Chapitre 38 - Cernunnos ou le Bon Augure

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Cette nuit, j'ai dormi comme un bébé. J'ai bien entendu les garçons se relayer pour la patrouille, mais j'étais bien trop dans les choux pour ne serait-ce que soulever une paupière. Je savais bien que les Égarées ne reviendraient pas. Mais je pouvais pas leur avouer pourquoi j'en étais persuadée.

C'est la voix d'Ezarel qui me réveille. Il s'approche de moi et me caresse la joue. Ce geste m'étonne tellement que j'ouvre brusquement les yeux. C'est comme ça que je le surprends la main dans le sac. Il est accroupi juste devant moi, ses yeux malicieux rehaussés par son sourire d'enfant.

-Qu'est-ce que...

-Chuuuut, m'intime-t-il doucement. Ne dis pas un mot, laisse-moi faire.

Je ne bouge donc pas, obéissant docilement et ne comprenant pas le moins du monde à quoi il fait allusion. Son doigt fin continu s'effleurer ma joue et l'Elfe semble y prendre certain plaisir. Qu'est-ce qui lui prend ? Elkihal l'a drogué ou quoi ?

-Allez, petite coquine, viens faire un câlin à Ezarel, ordonne-t-il d'un air joyeux.

Définitivement, il va falloir que je touche deux mots à Elkihal. Je ne sais pas ce qu'il lui a fait prendre, mais il n'est pas dans son état normal ! Le sourire de l'Elfe s'élargit de plus belle lorsqu'il soulève son doigt de ma joue brûlante et qu'il le lève entre nos yeux. Sur ses phalanges, court une toute petite coccinelle verte à pois bordeaux. Je comprends alors tout à coup. Ezarel n'est pas drogué, il est simplement émerveillé comme le grand gamin qu'il est devant une de ses petites bêtes.

-Elle est mignonne, souris-je, légèrement gênée par mes rougeurs, même si je suis persuadée que l'Elfe est bien trop occupé à admirer sa nouvelle chérie pour s'en rendre compte.

-N'est-ce pas ? C'est une Venenus Coccinellidae, aussi belle que redoutable.

-Redoutable ? Ezarel, c'est une coccinelle, fis-je en me redressant.

C'est encore une de ses blagues dans les quelles je tombe à tous les coups ? Cette fois-ci, il ne m'aura pas.

-C'est vrai, je t'assure. Tu pourras demander à Valkyon, il en élève pour sa Musarose. Leur venin est mortel.

Je me fige tout d'un coup. Il a bien dit mortel ? Il déconne, là ? Je suis soudainement prise d'un frisson de révulsion quand je réalise le danger auquel il m'a laissée exposée. Pourquoi ne l'a-t-il pas retiré tout de suite de ma joue au lieu de jouer avec et pourquoi il est encore là à la faire gravir ses doigts les uns après les autres, avant de retourner sa main pour offrir une nouvelle série d'épreuves à l'animal ?

-Ne t'inquiète pas, une seule piqûre ne ferait pas bien mal et puis tant qu'elle ne se sent pas menacée, il n'y a rien à craindre, répond-il à mon silence scandalisé.

Puis sans dire un mot de plus, il lève la main au dessus de nos têtes et donne une petite impulsion du doigt, aidant la coccinelle à prendre son envol. Je la suis du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière les feuillages, non pas que je redoute qu'elle fasse demi-tour pour me piquer -quoique- mais parce que malgré sa dangerosité, je ne peux qu'admirer la beauté de cette petite bête à bon dieu.

Je rejoins les garçons près du feu de camp pour déjeuner. Ezarel me tend le pot de miel avec une sorte de brioche confectionnée par les Sylphes. C'est presque le grand luxe ! Il manquerait plus que le jus d'orange et ce serait parfait. Hum, à y repenser, je préfère ne plus entendre parler de jus de fruit. J'ai eu ma dose, je crois, avec les Pixies. Je mange donc en silence tandis que les garçons déblatèrent sur le chemin à suivre. Loin de désapprouver les choix d'Elkihal, Ezarel tente de les comprendre. Il cherche à saisir sa logique pour s'assurer que les choix qu'il a pris sont les plus judicieux. Force lui est de constater qu'Elkihal connait ces terres. Même si les Sylphes ne sortent qu'exceptionnellement de leur Arbre du Maana et moins encore de l'Archipel, il n'empêche qu'il connait cette partie d'Eel bien mieux que nous.

[Eldarya] Le Secret des MoraïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant