Jusqu'à ce que la neige cesse de tomber

9.1 *°* Amy

─ Allé montes Amy ! râle Dustin. Tu as beau avoir deux jambes de plus que moi, on va encore mettre une heure pour rentrer au loft sous ce cagnard.

Dustin et moi sommes devant le supermarché, le chariot plein, à débattre sur la façon la plus simple pour ramener les courses. Pour moi prendre le taxi, pour Dustin voler le caddy et me faire grimper dedans pour gagner du temps.

─ On ne va pas voler un chariot. Je suis en liberté depuis deux jours et toi tu veux me renvoyer en prison.

─ Tu ne crois pas que tu en fais des tonnes, ce n'est qu'un caddy !

Je croise les bras bien décidé à ne pas bouger, temps qu'il ne voudra pas changer d'avis. Aussi peu convaincante que je puisse être, cela fait son effet. Le blond rajuste sa casquette en s'exclamant :

─ Bon d'accord on ne le vole pas, on l'emprunte. Je le ramène après.

─ Ok mais je ne monte pas là-dedans.

─ Si !

─ Non !

─ Si !

Nous échangeons un regard amusé, avant de partir en fou rire. Il y avait longtemps que par ma faute, Dustin n'avait pas été aussi rayonnant. Se chamailler pour que je monte dans un chariot, tellement futile après nos disputes sur la vie et la mort.

─ D'accord tu as gagné ! Tu veux bien m'aider à monter dans mon carrosse.

─ Amy la criminelle, me chambre-t-il en m'aidant avec mes béquilles.

─ Je te préviens tu n'as pas intérêt à conduire ce truc comme un dératé !

─ Ne t'occupe pas de moi, vire plutôt tes fesses des muffins.

Il repousse sa boite de gâteau de peur que, selon lui, mes « grosses fesses » ne les écrasent. Si j'ai appris une chose depuis toutes ces années, c'est qu'il ne faut jamais se mettre entre la nourriture et Dustin.

Le retour en chariot est comme je m'y suis attendue toujours à la limite de l'accident. Plus j'hurle à Dustin de s'arrêter, plus il s'amuse à faire l'idiot en accélérant. Les passants nous regardent d'un mauvais œil. « Ah elle est belle la jeunesse d'aujourd'hui ! Plus aucun respect ! » a râlé un petit vieux sur notre passage.

Après avoir réussi à ranger les courses, Dustin a proposé d'aller profiter du reste de l'après-midi dans le parc au bas de l'immeuble.

C'était le parc le plus connu et le plus vaste de Black River, avec plusieurs fontaines où les grands comme les petits profitaient de l'eau pour s'asperger. Une mare permettait de faire des tours de barques et accueillait cygnes, canards et autres animaux à plumes. Malgré la chaleur écrasante quelques sportifs faisaient leur jogging quotidien.

Nous avons acheté des smoothies rafraichissant à une cabane estivale, puis nous nous sommes trouvés un carré de verdure à l'ombre d'un chêne. Allongés côte à côte dans l'herbe fraiche à observer le ciel, partageant les écouteurs de l'iPod de Dustin. Le son de Noah de Amber Run se mélange aux cris et éclats de rire des enfants plus loin.

─ On fait quelque-chose ce soir ? demandé-je.

─ Je ne peux pas, je passe la soirée avec mes parents. C'est l'anniversaire de ma mère.

Dustin se retourne pour se mettre sur le ventre. Il retire sa casquette qu'il pose dans la pelouse et passe une main dans ses cheveux pour les repousser en arrière. Puis le blond arrache un brin d'herbe et l'entortille autour de son index. Il reprend la voix éraillée par le regret :

─ Tu te rends compte, ça va faire quatre ans que l'on n'a pas fêté son anniversaire tous les trois ensembles !

J'acquiesce d'un mince sourire et l'imite en jouant avec l'herbe.

Les parents de Dustin sont bien le contraire des miens, toujours aux quatre coins du monde. Marta et Ray sont marins, amoureux fous de la mer. Ils naviguent sur des voiliers d'un pays à l'autre pour différents propriétaires fortunés. Mon ami a grandi avec un seul parent à la fois pour s'occuper de lui. Parfois ne pouvant faire autrement, mes parents en bons voisins et amis, hébergeaient Dustin durant quelques semaines. C'était une des raisons pour lesquels nous étions aussi proche. Le blond a toujours refusé de les suivre dans leurs aventures. C'était sa façon à lui de tenir tête à ses parents, de leur dire que sa vie était à Black River et non sur un bateau. A présent que Dustin est à l'Université, Marta et Ray peuvent voyager ensemble à chaque fois.

Même si je le sais, le blond me montre rarement qu'il souffre du manque de sa famille. Il essaie constamment de le cacher, cependant les savoir dans des tempêtes ou dans les zones où les pirates font rages l'inquiète en permanence.

─ Ils ont prévu de repartir quand ? le questionné-je en l'observant.

─ La semaine après la reprise des cours. J'aurai de nouveau une chambre universitaire. Ils ne trouvent aucun intérêt de s'attarder ici plus longtemps.

─ Je suis désolée Dustin.

─ Ne le sois pas, après tout n'importe quel étudiant rêverait d'être à ma place. Aucun parent sur le dos, je suis libre de faire ce que je veux depuis des années.

─ Si tu le dis.

─ Je t'assure ça va. Je vais profiter d'eux le temps qu'il sont à Black River. Je ruminerai lorsqu'ils seront au milieu du Pacifique.

─ Tu sais que tu peux venir chez moi quand tu veux, après tout mon père y a prévu ta chambre.

─ J'y penserai. Mais s'il te plait, arrête de t'angoisser pour moi.

─ Je n'y peux rien. C'est notre truc, on se soucie l'un de l'autre. Ça l'a toujours été.

Le blond me sourit et m'embrasse sur le front comme il aime le faire. Aujourd'hui est une de ces journées dont j'ai tant espéré. Un parc, du soleil, un smoothie aux fraises et mon meilleur ami. Des choses si simples et pourtant cela annonce le meilleur été de ma vie.

*

Suite du chapitre dimanche.

S.P.