2.2 *°* Amy

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Je suis éreintée, il faut que je me m'allonge. Seulement je refuse de rentrer maintenant, je ne veux pas mettre déjà fin à cette journée. Je souhaite profiter de Liam encore un peu. Je me relève doucement, pour éviter que la tête ne me tourne.

─ Et si on allait faire quelques pas sur la plage avant qu'il ne pleuve, décidé-je d'un sourire pour changer de sujet.

─ Bonne idée j'ai envie de voir si l'eau est froide.

─ Tu vas réellement y mettre les pieds.

─ Bien sûr et je ne serai pas le seul.

─ Désolé ça sera sans moi, pouffé-je en agitant les mains.

─ Allez Amy, on va se marrer.

Sans attendre Liam, s'empare de ma main pour me trainer sur le sable. J'ai le sentiment qu'une complicité sincère s'installe entre nous. Je ne suis pas le genre de personne charismatique avec de nombreux amis, il n'y a toujours eu que Dustin et Jason. Je n'accorde pas ma confiance facilement, mais avec Liam c'est différent, naturel. Pour une fois je pense seulement au moment présent.

La plage s'est vidée, il n'y a plus grand monde. Le ciel devient de plus en plus menaçant et la mer rugie. Liam retire son gilet, se débarrasse de ses tennis et remonte le bas de son pantalon. Dès lors il saute à pieds joints dans l'eau.

─ Elle est carrément plus fraiche que ce que je m'attendais, braille-t-il en sautillant sur lui-même.

Je fais de même en ayant pris soin de relever également le bas de mon jean. Puis je pénètre dans l'eau avec plus de méfiance que le brun. Mes yeux s'arrondissent au contact de l'eau.

─ Tu rigoles, elle est glaciale.

─ Disons qu'elle a déjà été plus chaude à cette période, ironise-t-il.

Pour retirer à Liam son sourire taquin, je me baisse et tout en raclant de mes mains l'eau je l'éclabousse. L'étonnement apparait sur le visage trempé de Liam, suivit d'une lumière vengeresse.

─ Si c'est comme ça que tu veux la jouer.

Et à mon tour je suis arrosée en complément des vagues qui viennent me lécher les mollets.

Nous avons continué ainsi quelques minutes. De peur d'attraper froid et de me fatiguer d'avantage, je décide de retourner sur la plage. Je me laisse tomber sur le sable et m'allonge pour reprendre mon souffle. Liam me rejoint quelques instants après.

─ Merci pour cette journée, jubilé-je dans un souffle. Il y a bien longtemps que je ne mettais pas autant amusée.

─ Moi aussi, à vrai dire avec les révisions je suis assez débordé en ce moment. Ça fait du bien de prendre un peu l'air. Au fait tu es à la fac de Black River, mais je n'ai pas le souvenir de t'y avoir déjà croisé ? Parce-que si c'était le cas je m'en souviendrais.

─ Vraiment, m'étonné-je. Je suis pourtant le genre de fille qui passe inaperçu en temps normal.

─ Effectivement, je rencontre souvent des filles évanouies au beau milieu d'une librairie.

Rembrunie, je me redresse et frotte nerveusement mes mains pour en retirer le sable. Liam conscient de sa maladresse se redresse à son tour, puis se masse la nuque.

─ Je suis désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est juste que tu es tellement ...

─ Tellement quoi ? le coupé-je.

─ Mystérieuse. Je comprends tout à fait que tu puisses être méfiante. Après tout il y a encore quelques heures on ne se connaissait même pas. Seulement j'ai l'impression que l'on s'entend plutôt bien tous les deux, du moins c'est mon sentiment. J'aimerais que tu me laisses une chance d'être ton ami.

─ Ce n'est pas contre toi Liam, je suis comme ça avec tout le monde. J'ai du mal à m'ouvrir aux gens et encore plus de difficultés à accorder ma confiance. Crois-moi tu te débrouilleras bien mieux sans une fille comme moi dans ta vie.

Liam se met debout. Son regard bleuté va se perdre entre le ciel assombrit et la mer agitée. Le vent s'engouffre dans mes boucles claires, je replace rapidement quelques mèches derrière mon oreille.

Comme la veille je viens de montrer mon côté sombre, celui qui heurte les gens de mon entourage. J'ai blessé Dustin et à présent c'est au tour de Liam. Pourtant je sais parfaitement que j'ai de rencontré une personne attentionnée et attachante. Peut-être ne suis-je pas obligée de lui étaler toute ma vie, du moins émettre le fait que je vis dans un hôpital et qu'il ne me reste que quelques semaines.

─ Je suis des cours par correspondance, commencé-je.

Liam se retourne et baisse les yeux vers moi, toujours assise dans le sable. Je lui tends la main pour qu'il m'aide à me relever. Ce qu'il fait, aussi galant qu'il est. Je retire le sable qui reste sur mon jean et reprends ensuite :

─ Je suis en première année, j'étudie l'histoire et la littérature. Lire et écrire, c'est une vraie passion. Je me vois bien travailler dans l'édition.

L'idée d'envier un futur que je n'atteindrai jamais, m'assomme une fois de plus. J'hésite un instant à poursuivre. De mon pied nu, je dessine une petite spirale dans le sable, puis je respire profondément et poursuivis mon monologue, les yeux toujours rivés sur le sol.

─ Je suis fille unique, mais j'aurai préféré avoir un frère ou une sœur, peut-être qu'aujourd'hui mes parents ne seraient pas en pleine procédure de divorce. Hier je me suis violement disputé avec mon meilleur ami, Dustin. Et tout ça c'est seulement de ma faute. Je fais tout pour éloigner les gens que j'aime. C'est plus fort que moi, il faut que je sois néfaste au bonheur de mes proches. J'ai accumulé tellement de colère et de haine en moi, que tout m'est devenu insupportable. Je meurs d'envie de hurler, qu'ils me fichent la paix. Je suis en train de devenir cinglé et personne ne semble le comprendre. Ils font comme si tout allait bien se passer, mais ce ne sont que des foutaises.

Une larme est apparue sur ma joue, de plus mon rythme cardiaque s'accélère anormalement. Je dois absolument retrouver mon calme. A croire que Liam lit dans mes pensées, car il me prend affectueusement la main. Je relève la tête. Rien qu'avec un regard tendre du brun mon flux sanguin revient à la normale.

─ Je veux seulement lâcher prise, chuchoté-je.

Liam semble un peu perdu. Mes paroles ne sont pas des plus claires. Cependant il n'ose pas me questionner davantage, peut-être par peur que je me mure de nouveau dans le silence.

─ Tu ne devrais pas penser des choses pareilles, tente-il de me réconforter. Tu te fais du mal. C'est presque devenu rare d'être heureux toute une vie avec la même personne. Si tes parents ont envie d'aller de l'avant séparément, ce n'est pas de ta faute. Après tout, peut-être qu'ils seront bien plus heureux avec quelqu'un autre. Quand a ton meilleur ami, quoiqu'il se soit passé entre vous deux, je suis persuadé qu'il s'en veut autant que toi à cet instant.

─ Tu le penses vraiment ? bafouillé-je tout en essuyant ma joue de la manche de ma veste.

─ Oui, la vie est trop courte pour avoir des regrets. On ignore de quoi sera fait demain, alors à quoi bon gâcher une journée, sourit-il.

─ C'est un ange qui t'as mis sur ma route, s'exclamé-je en lui rendant son sourire.

─ Qui sait !

Le regard complice, nous récupérons nos affaires. Le ciel gronde et la pluie s'ensuit. Il est temps pour nous de rentrer.

Jusqu'à ce que la neige cesse de tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant