon le rapport psychiatrique établi à notre demande. Racontez-nous ce qu'a fait l'accusé, pour vous choquer à ce point cette nuit-là. Vous a-t-il... sauté dessus ? ...forcée... ?
- Non, il n'était pas là. J'étais seule dans ma chambre. Mais il... il m'a fait dormir dans du satin !
À l'évocation de cette nuit, j'aurais sûrement des... bon, pas des larmes aux yeux, c'est sûr... Un frisson, j'aurais un frisson.
Puis l'avocat se tournerait vers les jurés, occupés à se retenir de rire, et leur adresserait un sourire entendu. Genre Alex et Sarah, quand ils gloussent.- Ah ! Peut-être mon client ignorait-il tout de votre... allergie au satin ? Car à l'évidence, vous êtes allergique au satin, n'est-ce pas ?
- Non, je... ils peuvent arrêter de glousser, eux, là ? C'est pas moi, l'accusée, hein !
Un coup de marteau énergique calme la salle.
- Ah non, pardon, pardon ! Je lis ici, vous déclarez avoir eu des... "pensées". Des pensées de quel genre ?
Là, je répondrais par un silence, et l'avocat, au lieu de me forcer à répondre, continuerait sur sa lancée :
- Oh, et ici vous parlez d'attouchements ! Qui en était l'auteur, s'il vous plaît ? ...Pardon ? Excusez-moi, on ne vous entend pas, pouvez-vous répéter ?
- ...moi.
- ...sur mon client ?
- non. Sur moi...
Gloussements dans la salle. Marteau.
- Pardonnez-moi... Êtes-vous vierge, Mélodie ?
- Pas du tout ! Je... Merdeeeee !
Puis, face à cette situation inhabituelle, confronté à une salle où plus personne ne fait l'effort de retenir ses rires, le juge taperait son marteau. Il nous appellerait tout près, et en mode confessionnal, il me chuchoterait :
- Bon. Vous étiez attirée, vous vous êtes naturellement imaginée faire l'amour avec l'accusé, cela arrive. Dites-moi juste oui, Mademoiselle, et votre pudeur sera préservée - c'est bien ça ?
Et moi je dirais :
- Non !
Puis je quitterais la salle en courant, pour aller me construire une nouvelle identité au Groënland.
La culotte est à peu près sèche ; je parviens maintenant à retirer les petits bouts de papier hygiénique qui s'y sont collés quand je l'ai lavée. Tant mieux, parce que mes cuisses commençaient à s'engourdir.
Mes gants aussi ont eu le temps de sécher : je me lève enfin des toilettes, et remonte à ma taille mon boxer immaculé.
J'ai respecté le contrat. Je n'ai pas ôté ma culotte : je me suis juste occupée d'elle avec un peu de papier mouillé pendant que je faisais pipi.Je fais quelques étirements, je sautille un peu dans mon nuage de satin tout en secouant la tête. Dans le miroir, mes cheveux adoptent bizarrement une coiffure toute naturelle de starlette ébouriffée au réveil, mais pas trop, juste ce qu'il faut - Han ? Bon, je laisse comme ça !
Je me passe un peu d'eau fraîche sur le visage avec le coin d'une serviette, en veillant à ne pas mouiller mes gants. Un peu de crème hydratante sur un coton, voilà... Mélie, t'es prête ! Presque !
Je fais quelques moulinets avec mes poignets pour bien les chauffer : j'entends les faire travailler ce matin. Parce que la nuit que je viens de passer, c'est maintenant clair, elle n'a pas existé ! Et moi, j'ai un job : je suis Fantasmette ! Et Fantasmette, elle a un client, un contrat à honorer !
Et le client, il est plus que sympa, et il ne demande pas grand chose : il aime le satin, et les boxers, et les gants mignons. Et moi dedans.
Bon, le satin, je n'aurai pas grand chose à faire pour l'exhiber, c'est sûr. Mais les gants, s'il aime, je peux lui faire un petit show, rien que pour lui. Discret, faudra surtout pas en faire trop - oui, Alex, je sais. T'inquiète : moi, ça me plaît bien, en plus, je me force pas, là.Je tente quelques postures de danse, doigts allongés, tenus mais pas détendus, délicatement séparés, voilà, wouah, c'est super joli, avec ces gants !, puis crac ! là je casse mon poignet, et hop, oh, l'auriculaire, regardez comme il est un peu redressé, par rapport aux autres ! C'est pas mignon, ça, Monsieur ? et là, quand j'attrape un truc, le petit pot de crème, là, par exemple, ben simple, je fais comme si j'avais peur de me brûler la main. Voilà, c'est ça : tout me brûle, tout est chaud, ouh, attention ! Voilà, sauvée !, maintenant rassurée, je peux casser les poignets dans l'autre sens, paume vers le ciel, oh... z'avez vu ? Elle a des coussinets de satin rose en guise de paume, c'est adorable !
J'en rigole toute seule. Je n'ai jamais fait ça de ma vie - de ma vie d'adulte, en tout cas. Et là, j'en ai l'excuse : c'est pour le boulot, allez vous faire foutre, M. le Procureur !
Assise sur le lit, Madame Mim approuve. Mais je ne lui jamais vu un regard aussi inquiet.Bon. T'oseras, Mélie ? Sûre ? Tu me lâches pas, hein ? Ouais ! J'oserai ! Pis j'ai faim !
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Une croisière en cuir
AventuraJ'ai ouvert le long zip métallique de la robe. Celui-ci descendait jusqu'au milieu de mes fesses : j'engageai mes pieds joints dans l'ouverture pour glisser mon corps dans le cuir, une fine doublure faisant son maigre office de barrage entre la peau...