33/ "On devrait pouvoir faire ça tous les jours"

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Je lance un regard assassin a l'adresse de Noam avant de rejoindre Avery, déjà affairée à récupérer la carte magnétique pour ouvrir la porte de la cellule de Kali. Cette dernière s'approche des barreaux, une ride de mécontentement barrant son front.

_ Mais enfin qu'est-ce que vous foutez ? Hurla-t-elle en plantant ses poings sur ses hanches. Le combat est dans une heure, il faut que je me prépare.

_ Pas de bol, je rétorque avec un sourire, changement de plan. On a décidé que tu mourrais un autre jour.

Un rictus furieux apparaît alors sur le visage de la jeune femme tandis qu'Avery lui ouvre enfin la porte. Mais Kali ne bouge pas.

_ Hors de question que je m'enfuis. Je ne suis pas lâche. Je n'ai pas peur d'affronter mon destin.

_ Bla bla bla, je me moque en lui faisant signe d'avancer. On verra plus tard pour tout tes trucs d'honneur, pour l'instant on y va. Si tu ne veux pas nous suivre, ta charmante maman va supprimer toutes les fouines, moi y compris. Alors t'es gentille, mais la tout de suite, j'ai pas spécialement envie de mourir.

Kali finit par céder à ma demande et sors lentement de sa cellule. Noam lui balance alors un sac à dos à la figure que la jeune femme rattrape sans aucun mal avant de le caler sur ses épaules.

_ Il faut qu'on retrouve Nyco maintenant, je lance en me retournant vers Avery.

_ Il doit être retenu en bas. Ça va être plus compliqué, mais...

Mon amie s'immobilise au milieu de sa phrase et fixe ses yeux derrière mon épaule. Instinctivement, je suis son regard, craignant pendant un instant que l'on se soit fait repéré par les hommes de Gabryel. Mais lorsque je vois, a l'autre bout du couloir, les grosses bottes imposantes et le briquet métallique de la dernière fouine, ma mâchoire se décroche littéralement : Nyco se tient la devant nous, une pomme à la main, son pouce roulant sur le zippo. En nous voyant il hausse les sourcils avant de croquer dans le fruit.

_ Bah qu'est-ce que vous faites la ? Demande-t-il en désignant tour à tour Kali et le garde endormi.

Derrière moi, j'entends la Terrienne ricaner. Je l'ignore et fait un pas en avant :

_ Mais comment tu as fait pour t'échapper ?

Nyco lève les épaules négligemment avant de jeter son trognon sur le sol et de nous rejoindre à grandes enjambées.

_ Y'a aucune porte qui me résiste, petit oiseau. Bon, maintenant on s'casse ? C'est pas que je m'ennuie, mais... Voilà quoi.

Si je reste ahurie et plantée sur mes pieds, les autres ne tardent pas trop à rire et entamer notre sortie. Avery sort de son sac un chalumeau qu'elle lance au nouveau venu avant de lui désigner d'un coup de menton le mur légèrement en pente de la Tour Eiffel.

_ Éclate toi, souffle Avery avec un demi sourire fiché sur son visage de poupée de porcelaine.

Il ne lui en faut pas plus pour s'exécuter. J'ai l'impression de voir un enfant le jour de Noel quand il découvre la pile de cadeaux sous l'étoile du berger. Je ne sais pas d'ailleurs si leur moment préféré est la découverte ou la chasse au trésor dans la maison pour trouver et suivre l'étoile du berger, généralement matérialisée par une lampe achetée par les parents. Je reconnais que ces souvenirs sont pour moi une vraie source de joie maintenant que je suis enfermée en enfer.

Nyco, les yeux pétillants de malices, enfile ses lunettes de soudeur et se met à incendier le mur. Ce dernier se met rapidement à rougeoyer et crisser. Il ne va pas tarder à s'ouvrir. Pendant ce temps, nous nous employer à attacher nos harnais, afin de descendre en rappel la Tour : une véritable folie, surtout avec mon récent vertige, mais apparement nous n'avons aucun autre choix pour nous faire la malle.

Mes mains tremblent, secouée par l'angoisse et l'inquiétude de la perspective de me jeter dans le vide. Je suis complètement morte de peur et je n'arrive à rien. Tandis que je commence à m'énerver sans parvenir à faire un noeud pourtant simple, des doigts aguerris viennent à ma rescousse. Je lève le nez pour tomber sur les prunelles noires de Kali, exprimant à la fois de la moquerie et de l'exaspération. Malgré cela, elle ne dit rien et se contente de m'attacher solidement.

_ Après tout, tu m'as bien dit que ça ne te tentait pas plus que ça de mourir maintenant, grommelle-t-elle entre ses dents.

J'opine doucement du chef en la regardant faire sans pour autant oser dire quoi que ce soit. Je sens ses bras s'enrouler autour de ma taille, puis remonter sur mon ventre avant de s'attarder sur mes cuisses. Malgré moi je frissonne à son contact. En redressant la tête, je croise le regard sans expression de Noam qui est rivé sur moi.

Un crissement plus aigu retentit et je suis obligée de me boucher les oreilles et de faire un saut en arrière pour éviter les étincelles provoquées par le pyromane. L'acier cède finalement et Nyco se retourne vers nous, le visage en sueur, avant d'ôter ses lunettes à gros foyer rouge. Un large sourire éclaire alors son visage émacié quand un bout du mur se détache et tombe à ses pieds.

_ On devrait pouvoir faire ça tous les jours, dit-il avant de s'équiper de son harnais.

Venant de lui, le contraire m'aurait étonné. Je m'approche lentement de l'ouverture et déglutis en constatant que c'est encore plus haut que ce que j'imaginais. Je sens une main se poser sur mon épaule et sursaute comme un chat apeuré.

_ Tout va bien se passer, me susurre Avery. On a déjà fait bien pire sur Eden !

_ Pas que je me souvienne, je rétorque, dubitative.

_ Ah non ? Et bien il faut une première fois à tout ! C'est partit ! Kali accroche le mousqueton aux barreaux.

Mon amie lança en direction de la criminelle le cable supposé nous retenir et guider notre descente. Avery se dirige ensuite vers le trou béant et balance le tout dans le vide. Elle y accroche ensuite son équipement avant de se tourner vers nous.

_ Quand faut y aller...

Je retiens un hoquet de surprise quand je la vois se jeter littéralement dans le vide. Nyco est le deuxième à se lancer, puis Kali.

Ne reste plus que Noam et moi. Je suis terrifiée et il le sait.

_ Ne t'inquiète pas, les autres seront là pour te rattraper, et je tiendrais le cable jusqu'à ce que tu sois arrivée en bas.

J'opine timidement du chef, puis me met en position. Avec un dernier coup d'œil pour le vide sidéral derrière moi, je me dis que cela n'aurait peut être pas été une si mauvaise idée ce combat après tout.

Noam accroche mon harnais au cable alors que je n'attend qu'une chose : m'agripper à lui comme l'aurait fait un koala a un arbre. Je me retiens toutefois. C'était mon plan, à moi de l'assumer.

_ Prête ? Me demande-t-il en plantant ses grands yeux bleus dans les miens.

Bien sûr je ne dis pas non... En réalité, je n'ai le temps de rien dire : des gardes de Gabryel surgissent des escaliers, s'immobilisent un instant en nous voyant, puis dégainent leurs mitraillettes. Nous sommes complètement à découvert et sans défenses, s'ils tirent, Noam et moi sommes foutus.

Avant que je ne puisse réaliser quoi que ce soit, la main du criminel s'écrase sur ma clavicule. Contrainte pas la poussée de ses muscles, je tombe dans le vide, non sans avoir le temps de voir nos agresseurs ouvrir le feu.

OmegaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant