─ Je t'ai apporté des tulipes rouges, comme celles que tu m'offrais.
Je souris en caressant les pétales soyeux.
─ Tu te souviens de la fois ou je t'ai enfin demandé, pourquoi tu choisissais toujours des tulipes rouges ? Moi je m'en souviens comme si c'était hier ...
*
Un an plus tôt ...
─ La tulipe rouge symbolise l'amour éternel, a souri le porto-ricain. Alors lorsque je ne serai plus à tes côtés, cette fleur sera là pour te rappeler que mon amour est toujours avec toi. Moi je n'ai pas de regrets, je ne veux plus que tu en aies. Tu dois continuer de te battre sans moi. Promets-le-moi !
─ Tu n'as pas le droit de me demander ça.
J'ai levé mes jambes et me suis installée en tailleur sur le banc.
Je me souviens que Jason me faisait face dans son fauteuil roulant. Il était emmitouflé dans son manteau vert avec une couverture sur les genoux. Le bonnet enfoncer jusque sur ses oreilles, ne laissant sortir que quelques mèches noires. Ses cheveux avaient bien repoussé depuis sa dernière chimiothérapie, c'était bien la seule amélioration. Je revois encore son visage exprimant tout le mal qui le rongeait, il avait le teint gris par le sang impur qui circulait sous sa peau. Ses iris sombres et ténébreuses n'étaient plus que deux perles sans vies.
Quatre mois déjà c'étaient écoulés depuis mon dernier séjour à l'hôpital. Les médecins avaient affirmé que le pacemaker, ce petit dispositif implanté sous ma peau, stimulerait les muscles cardiaques par des impulsions électriques. A croire que la greffe n'avait plus lieu d'être, des balivernes que mes parents ont gobées durant un temps. J'avais sentis à l'époque que quelques-choses n'allait pas. Il ne suffisait pas d'une pile pour reprendre une vie normale, en tout cas pas pour moi. J'avais partagé mes craintes avec Jason et Dustin seulement. Mes parents, eux n'écoutaient pas, ou du moins ils n'écoutaient plus.
Maman disait à Papa de foutre le camp de la maison. Papa disait à Maman que c'était grâce à son argent que nous avions la maison. Maman disait alors qu'avec Papa c'était toujours qu'une histoire de fric. Qu'elle avait seulement souhaité avoir une fille en pleine santé, mais que même ça il n'avait pas su lui offrir. Papa ne disait plus rien à Maman, il prenait la porte et disparaissait pendant deux trois jours. Et le cirque recommençait, encore et encore...
Lorsque je rendais visite à Jason, nous finissions toujours par sortir dans le parc au pied de l'hôpital. Prendre l'air lui faisait du bien et nous permettait de nous changer les idées. Ce jour-là, c'était encore un après-midi qui ressemblait à tous les autres. Je m'absentais le plus souvent possible de la maison afin d'échapper aux éclats de voix entre mes parents et me réfugiais près de Jason.
─ J'ai conscience que tu as peur Amy. J'ai peur également, rien ne m'a autant terrifié que ce qui m'attend. Mais j'ai besoin de savoir que tu vas t'accrocher, j'ai besoin que tu vives pour moi.
─ Je n'y arriverais pas.
─ Se sera dure au début, mais je te connais. Tu es une battante mon amour, tu survivras une fois de plus. Il y a un cœur qui t'attend quelque part, c'est juste qu'il ne t'a pas encore trouvé.
─ C'est le tiens qui m'a trouvé, ai-je chuchoté en esquivant son regard.
─ Tu sais très bien ce que je veux dire. Je voudrais que tu me promettes également de ne pas te refermer sur toi-même, après ma mort.
Il s'interrompe le temps d'ajuster sa canule nasale, puis il passe son index sur un de ses sourcils broussailleux et me plante une aiguille dans mon cœur abîmé :
─ Ne fait pas payer à ta famille mon absence !
─ Arrête Jason ! Ai-je craché furieuse. Arrête de me demander de tenir des promesses, alors que tu sais que ce ne sont que des mots en l'air.
─ Je te connais trop bien et c'est peut-être égoïste, mais je ne veux pas que ta famille se disloque par ma faute.
─ Je ne comprends pas ce que tu as au juste. Pourquoi cherches-tu à ce qu'on se dispute ?
─ Je veux seulement partir serein, a-t-il confié en se grattant la joue.
Ne contenant plus mon énervement, je me suis levée et j'ai fait quelques pas. Mes mains tremblaient d'anxiété, je les ai frottés vulgairement contre mon jeans pour que Jason ne voit pas dans l'état que cette conversation me rendait. Un peu plus loin sous le préau, des aides-soignantes nous observaient en buvant un café et s'enivrant de nicotine. Nous étions en train de leur donner de quoi alimenter les futurs ragots de la journée.
J'ai fini par trouver le courage de me tourner vers le brun pour lui lancer :
─ C'est trop facile, tu meurs et moi je dois attendre un cœur et vivre. Tout ça sonne faux !
Jason s'est alors emparé des roues de son fauteuil pour rouler jusqu'à moi. Puis il a levé son index vers moi le regard accusateur :
─ Tu le savais quand tu as accepté de sortir avec moi que nous n'aurions pas d'avenir !
─ C'était plus simple de l'oublier, on était des gamins et à l'époque je ne sais pas ce que c'était l'amour. J'ignorais que ça pouvait être si bon et si douloureux à la fois.
J'ai sentis une larme roulée sur ma pommette, suivie d'autres. La main froide de Jason s'est glissée dans la mienne, m'attirant vers lui. Je me suis assise sur ses genoux et j'ai caché mon visage trempé dans son cou.
─ Je ne veux pas que l'on perde le temps qui nous reste à nous disputer, a-t-il gémi la voix enrouée.
Je me suis légèrement détachée de notre étreinte pour planter mes yeux dans les siennes. Ses joues aussi étaient larmoyantes, ils se débattait également avec ses émotions.
─ Je t'aime, a-t-il chuchoté.
─ Pour toujours ? l'ai-je sondé comme à chaque fois que l'un de nous deux prononçait ses trois petits mots.
─ Plus encore !
Ses lèvres charnues ont rencontré les miennes naturellement, un baiser doux et plein de tendresse. Juste ce que j'avais besoin pour dissiper mes craintes, du moins durant un instant ...
*
Fin du chapitre 18, une petite parenthèse pour découvrir Jason.
Chapitre 19 ce week-end. Bonne semaine.
Sandy
VOUS LISEZ
Jusqu'à ce que la neige cesse de tomber
RomanceAmy 19 ans, si jeune et pourtant ses jours sont comptés. Quelques semaines, ce n'est que ce qui lui reste. Déjà cinq ans maintenant qu'elle attend une transplantation. Un nouveau cœur, pour une nouvelle vie. Mais l'échéance se rapproche, Amy n'y cro...