13/ "Reste toujours sur la rive droite. Toujours"

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Myrah ne m'avait pas laissé le choix. J'avais donc accepté un marché qui était autrement plus risqué que de simplement essayer de survivre sur Terre. Les fouines de Passy pouvaient me démasquer, je pouvais échouer et subir les foudres de mes anciens ravisseurs, ou initialement, ne même pas parvenir à intégrer leur bande. D'après ce que j'avais pu comprendre, elle était restreinte. Goliath avait affirmé qu'ils étaient six, mais Myrah avait préféré ne pas confirmer les dires de son gorille. Selon elle, lors de leurs affrontements, ils pouvaient très bien être plus nombreux.

J'évite une branche d'arbre épineuse qui me fonce littéralement dessus avant de continuer à arpenter les couloirs sinueux et laissés à l'abandon de Paris. L'endroit est complètement vide. La seule lumière qui éclaire mon chemin est celle, blafarde, de la lune. Je frissonne, non seulement à cause du froid, mais également à cause de l'inquiétude qui me tenaille. Mes yeux, grands ouverts, balayent frénétiquement les alentours à la recherche d'un ennemi potentiel. Lorsque j'entends le hululement d'une chouette au loin, je ne peux contenir un sursaut. Mon coeur bat à tout rompre contre ma poitrine.

J'ai quitté la cage depuis seulement quelques heures et je me suis déjà fourrée dans un pétrin tout nouveau. Je n'ai aucune idée de la marche à suivre, ni de comment trouver les fouines de Passy. Les seules informations que j'ai pu recevoir de Myrah était de longer la Seine et de continuer vers l'Ouest jusqu'à atteindre une colline. Rien de plus facile ! Il suffirait seulement que je ne me perde pas, que je ne fasse aucune mauvaise rencontre et que je ne sois pas avalée toute crue par un prédateur inconnu.

_ Dors dans les arbres pour échapper aux animaux sauvages, avait dit Leho, et ne fais jamais de feu pour ne pas te faire repérer par les factions ennemies.

_ Et surtout, avait ajouté la chef de meute, reste toujours sur la rive droite. Toujours.

Le ton employé m'avais glacé le sang, si bien que je n'avais même pas osé demander pourquoi. Quelle importance ? Un danger était un danger, tout ce qu'il fallait faire c'était soigneusement l'éviter, garder une bonne distance avec le Trocadéro. Dès que j'apercevrai les ruines du pont d'Iéna, unique vestige de cette place recouverte de végétaux.

Tout en restant au couvert des arbres, je garde une oreille attentive. Les prisonniers de la Terre ne s'éloignaient pas tant que cela de la pyramide d'Omicron d'après Leho. La presque totalité avait échoué dans les décombres de la capitale, s'installant où il était possible de le faire. Quelque uns s'étaient risqués à s'éloigner, mais n'étaient jamais revenus. De quoi rassurer. Mes nouveaux camarades sont donc tous rassemblés autour de moi, et même si on m'a déjà dépouillé de mes effets personnels, je crains que cela ne les empêchent pas de venir se jeter sur moi.

La nuit est bien avancée, et j'aimerai avoir au moins quelques heures de sommeil avant le lever du jour. De toute façon, mes muscles me font tellement souffrir que je ne réussirai pas à faire un pas de plus. Je prends alors l'hologramme d'Omicron que Myrah m'a restitué, et après avoir coupé le son, je m'empare d'une corde. Mon regard se pose ensuite sur un arbre, au tronc suffisamment large pour me soutenir, et je grimpe assez haut pour être hors de portée. Une fois en place, je noue la corde autours de ma taille, puis à la branche avant d'étendre mes jambes.

Perchée de la sorte, j'ai pour la première fois l'impression d'être en sécurité. Un coup d'œil vers le sol me fait pourtant douter de cela. Si je tombe, c'est le cou du lapin assuré ! En prenant une profonde inspiration, je me remets droite et fixe les pointes vertes du pin auquel je suis attachée. Je ne sais pas si je trouverai le sommeil, mais au moins je peux enfin me reposer. Pour la première fois depuis vingt quatre heures, je peux soufflera rassembler mes idées, envisager un plan pour la prochaine étape.

Malgré mon envie de prévoir mon futur, c'est le passé qui me rattrape. Devant moi s'écarquillent à nouveau les prunelles vertes de Raven, effarée et confuse. Il y a du sang partout, mes doigts en sont maculés. J'ai la respiration haletante en tâtant le corps désormais froid, allongé sur le sol du laboratoire. Une odeur de désinfectant me brûle les narines, tandis qu'un bip continu harcèle mes tympans. Mes yeux s'embuent de larmes, puis une goutte glisse et file s'écraser entre les trois trous béant qui lui ont retiré la vie.

_ Swan, avait soufflé ma soeur en faisant un pas vers moi, mais qu'est-ce que tu as fait.

Je me souviens que je n'avais rien pu répondre, ma gorge était comme bloquée. Je n'avais pas prononcé un mot jusqu'à l'arrivée des Gardiens Bleus, les protecteurs d'Eden. Ils m'avaient embarqués sur les champ et je n'avait jamais recouvert la liberté depuis. Trois mois s'étaient écoulés, qui paraissaient être une éternité. Trois mois durant lesquels Raven n'était jamais venue me voir. Peut-être avait-elle été trop choquée par la scène ? Quoi qu'il en soit, je ne lui pardonnerai jamais. Elle m'avait abandonné, elle a qui je faisait tant confiance, elle qui prétendait m'aimer envers et contre tout.

Un cri perçant résonne soudain au loin. Je me redresse, inquiète et tend l'oreille. Bientôt, ce hurlement est suivis par des bruits de foule. Je décide alors de me détacher et de bondir hors de ma cachette, poussée par la curiosité. En faisant quelque pas, mais tout en restant à couvert, j'aperçois la lumière d'un feu de camp. Accroupie derrière un buisson j'aperçois les contours du pont tant redouté par Myrah. Dessus, un groupe se masse en rond. Je comprends rapidement qu'ils acclament quelqu'un.

_ Met la en pièce ! Beugle un homme de dos en levant son poing en l'air.

_ Vas y ! Ces fouines n'ont que ce qu'elles méritent ! S'exclame un autre.

Ce nom me fait tiquer. Je prends alors de la hauteur pour distinguer ce qui se passe et escalade un arbre. Mes fugues à répétition sur Eden m'ont offert un bon entraînement. J'ai alors une vue plongeante sur une arène de fortune dans laquelle se livrent un combat sans merci deux concurrents. L'un est un jeune garçon à la tignasse blonde, loin d'être menaçant, et l'autre, une fille affublée d'une tenue de baroudeur. Elle a noué ses cheveux noirs en nattes serrées sur son crâne, qui retombent en cascade dans son dos. Un couteau à la main, elle semble dominer la rencontre. Son adversaire, a l'aspect frêle, paraît effrayé, même de là où je me trouve.

Avec une parade aussi vive que l'éclair, la fille désarme son concurrent et le fait tomber à terre, le menaçant de la pointe de sa lame. Puis, elle lève les yeux sur les spectateurs et sourit :

_ Les fouines t'emmerdent et te demande de payer ta dette Tarek.

OmegaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant