6 *°* Amy

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Les semaines se sont écoulées depuis ma transplantation. Le printemps de mai a laissé place à une fin de d'été étouffante.

Je suis toujours dans ma prison morbide, mais demain je la quitte définitivement cette fois. Cela fait presque trois mois que j'ai été opéré et j'ai l'impression de revivre. Je ne ressens plus de douleur lancinante dans la poitrine, plus de vertige lorsque je me tiens debout et plus de souffle coupé. La fatigue est toujours présente, mais ce n'est plus un poids. Le Dr Guerilla m'a prévenu que dans quelques temps tout ceci ne serait plus que du passé, du moins si mon corps ne rejette pas le cœur. Pour une fois j'ai envie de croire que la chance est en ma faveur, je sens que ma vie prend un nouveau tournant. Que ce long tunnel obscur que j'ai pu traverser durant ses onze dernières années prend fin. Je suis bien décidée, à prendre ma vie en main et j'ai déjà commencé à faire le tri dans mon nouveau monde.

Pour ce commencement, j'ai demandé à mes parents de me trouver un appartement pour que je puisse m'y installer une fois être sortie de l'hôpital. Bien évidement ma mère Katherine était contre, soucieuse de mon état et de ma capacité à me débrouiller toute seule. Néanmoins j'ai su convaincre Luc, mon père. J'ai joué la carte de l'indépendance et du divorce qui sera bientôt prononcé. A croire qu'il y a peut-être un avantage à avoir des parents divorcés, car mon père a compris. Je m'en veux de les faire culpabiliser, honteuse d'utiliser leur séparation pour obtenir mon indépendance, mais c'est un besoin. De plus je ne me voyais pas retourner chez ma mère, dans cette chambre qui pue surement encore la maladie.

Katherine peut être oppressante à vouloir constamment faire les choses bien et à sa façon. Elle a un besoin maladif de contrôle, qui s'est d'autant plus intensifié par ma faute et ces allers retours à l'hôpital. Je sais que c'est d'ailleurs pour une de ces nombreuses raisons que leur mariage a tourné à l'échec, même si mon état a fini par avoir raison de ma famille. Aujourd'hui je souhaite que tous les trois nous puissions être heureux, même si c'est dans des directions différentes.

Malgré le mécontentement de Maman, c'est Luc qui a eu le dernier mot. Demain je serai donc dans mon propre appartement, pour vivre ma nouvelle vie, ou plutôt la commencer.

*

Debout près de la fenêtre je réfléchis. Malgré la climatisation il fait chaud, j'ai simplement enfilé un short et un débardeur. Ma jambe droite est en équilibre sur une de mes béquilles. Je n'ai plus d'atèle, mais une vilaine cicatrice rougeâtre est toujours visible. Plus que quinze jours et je pourrai balancer définitivement ces horribles béquilles par la fenêtre, il me tarde.

Je suis heureuse. Ou du moins je suppose que c'est le cas. J'ai enfin un nouveau cœur, je vais prendre mon indépendance loin des conflits familiaux et je ferais mon entrée à l'université dans quelques jours.

Alors pourquoi en regardant par la vitre, l'agitation qui règne dans la ville de Blackriver, je ne peux m'empêcher de me sentir coupable de la quiétude qui émane de moi ? N'y ai-je pas droit après toutes ces années ? Mieux que personne je sais que rien n'est acquis, que tout n'est qu'éphémère. J'en avais encore eu la preuve lorsque la balle s'était logée dans mon fémur, quelques mois plutôt. Je manque clairement de confiance en l'avenir, parce-que je n'ai jamais imaginé avoir un futur.

─ Amy.

La voix masculine derrière moi me fait sortir de mes craintes. Je me retourne difficilement, claudicant sur une jambe pour faire face à la personne que je n'ai pas entendu entrer. A la seconde où je le vois je reste tétanisée. Je ne sais quoi faire.

Hurler ?

Appeler quelqu'un à l'aide ?

Jusqu'à ce que la neige cesse de tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant