CHAPITRE 5 Deuxième Partie

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Amy


La fatigue. Un état psychologique issu d'un effort prolongé physique et mentale. Cette fatigue extrême qui me consumait. Cette force qui me clouait dans mon lit, rendant le moindre de mes mouvements insurmontables. Ce masque censé rendre ma respiration plus fluide, mais qui troublait et irritait mes voies respiratoires me faisant régurgiter de la bille. Ce besoin de céder toujours un peu plus au sommeil, quitte à ne plus apprécier les journées. Cette impression que mes forces étaient aspirées, extirpées hors de mon corps. Des paroles autour de moi de moins en moins audibles, parfois des pleurs, d'autres fois des caresses. Quelques fois je me demandais si des hallucinations n'avaient pas réussi à pénétrer mon cerveau. Peu importait c'était trop épuisant de discerner le vrai du faux. Et puis il y avait ce froid, ce froid glacial qui me piquait l'épiderme et pénétrait ma chair jusqu'à l'os. La mort rodait autour de moi, ayant élu domicile dans ma chambre.

Combien de temps ?

Combien de temps me restait-il ?

Trop peu ...

Des secousses vigoureuses me forcèrent à ouvrir les paupières. Il fallut quelques secondes avant que je retrouve la vue. Puis les formes prirent vie, ce visage souriant je le connaissais. Dustin. Dustin était penché au-dessus de moi. Des larmes. Des larmes s'échappaient de ses yeux pétillants pour venir s'écraser sur mon front. Je tournai la tête en sentant une main sur ma joue, Papa et Maman étaient là aussi. Les visages humides mais resplendissants. Je n'avais jamais vu cette expression joviale sur eux. Tout le monde me criait des choses que je ne comprenais pas. Mes oreilles bourdonnaient, je voulais leur dire de me laisser me rendormir. Ne pouvaient-ils pas comprendre que j'étais à l'agonie ? Impuissante face à l'attraction de la faucheuse.

Des blouses blanches se mirent à s'affairer autour de moi, j'en reconnu certains et plus particulièrement mon cardiologue le docteur Guérilla. Son teint était allé, il devait être âgé d'une cinquantaine d'années. Il me suivait depuis enfant, j'aimais beaucoup cet homme il était doux, à mon écoute et très pédagogue. Avec le temps des mèches poivre et sel étaient apparu dans ses cheveux et son bouc, mais il restait toujours aussi bel homme. Tout comme ma famille un sourire était accroché à son visage.

Je ne comprenais pas ce qui se passait, les blouses blanches me débranchaient de certaines machines, s'emparaient d'autres et de ma perfusion, puis mon lit se mit en mouvement. On transporta mon lit dans le labyrinthe des couloirs de l'hôpital, le trouble qui naissait en moi laissa place à des perles salées le long de mes joues. J'avais peur. Papa, Maman et Dustin n'étaient plus là. Il n'y avait plus que les blouses blanches et le docteur Guérilla qui me tenait la main en courant près du lit. Des portes de plus s'ouvrir, mais cette fois ce ne fut pas sur un nouveau couloir. C'était un bloc opératoire.

On colla mon lit à la table d'opération, puis je sentis mon corps se soulever légèrement pour être reposé sur la table chirurgicale. Une infirmière retira ma chemise de nuit dévoilant à tous mon corps uniquement vêtue d'une petite culotte. Elle me couvrit ensuite d'un drap et fourra mes boucles caramel dans une charlotte. J'avais pris l'habitude de voir tous les instruments chirurgicaux aiguisés qui m'entouraient, ils m'avaient déjà ouvert la poitrine pour regarder l'état de mon organe. Pour permettre à mon cœur de tenir encore un peu dans l'attente d'un nouveau.

Je levai la main et la posai au-dessus de mon sein gauche, là où mon pacemaker formait une proéminence sous ma peau. Le docteur Guérilla s'approcha de moi et me saisit la main en la tapotant affectueusement des siennes. Ses yeux brillaient toujours, il essuya une de mes joues humides et je compris subitement à cet instant que le moment était venu. C'était enfin à mon tour, j'allais recevoir le cœur dont il m'avait fait un jour la promesse.

Jusqu'à ce que la neige cesse de tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant