39/ "Tout est de ma faute"

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5 ans plus tôt

Un sourire se peignit sur son visage d'ange, tandis que je demeurais invariablement qmuette, la bouche grande ouverte, plantée au milieu du carnage qui régnait dans le laboratoire de mon père. Nathanael fit un pas vers moi avant de passer une main dans ses cheveux blonds.

_ Votre visage me dit quelque chose... Oui, vous êtes une Espinay n'est ce pas ? Je reconnaîtrai ces pommettes entre milles !

Sa réflexion eu sur moi l'effet d'un décontractant musculaire. Je retrouvai enfin l'usage de la parole, et ma langue de vipère par la même occasion :

_ Laissez-moi deviner, je lançais en oubliant complètement son rang dans la hiérarchie social, comparable à celle d'un roi, vous avez connu ma mère. Vous admiriez sa gentillesse, sa délicatesse, sa grande bonté et surtout son intelligence scientifique... Bah apprenez que je lui ressemble pas du tout.

Un rire sibyllin s'échappa alors du jeune homme tandis qu'il baissait ses grands yeux bleus vers ses pieds.

_ Je vois, vous tenez probablement plus de votre père...

_ Non plus, je rétorquais abruptement en sentant la colère monter. Vous êtes en charge du département des sciences, non ? Comment un tel accident a-t-il pu se produire ? Il n'y a aucune mesure de sécurité ou quoi ?

Face à mon énervement, il demeura calme, hocha plusieurs fois la tête pour se montrer compatissant, et vint à ma rencontre quand je fondis en larmes. Il enroula ses bras autours de mes épaules tout en m'enjoignant de laisser exploser mon chagrin. Il n'était pas non plus difficile à déduire qu'après le choc de l'accident de papa, je n'avais pas eu le temps de réaliser. Jusqu'à présent. La peur de perdre un autre Parent me tenaillais le ventre, tant et si bien qu'elle m'avait fait détaler, comme une gamine qui a la trouille. Ce n'étais pas pour comprendre que j'étais venue me réfugier dans son laboratoire, mais bien pour fuir. Fuir l'hôpital qui hantait encore mes souvenirs et mes cauchemars.

Quand j'eu vidé mon sac, Nathanael s'écarta légèrement et me tendit un mouchoir en tissu, brodé des armoiries de sa famille.

_ En réalité, murmura-t-il d'une voix douce, je n'ai jamais connu votre mère. J'ai beaucoup entendu parlé d'elle, notamment par votre père mais surtout par votre soeur. C'est moi qui ai embauché Raven dans notre département. Elle est promise à un avenir brillant, probablement l'un des plus grands cerveaux de notre siècle...

Après ces mots, un silence de mort s'installa, uniquement rompu par mes reniflements peu élégants. Je pris soudain conscience de l'état dans lequel je me trouvai et face à qui je venais d'éclater en sanglots. Nathanael était probablement la personnalité la plus influente d'Eden, la plus connue et la plus respectée et l'être le plus intelligent. Apparement il était aussi bienveillant, modeste et doux. Sans parler de son charme ravageur : une sorte d'être parfait.

Je le déteste, je grommelai jalousement dans mon fort intérieur en serrant son mouchoir dans mon petit poing. Ce ne serait certainement pas lui qui gâcherai son avenir dans une carrière politique, traînerai avec des futurs délinquants, ferai le mur et ramènerai des bulletins scolaires minables à son père.

_ Je suis désolée de vous avoir crié dessus...

_ C'est normal, répondit-il avec un léger sourire, vous êtes sous le choc. Vous ne seriez pas humaine si vous ne craquiez pas. Comme vous, j'essaye de comprendre ce qui a bien pu se passer pour qu'un tel accident se produise. Savez vous sur quoi travaillait votre père ?

_ Le noyau d'Eden, l'orbe bleu, je répondis en fronçant les sourcils. C'est ce qui permet à toute notre technologie de fonctionner, n'est-ce pas ?

Il opina rapidement du chef avant de froncer les sourcils et de balayer la salle du regard. Il était probablement en quête d'un indice. Sans grand succès visiblement.

_ Je devrai peut être rejoindre ma famille, je murmurai une fois mes soubresauts calmés.

Nathanael posa une main sur la mienne et la pressa, comme pour m'insuffler un peu de son courage. Étrangement, cette opération fonctionna, je me sentais requinquée, prête à affronter à nouveau ce dédale de couloirs froids, d'un bleu uniforme, qui peuplaient l'aile de l'hôpital.

Alors que j'arrivais sur le seuil de la porte, le scientifique m'interpella une dernière fois :

_ Si tu as besoin de parler n'hésite pas. Et prend mon pass, comme ça les Gardiens te laisseront tranquille.

Après l'avoir chaleureusement remercié, je retournai dans le grand hall bardé de colonnes anciennes du Congrès. Cette fois, et malgré leur lourdeur, mes pieds me conduisirent au bon endroit.

Si le chemin était flou, l'arrivée fut claire comme de l'eau de roche dans mon esprit : l'image d'une famille réunie. Raven tenait la main de papa, allongé sur son lit, pendant que Jay se pelotonnait contre son torse.

Quand il m'aperçu, mon père se redressa. Un sourire timide apparu sur ses lèvres, et son bras se tendis vers moi pour m'accueillir. J'acceptais sa proposition sans plus de cérémonie.

_ Qu'est-ce qui s'est passé ? Je demandai, perplexe. J'ai vu ton labo, on dirait qu'il a littéralement explosé...p

En constatant les coupures sur ses bras, la brûlure de son visage et l'hématome de son œil, je ne mis pas longtemps à comprendre que j'avais visé juste.

_ Raven ? Interrogea-t-il. Tu peux emmener ton frère grignoter quelque chose s'il te plait.

Sans relever le sous-entendu ma soeur entraîna Jay hors de la chambre pour nous laisser seuls. Tandis que je rapprochais le fauteuil pour entendre ses propos, mon père commença maladroitement :

_ C'est compliqué ma chérie. J'ai fait une erreur dans mes calculs, tout est de ma faute.

_ Vraiment ? Ce serait bien la première fois pourtant...

_ Oui mais c'est ce qui s'est passé. Le labo a effectivement explosé... Par ma faute. Mais le problème n'est pas là. Les médecins ont vu que l'accident a eu des répercutions très graves sur mon organisme. Un éclat de verre s'est logé dans ma poitrine et se dirige vers mon coeur. Ils vont rapidement m'opérer.

J'hochai la tête en déglutissant péniblement. Je faisais tout mon possible pour garder mon calme et ne surtout pas fondre à nouveau en larmes. Il fallait que je me montre forte.

_ Mais ça ne devrait pas être difficile, on va te guérir !

_ Ils ont dit que c'était une chirurgie risquée mais faisable. En revanche, j'ai été exposé à d'importantes radiations, qui elles, sont plus dangereuses...

_ Quoi ? Mais enfin comment est-ce possible ? Depuis notre départ de la Terre, il n'y a plus ce genre de problème.

_ Ma chérie, il faut que je te parle de quelque chose. Tu es suffisamment grande maintenant. Ferme la porte, je te prie.

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