C'est vache, de donner un tel titre à cet épisode de mon histoire. Déjà, parce que Mademoiselle Mim avait un nom - ou au moins, un prénom : Agnès. Ensuite, parce que si l'on prenait la peine de gratter la première couche, et un peu la deuxième, je sais, moi, que sous l'écorce, on trouvait une personne très attentionnée, et d'une grande douceur. Cette personne, je l'ai vue.
Certes, pas immédiatement... ma première impression, en découvrant cette jeune femme qui me dominait d'une tête et exhibait son panneau "Mélodie" dans la foule de la gare, c'est qu'avec son pantalon à pince et ses grandes jambes, elle représentait bien mieux que moi le fantasme de l'escort girl.Elle me salua avec un sourire charmant, professionnel mais franc, et se comporta envers Romain à peu près comme s'il n'existait pas. Pour le coup, mon bodyguard se transforma en vulgaire porteur : ma petite valise lui servit de prétexte pour nous suivre jusqu'à la voiture qui nous attendait un peu plus loin, et il se trouva congédié là, comme le simple servant qu'il était. Il me fit la bise, et ma main osa se glisser derrière son cou pour mieux écraser sa joue de mon baiser.
Celui qui avait fait de mon voyage un petit morceau de plaisir pur nous regarda partir avec cette expression, ce sourire un peu triste qu'il portait figé en permanence sur son visage. Ce sourire disait : "je suis désolé. Mais t'inquiète pas."La pression venait de monter d'un cran pour moi. On me passait de mains en mains, sans me laisser le temps de comprendre quel était le rôle de ces gens. Brusquement privée de Romain, mon ange gardien dont je ne savais finalement rien, installée dans cette voiture conduite par un chauffeur qui avait démarré sans rien dire sitôt ma portière claquée, en présence de cette Mademoiselle Mim qui m'avait froidement toisée des pieds à la tête, je sentais que ma représentation avait démarré. Je n'étais plus moi : j'étais mon uniforme. Mon uniforme Tati. Merde, Mélie...
- Je suis la secrétaire de M. Lazaridis. Agnès. On a un peu de temps, on va d'abord passer à la villa, pour que je te débriefe. Ça a été, ton voyage ?
Elle aussi, comme Romain, elle avait une expression figée sur son visage, et on la voyait quand elle souriait : "en vrai je suis sympa, mais là, tu vois, je bosse."
Et quand elle me souriait, j'entendais dans son sourire cette petite précision qui m'était adressée : "...et toi aussi, tu bosses. Ça fait de nous des collègues. Et si tu ne m'écoutes pas attentivement, ça va faire de toi un boulet dans ma carrière."
Son français était parfait, mais teinté d'un accent indéfinissable. Je l'ai bien aimée tout de suite, malgré sa froideur : elle me donnait envie de ne pas la décevoir, de briller dans ses yeux.
Lazaridis... mon grec ?, pensais-je en retournant le nom dans ma tête pour ne pas l'oublier.La villa, c'était une grande et vieille propriété située en promontoire, dans les hauteurs de Marseille. De là, on aurait presque pu voir cet escalier magistral de la gare, que j'aurais tant voulu prendre le temps de découvrir au sortir du train.
Agnès m'installa à une table, nous servit des verres d'eau, produisit des papiers, des stylos, puis pris place près de moi, et le débriefing commença.Ce qui différenciait Evita des agences d'escortes plus classiques, c'était sa spécialisation dans les jeux de rôles. Un bon agent, c'était, avant tout, un bon acteur. De préférence pourvu d'un sens de l'humour à toutes épreuves. De fait, la dénomination inventée par Sarah était pleine de sens, et mieux valait s'y accrocher : je n'étais pas une putain, non... j'étais une fantasmonaute.
Professionnelle, même. Et comme toute professionnelle écoutant les consignes pour son premier job, je m'accrochais à Agnès comme à une bouée dans la mer.Pour mieux flotter, j'avais aussi deux brassards bien gonflés - les conseils de Sarah, à gauche, et ceux d'Alex, à droite. Enfin, pour m'inciter à ne pas oublier de remuer les bras et les jambes en permanence, j'avais le poids que Madame Mim avait déposé sur mon dos. C'était une petite statue de princesse. En plomb.
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Une croisière en cuir
AdventureJ'ai ouvert le long zip métallique de la robe. Celui-ci descendait jusqu'au milieu de mes fesses : j'engageai mes pieds joints dans l'ouverture pour glisser mon corps dans le cuir, une fine doublure faisant son maigre office de barrage entre la peau...