Chapitre 4 - La Source de notre magie

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          Je suis Ezarel vers son laboratoire. Il ne me parle pas et garde ses distances. Alors que nous montons les escaliers vers l'étage, une voix nous interpelle :
-Ezarel !
          C'est Nevra. Ouuuh, je sens de l'orage dans l'air.
-Où est Miiko ? demande le brun.
-Elle était dans la Salle du Cristal à l'instant.
           Nevra tourne les talons sans demander son reste. Ça s'est plutôt bien passé finalement. Bref, mais sans regards de tueurs.
-Que se passe-t-il ? demande l'Elfe.
           J'avoue être intriguée aussi. J'ai rarement eu l'occasion de voir Nevra dans un tel état d'affolement.
-Je viens de recevoir un message du Vieux Kappa. Ils ont retrouvé le bateau.
-Qu... quoi ?! Où ça ? m'enquis-je.
-De l'autre coté de l'ile.
-Il aurait été emporté par le courant ? se renseigne Ezarel.
-Ça m'étonnerait beaucoup, répond Nevra en haussant un sourcil. L'embarcation a été retrouvé à plus de deux cent mètres de la plage.
           C'est à n'y plus rien comprendre.
-Quelqu'un voulait donc bien nous empêcher de quitter l'ile, réfléchis-je.
-Pas quelqu'un, m'interrompt Nevra. Quelque chose. Quand les Kappas ont découvert l'épave écrasée au sol, ils se sont fait attaquer par des Cauchemars. Ils ont pu les mettre en fuite, mais je n'ai aucun doute sur leur culpabilité.
-Pourquoi des Cauchemars voleraient un bateau ? interroge Ezarel.
-Euh... qu'est-ce qu'un Cauchemar ? osé-je.
-Tu sais ce qu'est un Pégase ? me demande l'Elfe.
           On en voit de temps en temps dans les dessins animés de mon monde. Ce sont de magnifiques chevaux blancs pourvus d'une splendide paire d'ailes. Je hoche la tête.
-Les Cauchemars sont leur équivalent maléfique, m'explique le Chef de ma Garde. Leur pelage est sombre, leurs yeux rouges luisent dans le noir et hum... ils sont carnivores.
-Oh... c'est flippant ! Je suis contente qu'ils ne s'en soient prit qu'au bateau...
-C'est pour ça que je veux voir Miiko. On doit tirer ça au clair.
           Ce coup-ci, Nevra se carapate avant qu'on ne puisse dire quoi que ce soit, nous laissant là, un peu abasourdi par cette découverte.

           Sur le peu de chemin qu'il nous reste jusqu'au labo, Ezarel se terre à nouveau dans le silence. J'aurais aimé qu'il me parle un peu plus de ces Pégases maléfiques. Pourquoi avoir volé notre bateau ? Ils n'en ont clairement aucune utilité. Dans quel but nous avoir retenu sur l'ile ? Quel dessein servent-ils ? Peut-être même qu'ils sont au service d'une personne... qui voudrait s'en prendre à Chrome et moi ?
           Je ne suis à Eldarya que depuis trop peu de temps pour m'être attiré les foudres de quelqu'un -hors Miiko, j'entends. Je ne vois qu'une explication : cette attaque visait Chrome. Il a dû se faire des ennemis durant ses voyages et j'en ai fait les frais.
-Waïtikka ? Qu' est-ce que tu fais ? m'interroge Ezarel.
           Il est penché sur l'embrasure de sa porte. Moi ? Je suis plantée comme une idiote au milieu du couloir.
-Je réfléchissais, me justifié-je.
           Je ne lui fais pas part de mes réflexions. J'imagine que Miiko et Nevra en viendront à la même conclusion d'ici peu. Pour l'heure, Ezarel me fait signe de le suivre.
          J'entre dans la pièce peu éclairée. Je réalise que ça fait un certain temps que je ne suis pas venue ici. Des effluves me montent au nez. Effectivement, comme l'alchimiste l'avait supposé à l'infirmerie, la pièce regorge d'odeurs florales en toute sorte. Je n'y avais jamais vraiment prêté attention. Ces senteurs m'apaisent à présent. Bizarrement, je les associe à cet état de bien-être que j'ai ressenti juste après qu'Ezarel m'ait repêchée, contrastant avec l'angoisse des instants précédents.
           L'Elfe se saisit d'un épais grimoire sur une étagère et me le tend.
-Keroshane t'a enseigné notre calligraphie ?
-Oui, je sais lire votre écriture depuis ce matin, fis-je toute fière de moi.
-Alors bonne lecture, lâche-t-il avant de s'éloigner.
           Pas de blague, de moquerie ni même de sourire narquois. Il me déteste. Pourquoi enrage-t-il autant que Nevra et moi nous soyons "rapproché" ? Il ne m'a même pas laissé le temps d'expliquer quoi que ce soit.
          Du coin de l'œil, je le vois se pencher sur sa paillasse, planqué derrière ses tubes à essai et autres fioles. Il faut que j'éclaircisse tout ça avec lui.
-Ezar...
-Tu sais, tu en apprendras plus sur les Moraï si tu "ouvres" le livre... me lance-t-il.
J'ai presque l'impression qu'il a senti la tension monter en moi et qu'il a prit la parole pour m'empêcher de l'ouvrir. Sûrement ne souhaite-t-il pas aborder le sujet. Qu'à cela ne tienne !
-Ezarel, pourquoi réagis-tu comme ça ? aboyé-je.
-Parce que ce sont les pages qui contiennent les histoires, pas la couverture...
           Il n'y a aucun humour dans son ton, il l'a vraiment mauvaise.
-Tu sais très bien de quoi je parle.
Comme il ne réagit pas, j'enchaine :
-Pourquoi sembles-tu me reprocher que Nevra soit... Nevra ?
-Tu te prends à son jeu. Tu as frôlé la mort de très près avec le louveteau et tu veux déjà renouveler l'expérience ?
           De qu... hein ? Quoi ? La méprise dépasse mes prévisions.
-Qu'est-ce que tu racontes ? Nevra ne va pas me tuer ! Quelle idée, pourquoi penses-tu que...
-J'ai lu ce livre stupide avec ces vampires à paillettes. Ça commence comme ça et puis la fille se retrouve sur une table mortuaire !
Mais ! Mais c'est quoi ce bordel ?!
-Ezarel, c'est une histoire FIC-TIVE ! Insisté-je. Et douteuse en plus. Tu crois que je me jetterai, gorge à nue, dans ses bras ? C'est bien mal me connaitre ! Je n'ai pas l'intention de mourir ; pour qui que ce soit, d'accord ?
           L'Elfe m'observe, plissant les paupières pour jauger ma sincérité. Ça m'attriste, je pensais que...
-Je pensais qu'on était... tu vois ? Un peu plus proches, tous les deux. Qu'on avait passé ce stade de froide méfiance.
-Pourquoi ? Parce que tu peux entendre mon cœur ? me demande-t-il, incrédule.
           Pourquoi tant de véhémence dans sa voix ? J'ai l'impression d'avoir trahi une confiance qu'il ne semble m'avoir jamais accordé. Je me sens...
Un gouffre s'ouvre sous mes pieds. Les larmes me montent aux yeux.
-Tu as cru que l'entendre battre t'y autorisait l'accès ?
           N'en dis pas plus, pitié. Ses paroles sont comme des coups de poignard. J'essaye de ravaler mes larmes, mais elles se font de plus en plus pesantes.
-Nous ne sommes pas "proche", Waïtikka. Tu n'as aucun compte à me rendre, fais ce que tu veux avec qui tu en as envie.
           C'en est trop, je me retourne vivement. Je ne veux plus le regarder. Son regard et ses paroles assassines me réduisent en morceaux. Je préférais encore quand il me charriait à longueur de journée.
          Je ne veux pas qu'il voit l'impact que ses attaques ont sur moi. Je ne veux pas qu'il comprenne à quel point son estime compte... non, à quel point son estime comptait pour moi.
          Tout ce que je voulais, c'était crever l'abcès. J'étais loin de me douter du résultat, j'aurais du m'abstenir et fermer ma bouche. Être docile et me contenter de ce que j'ai, comme toujours.

[Eldarya] Le Secret des MoraïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant