La Décadence des Flamants - Tome 2

Chapitre 28 : En pleine détresse (Heather) | TW

[TW : Alcool, automutilation, Violence physique, Emetophobie]

J'avais pensé que prendre un café avec Cole à l'extérieur – bien que sachant les risques – aurait pu être une bonne chose. Il avait pris une initiative pour une fois, me proposant de sortir, de l'accompagner quelque part, chose qu'il ne faisait jamais. Il avait alors complètement oublié que nous étions censés cacher notre relation aux yeux de tous. Après tout, il était capable d'assumer les conséquences quoi qu'il arrive.

Évidemment, j'avais peut-être un peu poussé le bouchon un peu trop loin en cherchant à en savoir davantage sur ses parents, sur sa vie. De nouveau, il s'était renfermé et avait refusé toute discussion. Comme d'habitude, il ne voulait jamais en parler. Pourtant, je voyais toujours son triste regard, tout ça le détruisait de l'intérieur, qu'il le veuille ou non. Il me pensait bien trop innocente pour comprendre, pourtant, des horreurs, j'en avais connu moi aussi. Nous étions tous les deux brisés à notre manière, sauf que lui le niait.

Puis tout s'était bousculé quand il avait croisé le regard de cette femme. À vue d'œil, je lui aurais donné la quarantaine bien entamée. Immédiatement, il en avait eu peur. Cette femme ne lui était pas insignifiante. Et pendant un instant, je m'étais demandé s'il s'agissait de sa mère. Après tout, il pouvait très bien prétendre que ses parents étaient morts. Il ne s'entendait pas avec eux et je le soupçonnais d'avoir été battu par ceux-ci. Tout coïncidait. Mais je n'avais toujours pas la vérité. Mis à part sa tentative de suicide ratée, je n'en savais pas plus des parts sombres qui constituaient sa vie.

J'avais donc passé le reste de la journée dubitative, en pleine réflexion sur tout ça. Je ne voulais pas des réponses pour assouvir ma curiosité malsaine comme il pouvait le penser, mais seulement parce que je voulais l'aider, parce que je l'aime et que je voulais vraiment partager avec lui toujours plus.

Je perdis mon temps à échanger quelques SMS avec Hanna pour lui raconter brièvement les évènements avec cette inconnue qui l'avait suffisamment déstabilisé pour que son unique solution soit de prendre ses jambes à son cou, ce qui n'était pas le genre de Cole, plutôt kamikaze dans certaines situations. Mais avant que je reçoive la moindre réponse de mon amie, mon père venait de faire irruption chez moi. C'était bien la première fois qu'il entrait ainsi. Je soupirai intérieurement, soulagée que Cole ne soit pas dans les parages. S'il y avait bien quelqu'un qui n'accepterait jamais notre relation, c'était bien mon père.

Il s'approcha immédiatement de moi, sans dire un mot, me prenant fermement dans ses bras. J'étais encore sa petite fille qu'il surprotégeait bien trop. Si seulement il savait la vérité... Je mentais à bien trop de personnes de mon entourage, ce n'était que maintenant que je m'en rendais compte.

— Je suis désolé de ne venir que peu de fois ces derniers temps, s'excusa-t-il.

— Ce n'est rien.

À vrai dire, ça m'arrangeait plutôt. Au moins, il n'était pas dans les parages, pouvant tomber au mauvais moment, c'est-à-dire quand j'étais avec Cole. Je savais que celui-ci me défendrait, mais il y avait toujours des limites que l'on ne pouvait pas franchir.

— J'espère que tu tiens le coup après Denzel, s'inquiéta-t-il.

Soudainement, je me remémorai que sa mort ne datait que d'à peine deux semaines. J'avais tous les attraits d'une salope. Mais je n'aimais pas Denzel. Je ne l'avais jamais aimé.

— Oui, ça va, répliquai-je faiblement pour faire comme si j'en souffrais.

— Denzel était vraiment quelqu'un de bien... Vous étiez très bien tous les deux.

Je me retins de lui cracher à la gueule tout ce que je pensais réellement de Denzel, à quel point je détestais cet énergumène. Sa mort avait même été une délivrance. Mon état de choc n'avait duré que peu de temps pour laisser place à un étrange soulagement.