Bienvenue au Manoir.

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Des yeux jaunes. Un cri.

Nina fut réveillée en sursaut par un affreux cauchemar où elle apercevait dans la nuit deux yeux jaunes, brillants et agressifs. Une rangée de dents blanches scintillait au milieu d'un caveau.

Elle se redressa en sueur dans sa chemise de nuit, et mit un instant à vérifier qu'elle était bien chez elle.

Manque de chance, elle n'y était pas.

Nina alluma la lumière de chevet pour ne pas réveiller sa colocataire et comprit aussitôt qu'elle n'était plus dans sa chambre mais dans un hôtel au cœur d'un petit village perdu. Dans une petite ville dont elle avait déjà perdu le nom tant il était difficile à retenir. Elle balaya de ses yeux encore ensommeillés la chambre : exigüe, sans grand prestige, meublée de deux lits de quatre-vingt-dix, deux tables de chevets, une salle de bain et d'une chaise trouée, des rideaux qui laissaient filtrer les rayons lunaires et un parquet mal récuré qui grinçait à chaque pas. L'hôtel rêvé.

Nina se rappela le voyage en bus, serrée contre une petite fille perdue qui avait pleuré durant tout le trajet, l'arrivée dans l'hôtel. Elle revit le hall dévasté avec pour toute consolation un petit bar auquel était accoudée une serveuse aux cheveux noirs épais dressés dans les airs par une bonne tonne de gel.

« Surtout, ne vous perdez pas avant demain, avait recommandé Mrs Mc Cullough  d'un air pincé et strict en les balayant de son regard accusateur. Le premier que je vois hors de sa chambre en pleine nuit sera puni dès l'arrivée au manoir.»

Nina repensa à la manière dont ils avaient étés accueillis par une hôtesse désintéressée : chambres de deux miteuses, minuscules, à une salle de bain. Tout le contraire du luxe auquel Nina était habituée.

Elle habitait en effet dans une banlieue riche de Boston avec ses parents. Sa mère était avocate et largement payée au dessus de ce qu'elle valait, et son père un haut fonctionnaire d'Etat. Autant avouer que Nina les voyait une fois par mois, et pas toujours pour son anniversaire et Noël, mais qu'elle avait toujours ce qu'elle demandait sur un claquement de doigt.
Aussi, dormir dans un lit simple et dans des draps qui ne sentaient pas la lessive dénotait avec ses habitudes.

Nina retourna à la réalité et vérifia l'heure sur son réveil. 3h00. Il ne lui restait plus que trois heures avant le grand départ en direction de son nouveau foyer.

Nina tremblait de froid, et resserra sa couverture : regarder dormir sa colocataire de chambre, au souffle régulier caressant ses paupières closes, l'apaisa quelque peu, mais pas assez pour refouler l'appréhension qui lui tordait le ventre. Demain, ils allaient reprendre le bus pour aller rejoindre leur véritable pensionnat, et de ce que Nina avait pu en voir, ce n'était pas le grand luxe. Sur l'annonce, elle n'était même pas sure d'avoir vu une partie concernant l'accès wifi. Elle profita de cette maigre occasion où elle était libre pour se connecter aux réseaux sociaux, répondit à ses amies restées à Boston. Elle regretta de se trouver dans cette honteuse chambre d'hôtel lorsque son amie Chloé lui envoya un cliché d'une fête animée au coeur d'une piscine illuminée de spots multicolores.

Nina serra les dents en lisant le message acerbe de son éternelle concurrente.

Tu manques. Bonne rentrée. Peut-être que cette année j'aurai enfin une chance d'être reine du lycée.

Les yeux malgré tout humides, Nina éteignit l'appareil et le reposa sans bruit sur la couette dans la pénombre. Sa colocataire devait avoir un sacré sommeil de plomb pour ne pas se réveiller en l'entendant trafiquer depuis une bonne dizaine de minutes.

Anxieuse, la jeune fille se retourna vers sa valise à demi-défaite coincée dans un coin de la pièce, jeta un coup d'œil à la table de chevet où trônait une pile de magazines de mode qu'elle avait qualifié en partant « de survie ». Elle devait en avoir avec elle une bonne centaine, et elle tenait à chacun autant qu'à la prunelle de ses yeux.

Nina commença par vérifier sur le calendrier quand serait la prochaine fois qu'elle pourrait rentrer à la maison et maudit ses parents de l'avoir envoyée dans cet hôtel miteux sans états d'âme. Elle ne comprenait pas ce qui avait pu les brusquer ainsi, mais elle se rappella leurs regards froids, presque vides, lorsqu'elle était montée à l'arrière de la Mazda qui la conduirait jusqu'au point de rencontre des futurs élèves du manoir, où elle avait patienté seule avec une dizaine de jeunes en attendant le bus du départ.

Secouant la tête, la jeune lycéenne saisit la brochure qui montrait une photo du manoir où elle allait désormais faire ses études, et lut les informations pour la cinquantième fois de la journée, défroissant le papier déchiré, froissé et complètement inutile. Elle serra entre ses doigts longiligne le papier dépravé.

Internat accueillant, manoir ancien rénové. Plus de soixante salles de classes, cent soixante-quinze dortoirs de deux à trois personnes. Dortoirs non mixtes, par classes d'âge et niveau uniquement. L'internat accueille les élèves à partir de la classe de seconde, jusqu'aux formations supérieures spécialisées.
Vous trouverez le règlement ci-joint. Les horaires sont indiqués en bas de la page, les conditions d'accueil également. Pour plus de renseignement, contactez nous à l'adresse indiquée ci-dessous.

Nina frissona violemment, fit craquer le papier sous ses ongles et le déchira méthodiquement, brûlante de rage et d'appréhension. Elle n'avait jamais causé aucun ennui, jamais, et si ses parents n'avaient pas su se montrer aimants, ils n'auraient consenti à la laisser partir si loin dans un environnement inconnu. Elle avait beau tourner et retourner les derniers instants avant la décision fatidique de son père, elle ne comprenait pas à quel instant sa vie avait pris une tournure si détestable.

Et la voilà maintenant assise entre les draps douteux, la main sur la cuisse, le regard dans le vague, en train de regretter son train de vie serein.

Nina démêla machinalement ses cheveux d'un coup de main distrait et vérifia l'heure. 3h36. Si elle voulait ne pas avoir une tête d'enterrement demain pour sa rentrée au manoir, elle devait absolument se coucher maintenant. Elle tenait à faire bonne figure. Au moins ça.

Mais une fois la lumière de nouveau éteinte, Nina, les yeux fixés sur la fenêtre qui laissait passer les rayons de lune, se rendit compte qu'elle n'arrivait pas à dormir. L'idée de ne plus pouvoir compter sur son statut de privilégiée lui glaçait le sang. Elle frémissait à l'idée qu'on ne la regarde pas, elle tremblait à l'idée d'être exclue du cercle social. De ce qu'elle en savait, le manoir était un lieu d'étude très sélectif, et les étudiants inscrits l'étaient depuis leur début de troisième pour la plupart.

Nina sentit les larmes rouler en silence le long de ses joues, et sombra dans un sommeil agité en redoutant le départ du lendemain.

Bon, voilà la première partie du premier chapitre, mis en ligne à 9:31 tapantes. Est-ce que ça vous plaît ? Vous avez des commentaires ? Des remarques ?

Arrivez-vous à cerner le caractère de Nina ? Que va-t-il se passer, à votre avis ?

Bridget

Édito 01.02.19 : Je viens de relire et réécrire cette partie, le nom de la surveillante à été modifiée (Chasal se nommant à présent Mc Cullough) j'espère que ça ne vous perdra pas dans la suite de l'histoire ! 💕

NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant