Chapitre 6

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Dans la soirée du neuvième jour...


Tous les combattants du village étant encore en vadrouille, je fais une petite ronde dans les rues pour m'assurer que tout est en ordre. Des tentes ont été plantées par centaines le long de la route et dans les champs en friche pour héberger les rescapés. Cela change drastiquement le paysage à présent méconnaissables, mais savoir tout ce beau monde en vie est un vrai miracle. Ils dorment tous, aucun signe d'ennemi à l'horizon. Quand je reviens devant la maison, j'hésite, je n'ai pas encore très sommeil. Je jette un coup d'œil à l'escalier qui monte toute la colline et m'autorise une folie. Je dois m'arrêter trois fois avant d'arriver au sommet. De là je me tourne vers le village pour l'admirer. La sensation d'être la gardienne de ce petit paradis perdu loin de tout m'empli de fierté. Puis je lève le nez vers les étoiles. Pas un nuage ne vient gâcher leur éclat.

- Excusez-moi...

Je sursaute et baisse vivement la tête vers mon visiteur. Un jeune homme – d'à peu près mon âge – termine de monter l'escalier. Ses cheveux foncés mi-long sont retenus par un lacet dans sa nuque, son kimono est déchiré à plusieurs endroits. Un pendentif dépasse d'entre les pans de son col mal serré. Je le reconnais pour l'avoir aidé à obtenir un boulot chez le maréchal ferrant. Il est étrangement jovial pour quelqu'un qui a tout perdu il y a peu. Le plus étrange encore est que je ne l'ai pas senti approcher avant qu'il ne m'adresse la parole.

- Un problème ? lui demandé-je pour masqué mes soupçon derrière de l'inquiétude.

- Oh non ! Je n'arrivais pas à dormir. Après tout ce qui s'est passé ces derniers jours...

Il escalade les dernières marches et vient se poster à côté de moi. Nous nous faisons face.

- Je comprends.

- Votre maison a pris feu quand vous étiez à l'intérieur ? me demande-t-il en indiquant mes bandages et ma canne du menton.

Ca sonne plus comme du sarcasme que comme une réelle question.

- Non, j'étais au cœur du brasier lors de l'attaque du château.

Je sais que je ne mâche pas mes mots et que c'est peu convenable face à un rescapé, mais quelque chose chez lui me dérange. Et je n'arrive pas à définir quoi, ce qui m'agace encore plus.

- Vous avez de la chance de vous en être sortie alors.

Je parierais mon plus beau kimono que son sourire est factice. Soudain, son visage devient sérieux et il me fixe de ses yeux d'un brun écorce.

- Je vous ai vue en faisant ma promenade et je me suis dit que je devrais vous remercier. Je ne vous ai pas suffisamment montré ma gratitude après tout ce que vous avez fait pour moi.

Je hoche la tête, un peu touchée par son geste.

- Je vous en prie, c'est tout naturel d'aider son prochain, surtout dans des moments aussi atroces.

Je tente de sourire franchement mais pour une raison que j'ignore, la timidité me prend les tripes. En le regardant plus attentivement, je dois avouer qu'il n'est pas mal. Plus « mignon » que « bel homme ». Il a encore des traits d'enfants, sous certains aspects.

- C'est Rin votre prénom, si je me souviens bien ?

- Oui c'est cela. Et vous c'est... ?

- Gakuren.

- Excusez-moi Gakuren, on a beaucoup de nouveaux noms et visages à retenir alors...

Rin no monogatariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant