NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)

Happy Party !

Le reste de l'après midi se déroula dans une sorte de quiétude hébétée pour Nina, pas encore remise du choc de la veille et se sa proximité troublante avec Ian quelques heures plus tôt. Une fois rentrée avec Kate dans leurs dortoirs, les deux filles échangèrent leurs impressions sur le village : Nina avait beaucoup plus à dire que Kate, qui vivait pratiquement ici.

- Ça ne te fait rien de ne pas revoir ta famille, même de temps en temps ? questionna Nina.

Elle-même éprouvait ce pincement au cœur caractéristique, surtout quand elle parvenait à recevoir les messages de ses amies restées à Boston. En particulier ceux de Chloé, qui prenait un malin plaisir à étaler sa nouvelle vie de reine du lycée, ce qui avait le don de faire rager Nina.

Même Gavin semblait déjà l'avoir oubliée, et Sophie également, ce qui lui minait le cœur. Son premier petit ami, son meilleur amie, sa meilleure amie ? Tous beaucoup trop occupés depuis trois jours déjà, coincés parmi leurs bals de charité et autres mises en scènes. Elle se vit les matins, sortant du bus avec son port de tête altier, son sac farouchement scotché à l'épaule, immédiatement accostée par ses amis et les personnes qui l'admiraient le plus. Elle avait été la référence, et maintenant elle se sentait comme forcée d'admettre que vivre ici avait tout de différent. Elle avait toujours cru que la vie réelle c'était une vie de roi, mais c'était plutôt difficultés, surprises et devenir autonome. Tout le contraire de comme elle imaginait sa vie. De plus, elle avait vraiment du mal à concevoir qu'elle était dans un Manoir coincé parmi les falaises rocheuses, en compagnie de centaines de loups-garous transformés ou potentiels. Et même si cela paraissait irréel, les cris de peine lune et les dents de Ian ne laissaient aucun doute. Une seule chose la titillait : même s'il avait conscience d'être le point de mire de dizaines et de dizaines de jeunes filles du Manoir, Mathys paraissait plutôt réservé, presque timide, ce qui ne collait pas à sa nature de prédateur, contrairement à Ian.

Nina rangea le reste de ses achats dans un sac en plastique et fourra le tout sous le lit sans prendre plus de précaution, le cœur serré et les pensées en vrac.

- Pas trop, répondit Kate, j'ai toujours vécu ici quasiment. Mes souvenirs d'enfance, c'est le dortoir à partager, la salle à manger bondée et les temps libres après les cours...

Kate s'assit sur le lit de Nina, pensive. La jeune fille cessa un instant de ranger ses achats et la fixa avec attention.

- Enfin... J'ai une idée ; et si tu me racontais comment c'est, une vie normale ? enfin, je veux pas dire que ce ne soit pas normal, ici, mais c'est... différent.

Tu ne crois pas si bien dire, songea piteusement Nina, une image des deux loups-garous s'imposant dans sa tête.

Cependant, elle se fit un réel plaisir à relater les menus détails de sa vie de tous les jours à Boston, le trajet jusqu'au lycée, les soirées entre copines à discuter des garçons... Kate l'écoutait, visiblement fascinée, et Nina la rejoignit sur le lit de plus en plus prise par son récit. Le jour brumeux déclinait au-dehors, épousant les contours de la colline escarpé sur laquelle se juchait le Manoir et ses gargouilles.

- C'était la belle vie, en somme, résuma Kate, un sourire amusé sur le visage.

Nina était toute rouge à l'évocation de ses passées tribulations, le sourire scotché aux lèvres. Ses dents blanches reflétaient le coucher de soleil.

- Si on veut, concéda Nina.

Elle en était presque certaine. Elle se leva pour aller se poster à la fenêtre et admirer les tons de pastels colorés, rouges roses et oranges qui peignaient le ciel sur les ombres montagneuses. Les immenses caillasses grisâtres prenaient enfin toute leur ampleur dans le décor surréaliste. Elle avait envie de sortir une toile, des pinceaux, et de retranscrire cette lumière sur le blanc immaculé. Elle se contenta de prendre une demi-douzaine de photos.