Chapitre 33 - Les Clapotis du Lac d'Argent

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J'ai l'impression que ça fait des heures que je suis couchée. Dès l'instant où je me suis retrouvée au calme dans ma petite chambre, toutes les émotions atrophiées de la journée me sont retombées dessus.

Un soulagement énorme m'a submergé. Le rituel des Sylphes a fonctionné. Je suis sauvée. Au moins pour un temps. Ma vie n'est plus en danger dans l'immédiat et un poids énorme s'est envolé de ma poitrine. La preuve en est que j'ai retrouvé l'usage de mes jambes. Je ne sais comme décrire cette euphorie qui m'a gagnée, j'en ai eu les larmes aux yeux tant je suis heureuse. Je trépignais dans mon lit et mes nerfs étaient si tendus que j'avais envie de bondir partout en hurlant ma joie à tout Eel. Je mourais d'envie d'aller rejoindre Ezarel et lui raconter comme j'étais bien. J'avais envie d'aller le prendre dans mes bras, de l'embrasser et de le remercier pour son soutien, même s'il m'aurait affirmé qu'il n'avait rien fait.

Les heures et le silence de la nuit aidant, je me suis calmée. Je suis sereine maintenant. Je savoure la caresse des draps sur mes jambes tandis que je les oscille continuellement à l'horizontal, comme si j'avais été privée de cette sensation depuis des années. Je me sens apaisée, presque m'endormir, mais le sommeil m'a déserté cette nuit. Petit à petit, tout un tas de choses s'accumulent dans ma tête. Notamment les révélations d'Elfïen quant à l'urgence de la situation, juste après le rituel. Cette menace de la Lune Ardente qui est bien plus proche que je ne l'aurais cru.

Je me pose des centaines de milliers de questions. Je suis angoissée comme jamais et terrifiée devant cet avenir plus qu'incertain. Je pense que c'est plutôt compréhensible, non ?

C'est une chose de savoir que le monde est danger, mais quand on a clairement une date butoir, c'est épouvantable. Surtout quand tous les espoirs reposent sur ma seule et unique petite personne. Et si je ne parviens pas à atteindre la Source à temps ? Et si j'y arrive, mais que je n'ai pas la force requise pour l'ouvrir ? Si tous les autres élus n'ont pas accompli leur mission, pourquoi réussirais-je à sortir de cette spirale de l'échec ?

Le compte à rebours a commencé. Tout repose sur moi. Je revois tous ces visages qui placent leur avenir sur mes épaules. Je n'ai pas la carrure pour assumer toutes leurs vies. Dès que mes paupières se referment, je visualise les visages des personnes à qui je tiens particulièrement à Eel. Les Gardiens, bien sûr, mais aussi toutes les amies que j'ai pu me faire au fil des missions, à mon arrivée dans ce Royaume. Me dire que mon échec peut les mener à la mort me pétrifie. Gérer ma propre vie est déjà un combat de tous les jours, alors comment suis-je sensée être en charge de toutes les autres ? Qui le pourrait de toute façon ?

Si je ne suis pas à la hauteur, je ne serai pas la seule à en assumer les conséquences. Tous subiront mon échec, tous périront par ma faute. Est-ce cela que voulait dire l'Oracle, par "tous nous détruire" ? Ça ne tiendrait donc en aucun cas de ma volonté, mais de ma capacité à accomplir ce pour quoi je suis là. Je ne peux m'empêcher de penser que ma venue à Eldarya n'est pas un hasard. Tout ce qui m'est arrivé ne peut pas être le fruit du hasard, tout ne peut pas être que coïncidences ! Bon sang, c'est la Loi de l'Emmerdement Maximum qui s'acharne sur ma pomme ou quoi ? Si un pépin peut m'arriver, alors forcément, il finira par me tomber sur le coin de la figure ! Et pour le coup, c'est toute la pépinière qui se tient au dessus de ma tête.

Ne tenant plus en place, je décide de me lever. J'ai besoin d'extérioriser tout ce qui m'accable l'esprit ! Je ne vois qu'une personne ici à qui me confier, et ce n'est pas un Sylphe !

Discrètement, je me glisse dehors, telle une ombre. Je fais quelques pas, pieds nus dans l'herbe fraîche qui tapisse le sol de l'Arbre du Maana. Quelques brins de coton virevoltent dans l'air à cause de la brise nocturne. J'inspire pour rassembler mon courage et me dirige d'un pas décidé vers la maisonnette jouxtant la mienne. Arrivée sur le pas, le tends la main pour toquer mais suspends mon geste alors alors que mes phalanges allaient entrer en contact avec le bois noueux.

[Eldarya] Le Secret des MoraïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant