Chapitre 24 - Le Combat dans les Ruines

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Cette nuit a été absolument atroce. J'ai à peine pu fermer l'œil quelques minutes. Si au début, le chant des Naïades me parvenait mélodieux et proche d'une mélopée lyrique, passé quelques heures, je n'en percevais plus qu'une complainte écrasante d'une profonde tristesse. La douleur des créatures en était palpable et je pouvais sans mal imaginer les affres de leur vie passée.

J'ai vraiment cru que j'allais devenir Crylasm et me jeter dans les Eaux Mortes pour abréger mon calvaire. Une chance pour moi d'avoir été bien calée entre les membres épais de Malachite, au point d'en être ankylosée d'avoir dormi sur un matelas de caillasses. Quand enfin je me suis habituée aux voix affreusement séraphiques qui résonnaient partout dans la mangrove, le soleil a pointé le bout de son aura douçâtre derrière les feuillages et mon nouvel ami a jugé l'instant propice pour reprendre notre route.

Je suis naze. Complètement crevée et avachie comme un cadavre sur l'épaule de Malachite. Je me suis servie de l'écharpe de Nevra pour m'attacher solidement au cou du Golem, comme ça si je m'endors, je n'irai pas nourrir les Naïades. C'est bien la dernière chose que je veux voir arriver. La journée s'écoule à une vitesse hallucinante. Je me soupçonne d'avoir des absences de plusieurs heures parce que le temps de cligner des yeux, la luminosité du lieu décline petit à petit. Malachite marche d'un bon pas, même si le coté embourbant du fond de l'eau ne l'aide pas à se mouvoir rapidement.

Je suis épatée de voir à quel point le géant est imperturbable par ce qui l'entoure. Même s'il n'a rien à craindre des menaces tapies sous la surface miroitante du marécage, il pourrait, je ne sais pas, moi... avoir peur qu'une Naïade tente quand même de croquer un morceau de caillou. Mouais. Moi-même, ce n'est pas vraiment ce que je redoute, je l'admets.

La nuit arrive bien vite et même en ayant bien cherché, nous ne trouvons pas de tertre pour nous reposer. Nous avons poussé notre marche au maximum en espérant tomber sur une terre salvatrice, mais rien en vue. La nuit est de plus en plus noire et même si des milliers d'étoiles parsèment le ciel, ça devient de plus en plus difficile de voir où nous allons.

-Toi dormir là, m'indique Malachite en tendant le bras vers un arbre dont les branches semblent assez solides pour porter une personne.

-Mais... et toi ? m'enquis-je.

-Moi dormir debout, moi Golem de pierre.

Hum, on peut voir ça comme ça, en effet. J'ai un peu de mal à concevoir qu'on puisse dormir droit comme un piquet, même pour un type fait de roche. Déjà que dormir sur une branche me parait compliqué, alors debout, c'est juste pas possible pour moi. Voyant qu'il ne se formalise pas d'une couche si rudimentaire, j'obtempère et gravis son bras tendu pour me percher dans mon arbre. Je tourne et retourne comme un Jipinku avant de trouver mon aise et m'endors paisiblement après m'être soigneusement calfeutrée les oreilles avec la délicieuse écharpe de mon vampire.

Mon sommeil est mouvementé. C'est vraiment étrange, parce que j'ai conscience de rêver, que ce qui défile sous mes paupières n'est qu'une illusion, qu'une matérialisation de mon imagination. Alors pourquoi mon cœur bat-il si vite ? Si j'ai conscience que tout ceci n'est pas réel, pourquoi la peur m'assaille le ventre ?

J'observe la forteresse d'albâtre depuis le ciel, comme si je flottais dans les airs. Ou comme si je n'étais pas vraiment là. En bas, les murailles blanches, immaculées encerclent sans emprisonner les jardins fleuris de la Garde d'Eel. Je vois la fontaine qui s'écoule dans le calme du lieu et la tour, immense et majestueuse. Pourtant cette quiétude n'est que façade. Dans l'Allée des Arches, des Obsidiens, reconnaissables à leurs lourdes armures de batailles, s'agglutinent arme à la main devant les portes massives et fermées que garde d'ordinaire Jamon.

[Eldarya] Le Secret des MoraïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant