27. Discussion autour d'un contrat

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J'ai éteint l'ordi, je me suis fait un petit raccord maquillage, puis je suis partie rejoindre Ulysse, sur le pont du dessus. En grimpant l'escalier, j'ai volontairement écarté les pans de mon kimono, et j'en ai profité pour remonter mes seins dans les balconnets.

Je n'étais pas sûre de moi, non, pas du tout : simplement, je préférais anticiper, pour ne pas être victime du peignoir qui allait, de toute façon, immanquablement s'ouvrir lorsque j'en serais le plus gênée.

Assis au bar, Ulysse a tourné la tête au son de mes talons. J'ai ondulé ma démarche comme je l'ai pu, en tâchant de ne pas trop en faire – mais un peu quand-même – , et je me suis installée près de lui.
Je venais de pratiquer mon sourire, dans le petit miroir... avec les faux-cils, le rouge à lèvres, et le brushing, il était inutile de trop en faire : une simple petite moue gentille, et les artifices se chargeaient d'illuminer le tout.

Ulysse a fondu, tout de suite. J'avais beau ne pas en mener large, il m'apparut rapidement que de nous deux, il était le plus déstabilisé. Alors je me suis improvisé une règle pour la soirée : chaque fois que moi, je ne saurai quoi dire ou quoi faire, je me rabattrai sur ma tenue. Laisser mon regard fuir d'embarras, oui, mais le faire en touchant mon kimono, en dressant ma poitrine, en exhibant mon bracelet, mes ongles dorés, en croisant les jambes pour exhiber mes cuisses et mes chaussures... et le truc ultime, pratiqué devant ma petite glace : baisser le menton pour regarder mon grec, forçant ainsi un angle flatteur pour lui où je me trouve en bas et lui en haut, tout en m'ouvrant de grands yeux de biche implorante. Avec mes longs cils noirs d'actrice des années 60, le résultat était incroyable, complètement disproportionné au peu d'effort que cette attitude me demandait..

*

C'était soirée tapas : petits plats à grignoter au comptoir, côte à côte, sur des airs de jazz en sourdine.
Au début, j'étais tétanisée par la trouille. Mais je m'en suis tenue à mes attitudes, et le résultat, c'est que j'ai retourné Ulysse, au point qu'il n'en arrivait même plus à se montrer sympa. Il perdait le fil en plein milieu d'une phrase, il se laissait aller à de trop longs silence...
Moi, ça ne me plaisait pas du tout, cette situation, mais ma propre nervosité me conduisait à chercher refuge dans ma tenue, et tout ce que je faisais, comme caresser le satin de mon kimono, ou redresser le noeud d'or de mon short, semblait bel et bien l'hypnotiser.

Assise dans un fauteuil plus loin, Madame Mim trinquait avec Alex et Sarah, au succès de sa nouvelle agente.
Et moi, ça me gonflait, tout ça. Alors, j'ai avalé ma salive, j'ai respiré, j'ai gonflé mes doudounes, et j'ai lâché mon missile, fruit de mes profondes réflexions sur le thème comment poser à Ulysse des questions que je n'ai pas le droit de lui poser ? :

« Tu te rappelles, cette soirée où l'on s'est rencontrés ? »

Madame Mim a levé un doigt pour imposer le silence aux deux autres, et mieux écouter la suite. Le visage du grec s'est éclairé d'une expression de curiosité :

« Bien sûr !

— Tu te rappelles, cette proposition que tu m'as faite ? Ton désir de devenir un fantasmonaute ? »

Madame Mim a craché sa cacahuète en toussant.
La curiosité a cédé le pas à la surprise, pour mon grec : en évoquant cela, j'étais sur le point de briser le contrat.
Ça m'a inquiétée, même si je m'y attendais. Du coup, j'ai baissé la tête pour toucher mon ventre, du bout d'une griffe, timidement, puis j'ai levé mon regard de biche vers Ulysse :

« Tu aurais fait quoi, si... si on avait donné suite à ton idée ? »

Madame Mim, ça ne lui plaisait pas du tout, mon petit jeu, je le voyais bien : j'étais à un souffle de me faire virer de l'agence – un claquement de doigts de sa part, et deux malabars allaient débouler de nulle part, pour me balancer par-dessus bord.
Mais le grec, lui, a semblé comprendre où j'allais. Il a souri, il a baissé le regard, il a pris une grande inspiration, puis il a réfléchi un instant, avant de répondre :

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 07, 2016 ⏰

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