Chapitre 26 : Les limites de la douleur (Cole)

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Ce n'était pas dans mes habitudes de sortir avec une femme dans un lieu public. En fait, je ne l'avais jamais réellement fait. J'ignorais pourquoi cette fois-ci, j'avais dérogé à cette règle. Je ne transgressais que rarement mes principes fondamentaux ; même s'ils n'étaient inscrits nulle part, mis à part dans ma tête, ils étaient essentiels. Sauf que tout avait bien changé récemment. J'avais bien surmonté cette règle de "ne pas tomber amoureux".

Ce pourquoi je n'avais pas l'explication de ma présence ici, tout s'était fait sur un coup de tête. J'avais emmené Heather dans un café plutôt à l'écart de la ville pour éviter les regards indésirables, chacun ayant pris un café. Je me rendais désormais compte que je supportais de moins en moins le café. J'aurais dû commander de l'alcool, mais Heather m'aurait sûrement regardé d'un air réprobateur ou aurait tenté de m'en dissuader. Il valait mieux esquiver une dispute inutile. Pourtant, ça ne semblait pas être la meilleure solution puisqu'elle ne cessait de me regarder avec un regard suspicieux et intrigué. Elle se posait des questions, comme toujours. Je commençais à m'y faire, mais ça devenait de moins en moins évident de lui mentir. Saloperies de sentiments.

— Pourquoi tu m'as emmenée ici ? finit-elle par me demander d'une tendre voix, un tantinet déboussolée. Je croyais qu'on ne devait pas dévoiler notre relation au grand jour.

C'était ce qu'on avait décidé. Puis je repensais à son père, celui qui désapprouvait plus que quiconque notre relation. À ses yeux, elle était une gentille petite fille totalement innocente qui ne devait en aucun cas tomber dans les bras du mauvais garçon. Elle n'allait pas échapper à ce cliché. Il aurait mieux valu pour elle qu'elle ne tombe pas dans les clichés.

— D'ailleurs, ton père me tuera quand ça arrivera, lançai-je entre deux gorgées de café.

— Tu as peur de mon père ? demanda-t-elle d'un ton à la limite de la plaisanterie.

Personne ne me faisait peur et encore moins son père. Moi qui pensais qu'elle commençait à comprendre ma manière d'être...

— Je peux le tuer. Mais tu ne serais pas du même avis...

Heureusement pour elle, je ne disais pas ça sérieusement.

— C'est mon père quand même ! s'offusqua-t-elle. Des fois, je le déteste, mais ça reste mon père.

— Tant mieux pour toi si tu peux encore le considérer comme ton père, marmonnai-je en baissant les yeux sur ma tasse.

Je pris une gorgée de mon café. Elle eut une légère grimace puis mordit sa lèvre inférieure. Quelque chose la titillait, elle voulait me poser une question, mais elle devait sûrement appréhender ma réaction. J'attendais impatiemment le sujet sur lequel elle allait m'interroger, persuadé qu'il s'agirait d'une question plus qu'inappropriée et intrusive.

— Comment sont morts tes parents ? s'enquit-elle, faiblement.

— Peu importe.

Je bus une gorgée de mon café puis posai ma tasse. Je ne voulais pas parler de ça. Elle le savait, ce pourquoi elle ne cessait de vouloir remettre le sujet sur le tapis. Elle voulait des réponses à ses questions, je les avais, mais je ne voulais pas les lui donner. Elle était bien trop fragile pour l'horrible vérité. Peu importe que ça m'aide ou pas, ça n'avait jamais été le cas jusqu'alors.

— Pourquoi tu veux autant me cacher la vérité ? Tu as quand même tué mon mari et j'en fais pas tout un plat ! Alors pourquoi ?

— Parce que tu es aveuglée, répliquai-je d'un ton presque méchant, un ton que je regrettais déjà.

Elle ne savait pas prendre du recul sur ce qu'elle disait. Elle balançait ça sans réfléchir. Et si quelqu'un nous entendait ? Heureusement qu'il y avait des gens plus bruyants que nous.

La Décadence des Flamants - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant