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Je faisais les cents pas dans ma chambre, tournant en rond. Je devais rejoindre Matt dans la salle de jeux dans moins de quinze minutes. Mais je n'étais pas déterminée à y aller. Je savais qu'il n'était pas quelqu'un de vraiment fréquentable. Surtout que si je ne venais pas à son rendez-vous, il ne se ferait pas prier pour tout rapporter à Mr Wolf en ce qui concernait notre discussion de l'autre jour. Calypso et Styx n'étaient pas sereins non plus. Violemment, j'ai donné un coup de pied dans mon sommier avant d'attraper mon portable et de partir au sous-sol.


L'entrée de cette salle de jeux se trouvait derrière les escaliers en colimaçon qui menaient au laboratoire. Les élèves avaient dissimulé la porte sous de grands voiles noirs, ils se distinguaient mal du mur sombre. J'ai soulevé le tissu et ai laissé Calypso pénétrer la première alors qu'elle râlait de mécontentement. Mon papillon, quant à lui, est resté campé à son endroit favori : ma nuque. Un couloir étroit et froid s'étendait sur quelques mètres. Il débouchait sur des franges en gros velours grenat faisant office de séparation.


Comme me l'avaient décrit Catalina et Liam, un vieux billard occupait la presque totalité de l'espace. Le recouvrement verdâtre était très usé et le bois avait perdu de son éclat. À sa gauche, un canapé en cuir brun – en piteux état – était placé en face d'un petit meuble de télévision ; très ancienne elle aussi. L'endroit était très, voire trop humide pour que l'on s'y sente à l'aise.


Mes yeux parcouraient encore un peu la pièce devant moi. Matt n'était pas là, je me suis donc installée maladroitement sur le sofa. Ma tigresse, un air de dégout scotché au visage, contemplait son environnement. Il était vrai qu'elle préférait les endroits sains et chaleureux. Tout le contraire de ce sous-sol.


Finalement, le grand brun a déboulé, deux bouteilles de bière à la main. Son sourire benêt me donnait déjà la nausée. Comme d'habitude, son caméléon était agrippé à son biceps, les yeux à la recherche de mon insecte. J'ai porté mon attention sur Matt, Calypso a grogné avant de s'écarter pour pas qu'il ne lui écrase une patte ou sa queue. Il s'est affalé à côté de moi et m'a tendu une boisson.


— Je ne bois pas, merci, ai-je répondu, sans essayer de paraître agréable.


— Comme tu voudras. Bon. Dis moi, ma jolie, que dirais-tu de se mater un vieux film en noir et blanc ? a-t-il bougonné, attrapant la poussiéreuse télécommande laissée sur l'accoudoir.


— Peu m'importe.


Il a haussé les épaules et a allumé le poste. L'écran grésillait et le son n'était pas franchement de très bonne qualité ; j'aurais dû m'y attendre. Cette salle de jeux était simplement éclairée à l'aide d'une ampoule, suspendue par ses fils électriques prêts à craquer à tout moment. Une odeur fétide emplissait l'espace, ce qui accentuait mon envie de vomir.


Matt a décapsulé sa bière, passant sans gène un bras derrière ma tête, sur le rebord du canapé. Le programme que diffusait le poste de télévision n'était pas un film de l'ancien temps mais bel et bien un jeu télévisé stupide que seuls les dépressifs regardent quand leur moral est au plus bas ; pour un peu mieux sombrer dans le chagrin. Le brun riait à la quasi totalité des répliques des candidats. Il avait un rire gras et répugnant. Je me suis dégagée de son bras, cheminant en direction du billard. J'ai attrapé une cane, calée contre le mur, et y ai passé de la craie bleue sur le bout.


Lorsque mon « rendez-vous » s'est enfin aperçu que je n'étais plus à ses côtés, il s'est levé avec sa bouteille entre les doigts puis s'est avancé vers moi. Matt s'est arrêté juste dans mon dos, je sentais son souffle chaud dans ma nuque ; où Styx commençait à remuer. Il a posé sa bière sur la table et m'a presque collée à lui. Il était beaucoup trop prêt, j'étais même persuadée que si je me redressais à peine, mon dos rentrerait en contact avec son torse. Il s'est penché à mon oreille, immisçant son bras autour du mien afin d'atteindre, lui aussi, la queue de billard.


Tiger | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant