Ce fut sa colocataire qui la réveilla. Le regard ensommeillé, les cheveux en bataille, l'adolescente lui secoua l'épaule en baillant et se pencha pour ouvrir les volets. Nina se redressa aussitôt, grimaçant face aux pâles rayons de soleil qui traversaient les lambeaux de nuit. Il devait être aux alentours de six heures du matin puisque l'aube pointait seulement le bout de son nez.
Sa colocataire ne lui prêta pas plus d'attention, emprunta la salle de bain une bonne demi-heure laissant Nina reprendre ses esprits et fulminer en silence. Elle en profita pour regrouper ses affaires en vrac dans sa vieille valise rose, frappa à la porte de la salle de bain et se recoucha en lisant un magazine. Son ventre gronda légèrement. Elle se demanda si cette fille était déjà scolarisée au Manoir, et réalisa qu'elles ne s'étaient pas adressées la parole depuis la veille.
Soudain, la porte s'ouvrit et la surveillante Mc Cullough fit irruption dans la petite chambre avant de s'écrier, lunettes de travers sur son nez en trompette :
- Rendez vous dans le hall d'ici vingt-deux minutes, dépêchez-vous.
Nina repoussa sa couette rêche et se leva, encore en chemise de nuit blanche. Mc Cullough lui jeta un coup d'œil froid, agacé, et repartit en claquant la porte. Le courant d'air claqua les jambes nues de Nina, qui décida d'aller frapper à la porte de la salle de bains. Sa colocataire du jour ouvrit d'un air mécontent, lui adressa un regard noir, puis fila vers son sac marin.
- Selon le programme, nous prendrons le petit déjeuner à l'internat, déclara-t-elle sans plus de cérémonie.
- Super, cria ironiquement Nina en fermant la porte coulissante.
Elle saisit sa trousse de toilette dans son petit sac de voyage et fila sous la douche. Elle se débattit avec le robinet d'eau chaude réfractaire à toute manipulation de sa part, batailla avec la pomme de douche fêlée, et arriva enfin à se shampouiner maladroitement les cheveux dans l'étroit espace blanc cassé.
Les cheveux humides emballés dans une serviette crasseuse, Nina réussit à trouver un coin du miroir qui n'était pas englouti sous une couche de poussière et songea avec dépit au manoir qui l'attendait. Elle se maquilla à la va-vite, et enfila l'uniforme réglementaire du manoir. Elle ausculta la glace qui lui renvoya l'image d'une folle mal à l'aise, engoncée de sa robe bordeau plissée aux genoux surmontée d'un pull blanc estampillé d'un blason au niveau de l'épaule. Nina enfila rapidement ses rangers noires, et quitta la pièce.
Sa colocataire patientait, les pieds posés sur les draps, sac clos au pied du lit. Nina regagna sa propre valise, la ferma en secouant la glissière d'un mouvement sec, puis enfila un blaser bordeau lui aussi placardé d'un large M dans le dos.
Un noeud épais commençait à lui tordre douloureusement l'estomac, elle le ravala et releva le menton.
- On y va ? dit Nina.
Sa voix vacillait un peu trop à son goût. Elle se racla maladroitement la gorge, le coeur au bord des lèvres.
- Si tu veux, répliqua la blonde dans un haussement d'épaule.
Elle quittèrent la chambre sans un regard en arrière et gagnèrent le hall où patientaient déjà quelques étudiants agglutinés autour de la machine à café fumante. Nina repéra vite les novices dans son genre : hagards, visage mal assuré, ils détonnaient face aux groupes de jeunes qui riaient à l'autre bout de la salle. Mc Cullough faisait déjà l'appel, le nez collé à sa liste. Puis, toute la troupe grimpa dans le bus couleur crème. Nina réserva une place solitaire au centre du bus, enfonça des écouteurs dans ses oreilles et sortit un sachet de bonbons acides. L'autocar s'élança sur l'asphalte humide dans un soubresaut.
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NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)
WerewolfDu jour au lendemain, sans explications, Nina se voit contrainte de quitter sa vie luxueuse de Bostonienne contre un pensionnat du fond des états-unis. Mais bientôt, une menace prophétique pèse sur sa vie, et un monde nouveau s'offre à elle. Entre a...