23.1 *°* Danny

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            J'ai perdu pied. A nouveau. Deux jours. Je n'ai tenu pas plus de deux petits jours avant de craquer. En franchissant le seuil de mon appartement, mes démons ont ressurgi. Ça a été violent et dévastateur. J'en ai eu le souffle coupé en sentant la colère tambouriner au rythme des battements de mon cœur. Le problème c'est le manque, il reste toujours plus fort que ma motivation.

J'ai hésité à appeler Amy, mais je n'ai pas tenu. Elle a décroché immédiatement, entendre sa voix m'a calmé, j'ai repris petit à petit mes esprits. Elle m'a ensuite demandé de passer notre appel en Visio, pour qu'elle puisse se rendre compte de la situation dans l'appartement. Honteux de l'état dans lequel j'avais laissé l'endroit j'ai refusé. Furieuse elle a insisté et menacé de demander à ma mère mon adresse pour qu'elle puisse s'y rendre. J'ai immédiatement obtempéré redoutant de la voir débarquer chez moi. Le téléphone à la main j'ai dû récupérer toutes les bouteilles d'alcool disséminées à travers l'appartement et vider leur contenu dans l'évier. Après ça a été le tour des différentes drogues, j'ai eu plus mal à les balancer au fond des WC. Sauf que j'en ai eu assez d'entendre les protestions d'Amy et j'ai tiré la chasse d'eau. Comme si faire disparaitre mes addictions était aussi simple ...

Et me voilà finalement à sillonner les rues de Blackriver à plus de vingt-deux heures, alors que le manque se fait cruellement ressentir.

J'ai appelé Amy des dizaines de fois, comme elle me l'avait fait promettre, mais je suis tombé directement sur son répondeur. Je me suis même rendu chez elle, sa vielle gardienne m'a regardé d'un mauvais œil. Finalement elle m'a informé que son petit ami était venu chercher la brune. Et moi qui croyait que j'étais sa priorité, en définitif je ne suis pas important à ses yeux non plus. Je pensais qu'elle ne s'était pas remise du décès de son ex, pour ça aussi on a pas la même vision du deuil. Je me suis trompé sur cette fille, elle n'est pas la personne que j'imaginais.

Blessé j'ai fini par atterrir au Varsity Bar et j'ai demandé à Molly un whisky. J'ai observé le verre un bon moment, en faisant tournoyer le liquide brun et les glaçons. J'ai résisté longtemps. Puis le visage d'Amy c'est imposé à moi. « J'ai foi en toi Daniel » ses mots n'ont cessé de me marteler la tête, la haine a grandi en moi et j'ai avalé le liquide. Finalement Molly m'en a resservi un autre.

Une odeur âcre me soulève le cœur, les pavés sont couverts d'immondices dans ce quartier. Sans rechigner je contourne un immeuble à l'abandon et m'engouffre dans une ruelle mal éclairée. Je sais que je devrais faire demi-tour, mais la solitude me rend vulnérable et me submerge d'émotions incontrôlables. Le vent neigeux me souffle en plein visage comme si même lui tentait à m'empêcher de rechuter. Je réajuste mon bonnet sur mes oreilles et serre le col de mon manteau.

L'hiver c'est installé en avance cette année, les flocons se bataillent dans le ciel pour venir mourir sur les pavés gelés. Le froid hivernal mélangé à mon alcoolémie sévère et le manque provoqué par l'absence de substances dans mon sang, ne me permettent plus d'être lucide.

Arrivé au bout de la ruelle étroite, trois gars me font face. Un des gars cachés par sa capuche s'approche de moi et me tend la main pour me saluer :

─ Hé Danny mon pote, comment ça va ?

Ce dernier se prénomme Frank. Il est plus petit que moi, mais du genre armoire à glace avec le feu d'un dragon tatoué, lui léchant la nuque. Au-delà de son regard sombre, ce qui me donne froid dans le dos à chaque fois, c'est l'affreuse cicatrice lui barrant la joue droite.

─ Disons que j'ai déjà connu mieux, affirmé-je en le checkant.

─ Mec, t'as vraiment une sale tête, intervint un rouquin de deux têtes de plus que moi.

Il n'a pas tort, je claque des dents et je sens des gouttelettes de sueur perler sous mon bonnet et couler sur mon front.

Le rouquin c'est Jeff. Ce n'est pas une lumière, il écoute continuellement Frank au doigt et à l'œil. Il a beau être grand et costaud, il m'impressionne moins que son acolyte.

─ Mouais, maugréé-je. C'est ce sale temps qui te gèle les os.

─ Moi je crois plutôt que t'es en manque, s'exclame un blond adossé au mur. Qu'est-ce que tu fichais, ça fait des jours que je n'ai pas de tes nouvelles ?

Ethan, ses cheveux blonds lui tombent encore devant les yeux.

─ J'ai été occupé.

─ Et tu réapparais uniquement parce-que tu es à court ?

─ Oui.

─ Ok t'as les tunes ? intervient Frank.

─ Non mais je me disais que tu pouvais m'avancer. Je te promets que je rembourse bientôt.

─ Ouais je pourrais, sauf que tu oublis une chose ...

─ ... C'est que tu nous dois déjà une blinde, le coupe Jeff.

─ Je t'ai demandé quelque-chose à toi ? râle le balafré. Non, alors la ferme ! Donc je disais quoi ? Ah oui ! J'ai pas envie, car tu as déjà une sacrée ardoise à me régler. J'ai été plutôt sympa avec toi jusque-là, uniquement parce-que t'es un ami d'Ethan et peut-être que tu me faisais un peu pitié.

─ Je suis un peu à court de cash, mais je vais me débrouiller pour te rendre ce que je te dois. J'ai juste besoin d'avoir de quoi tenir en attendant.

─ Je crois que tu n'as pas l'air d'avoir compris, pourtant je pensais avoir été clair. Tu peux retourner d'où tu viens et tu me ramènes vite fait mes 2000 $ et seulement là on verra ce que je peux faire pour toi. Sinon je prendrais un grand plaisir à ravager ta gueule d'ange.

─ Regarde dans l'état qu'il est Franky, on pourrait encore le dépanner pour cette fois, propose Ethan.

─ T'es avec qui toi ? s'énerve Frank.

─ Tu sais très bien ce que je veux dire, se défend le blond.

─ J'en ai rien à foutre de tes états d'âmes Ethan, moi j'ai un business à faire tourner.

Ma patience à ses limites, Frank commence vraiment à m'exacerber et je n'ai aucune idée de comment trouver l'argent que je lui dois. Tout ce qui compte pour l'instant c'est juste une galette pour tenir le coup cette nuit, je m'occuperai des formalités demain.


 *

Hé voici la première partie du chapitre 23.

Je vous l'accorde il est court et  il ne se passe pas grand chose. Mais la suite arrive dans peu de temps !

Bon dimanche, Sandy.

Jusqu'à ce que la neige cesse de tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant