12.1 *°* Danny

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Toutes mes journées étaient similaires. Je ne me levais jamais avant onze heures, pour ensuite me rendre au cimetière de Black River. J'y passais l'après-midi sur la tombe de Liam. J'attendais jusqu'à ce que les derniers rayons de soleil disparaissent et que la nuit prenne doucement sa place. Étrangement j'aimais me rendre là-bas. J'appréciais m'adosser contre le grand chêne qui abritait la pierre de Liam. Au Chêne, je pouvais lui parler librement. Etre proche de Liam. Pas parce qu'il gisait six pieds sous terre, mais parce que un sentiment intense de réconfort émanait de ce lieu, une protection. Il n'y avait plus de barrière entre lui et moi près de cet arbre.

Ainsi comme chaque jour, une bouteille de whisky à la main, je claque la portière de ma vieille Corvette verte C3 de 1963. Poussant le grand portail noir, je pénètre dans mon refuge. Je slalome entre les innombrables sépultures, pour me rendre à celle gravée du nom de Liam.

Le cimetière de Black River se trouve sur une colline. Au sommet on avait une vue imprenable sur la ville, plus au loin se dessinait l'océan. Certains jours trop venteux, l'odeur iodée parvenait jusqu'ici.

Il fait encore chaud pour le mois de septembre, quelques nuages gris viennent malgré tout entacher le ciel clair. Un orage se prépare, c'était toujours signe de pluie lorsque la colline s'assombrissait.

Un vent chaud ballait le cimetière s'engouffrant dans ma chemise, j'avale une gorgée de whisky. L'arbre de mon frère est enfin à portée de vue, quelques-unes de ses feuilles commencent déjà à se parer de jaune. Au pied du grand chêne, une silhouette se dessine dans l'ombre. J'hésite à retourner sur mes pas, je n'ai pas envie de me forcer à être aimable avec un ami.

Je détestais que l'on me rabâche à quel point mon frère était formidable et quelle absence il laissait derrière lui, ou encore qu'il était mort en héros. Puis ils finissaient par s'éclipser en disant « Je suis désolé. », je ne veux pas que l'on me prenne en pitié. Je ne me fiche pas mal de ce qu'ils peuvent penser ou dire, ce n'est pas ça qui me ramènera Liam. Liam a toujours eu de nombreux ami. Il était bien plus populaire et entouré que moi. Liam dégageait une aura bien vaillante, de sorte que tout le monde l'aimait, voir l'adulait. Cependant les mois avaient passés et il était aujourd'hui plutôt rare que je trouve des personnes se recueillant sur sa tombe. C'est fou comme on peut être vite oublié et remplacé !

Par curiosité j'essaie de reconnaître la personne. C'est une fille, ses cheveux dansent dans le vent. Piqué au vif, j'accélère instantanément le pas pour identifier cette personne.

A une distance assez proche pour la reconnaître, la colère et la haine naissent en moi. Elle est là, la fille du Darkness Bar, devant la stèle de mon frère. Qu'est-ce qu'elle fait ici et de quel droit elle se le permet ?

─ Non mais tu te prends pour qui ! hurlé-je à grandes enjambées jusqu'à elle. Qu'est-ce-que tu fous là ?


Lorsqu'elle se tourne, la surprise et la peur se lise sur chaque trait de son visage. Sa main tremblante presse sa poitrine. Je cherche son prénom dans ma mémoire. Abby ? Annie ? Non, Amy ! Oui c'est ça !

Amy s'exprime désorientée :

─ Tu m'avais promis qu'il ne serait pas là !

─ Non mais qu'est-ce-que tu racontes encore ?

─ Mais tu avais promis ! reprend-t-elle.

─ Je ne t'ai rien promis du tout, m'énervé-je.

─ Ce n'est pas à toi que je parle Daniel ok !

Déconcerté, je secoue la tête. Je détaille la jeune femme, elle porte une jupe verte et un haut en dentelles blanc qui rappelle ses converses. Je remarque qu'elle n'est plus accompagnée de sa béquille. Je me demande vaguement pourquoi elle en avait besoin. Puis je souviens qu'elle était en train de parler toute seule.

─ Tu es complètement cinglée ! Il ne me manquait plus que ça, soufflé-je en me passant la main sur le visage.

─ Oui je sais et je n'en ai rien à faire de ce qu'il pense, reprend-t-elle à elle-même. Et toi, dit Amy en se tournant cette fois vers moi. Arrête de me juger alors que tu ne me connais pas !

─ Il se trouve que je ne demande que cela, ne pas te connaître. Mais on dirait que tu le fais exprès d'être sur mon chemin. Et puis d'où connais-tu Liam, il ne m'a jamais parlé de toi ?

Je guette la réaction d'Amy qui ne se fait pas attendre. Elle fuit mon regard persan, une ride d'inquiétude se dessine entre ses sourcils. Elle finit par ouvrir la bouche pour la refermer, je sais qu'elle cherche ses mots. A la troisième reprise j'entends enfin le son de sa voix :

─ Je, euh, on s'est rencontré dans une librairie.

─ Et quand ça ?

─ Le, hésite-t-elle. Le jour de la fusillade.

─ Quoi ! dis-je abasourdis. Alors c'était avec toi qu'il était ?

Elle baisse la tête et regarde ses doigts triturer la dentelle de son t-shirt. Soudain on dirait que je fais face à une enfant qui aurait commis une faute, ce qui ne fait que m'énerver autant plus.

─ Réponds Amy ! Étais-tu avec lui dans cette foutue épicerie ?

Amy relève la tête, son regard effrayé se plante dans le mien. Je suis surpris par l'éclat triste dans ses yeux vairons. Je n'avais même pas remarqué ses iris bicolores avant cela. La lumière tamisée dans le pub ne me l'avait pas permis. L'un est vert opaline et l'autre d'un bleu azur très clair, mais ils avaient chacun des éclats caramel rappelant ses cheveux.

─ Oui, murmure-t-elle. C'était moi.

*

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Suite de ce chapitre dimanche, alors à demain. Sandy P.

Jusqu'à ce que la neige cesse de tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant