29/ "J'aurais préféré qu'on ne se revoit jamais"

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Elle va mourir. Kali va mourir, et tout cela à cause d'une rivalité entre deux chefs de clan. Une stupidité. Gabryel est prête à sacrifier sa fille pour montrer qu'elle a raison, un pari bien trop dangereux à mon goût. Je jette un coup d'œil en direction de la condamnée mais celle-ci ne laisse rien transparaître. Seuls ses poings sont crispés. La reine de Paris fait signe à ses hommes d'emmener Kali et Goliath pour se préparer au combat à venir avant de se tourner vers nous, les oubliés. Nyco regarde son amie partir sans sourciller un seul instant.

_ Surveillez-les bien jusqu'à demain, déclare Gabryel d'un ton froid et détaché.

Comme elle s'apprête à partir, Avery l'arrête en allant chuchoter quelque chose à son oreille. La commandante hausse un sourcil, me regarde avant de retourner à sa protégée. Celle-ci laisse apparaître un large sourire. Puis, Gabryel acquiesce et s'en va.

La rousse descend de son podium et s'approche de moi. Malgré les années, elle n'a pas changée. Elle est peut-être un peu plus bronzée qu'à l'ordinaire, mais toujours aussi belle et aussi gracieuse.

_ Viens avec moi, me dit-elle de sa voix chantante.

Je me redresse donc et échange un rapide coup d'œil avec le pyromane. Je n'ai pas vraiment envie de le laisser seul, mais Avery ne me laisse pas vraiment le choix. Après tout il est avec Leho, et même s'il n'est plus aussi intègre que lorsqu'il était sur Eden, je sais que je peux lui faire confiance pour veiller à ce qu'il ne lui arrive rien. Après tout, il a bien essayé par tous les moyens de me protéger depuis mon débarquement sur Terre.

J'emboite donc le pas de mon ancienne rivale, qui, comme j'ai pu le constater plus tôt, a fait mine de ne connaître Leho ni d'Eve ni d'Adam. Et pourtant, ils avaient été aussi proches que mon frère et moi à une époque.

Nous quittons la grande salle pour emprunter un autre couloir semblable au premier, mais avec différentes œuvres d'art qui avaient autrefois appartenues a l'Etat français. Je reconnais le tableau du sacre de Napoléon et m'amuse de cette ironie. Lui qui avait été considéré comme un dictateur par les autres puissances, il reposait à présent entre les mains d'un être plus froid et manipulateur encore.

Même si nous ne disons rien, la tension entre Avery et moi est palpable et je fais tout mon possible pour me contenir tant que nous ne serons pas seules. Si elle a tenu à tenir notre relation secrète, il devait bien avoir une raison à cela. Elle m'entraîne dans une galerie qui donne une vue plongeante sur la rive gauche Parisienne, puis entre dans une petite salle qui semble être une chambre coquette. La connaissant, il s'agit sûrement de la sienne. Elle ferme doucement la porte derrière nous avant de se retourner et de me faire face. Mon coeur tambourine contre ma poitrine. Je ne peux me contenir plus longtemps. Elle ouvre les bras et je fond sur elle pour l'enlacer. Elle m'a tellement manqué. J'ai du mal à retenir les larmes qui menacent de couler sur mes joues, couvertes de sang séché du à mes coupures.

_ J'espérais tellement te revoir en arrivant ici, je murmure à son oreille. Je suis heureuse que tu ailles bien.

_ Je ne peux malheureusement pas te rendre la faveur, rit-elle en essuyant du revers de son pouce une goutte sur mon menton. J'aurais préféré qu'on ne se revoit jamais. Que tu restes sur Eden. Que s'est-il passé ?

Je recule légèrement et essuie les larmes qui on couler sur mon visage. Les mots meurent sur mes lèvres avant même d'avoir eu le temps de les prononcer. Malgré notre complicité, je ne peux tout simplement pas lui raconter la nuit du meurtre. J'ai bien trop peur qu'elle me regarde différemment une fois au courant, qu'elle doute de moi quand j'ai tant besoin de son soutient.

_ Je n'arrivais plus à me passer de toi, je répond en riant et pleurant à moitié.

Elle esquisse une moue compréhensive et m'attire a nouveau contre elle. Je n'arrive pas à croire que j'ai réussi à survivre deux ans sans sa présence, j'ai l'impression que cela fait une éternité depuis son arrestation. Quant à la mienne, j'ai la sensation que c'était hier.

_ Je ne te savais pas aussi féroce, plaisante-t-elle en désignant le symbole Oméga sur mon cou. J'espère que c'est cette saleté de Louise Brimont que tu as égorgé !

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Avery avait toujours su me remonter le moral. Elle savait exactement comment me consoler, me rebooster, et même me démonter à une époque. Mais c'était le passé. A présent, elle est et restera toujours mon amie la plus dévouée, celle qui connaît la moindre facette de ma personnalité.

_ Tout ce que je peux te dire, c'est que je n'ai tué personne...

_ Je te crois, murmura-t-elle en hochant lentement la tête. Et si je veux que tu reste aussi blanche que la neige, il faut que je te fasse sortir d'ici au plus vite.

A peine ai-je le temps de froncer les sourcils qu'elle fait signe à quelqu'un derrière moi. Je me retourner et retient un hoquet de stupeur en apercevant Noam dans la pénombre. Depuis combien de temps est-il la ?

_ Il est venu dès qu'il a vu votre capture, explique Avery en répondant à ma question silencieuse. Gabryel savait que sa fille avait été capturée et connaissait parfaitement les plans de Myrah. On ne la dupe pas aussi facilement. Noam va vous emmener, toi et Nyco, loin d'ici et vous mettre en sécurité. Je me charge de Leho.

Tandis que le tueur en série fait un pas vers moi, je recule.

_ Non, je ne veux pas laisser Kali.

_ Tu n'as pas le choix, grogne-t-il entre ses dents. Je ne sais pas pourquoi elle s'est attachée à toi, mais désormais la tâche m'incombe de te protéger, alors on s'en va d'ici, maintenant.

_ Elle va mourir si on la laisse, je proteste en hurlant presque. Jamais elle ne parviendra à vaincre Goliath !

_ Qui ? Reprend Avery.

Je secoue la tête et me corrige :

_ Portos si vous préférez. Je savais pas son nom alors je l'ai appelé comme ça.

Noam secoue négativement la tête, l'air désespéré, avant de croiser ses bras musclés sur son torse. Avery quant à elle se retient de pouffer. Je sais que ce genre de surnom la fait rire, mais je n'ai pas franchement la tête à cela en ce moment. Toutefois, je campe sur mes positions et plante mes talons dans le sol.

_ Je ne partirai pas sans Kali.

_ Encore plus butée qu'un âne, grommelle Noam entre ses dents.

_ C'est bon ? Je riposte violemment. T'as finis de m'appeler par tous les noms d'animaux que tu connais ? De toute façon ça changera rien, ma décision est prise. Je reste jusqu'au combat.

Durant une fraction de seconde, Noam et moi nous défions du regard. Sentant l'animosité qui règne entre nous, Avery s'interpose :

_ C'est inutile, il est impossible d'arrêter un procès. S'il y a bien une seule et unique chose que les prisonniers respectent ici, c'est ça. Sûrement leur manière à eux de protester contre l'injustice d'Eden. En tout cas tu n'arrivera pas à l'empêcher.

_ C'est ce qu'on verra.

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