NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)

Le sauvetage

Suivi de la photo d'identité où il souriait de toutes ses dents. Même en photo, elle frissonna rien qu'en croisant son regard. Il semblait la sonder à travers le papier glacé mal collé.

Dicker, Dicker... ça lui disait quelque chose. Un souvenir lointain qu'elle ne parvenait pas à se remémorer. Elle y réfléchirait plus tard.

Elle poursuivit sa lecture rapide du document.

Né le : 10/01/1999

Profession : Lycéen (seconde)

Mathys passa tout le document en revue jusqu'à tomber sur une annotation griffonnée à la hâte au stylo plume dans la marge de la page « Autre Spécificités Médicales ».

Crise de Nerfs niveau élevé. Hospitalisé le 06/05/16 à l'hôpital St Peters d'Helena.

- C'est où, Helena ? demanda Nina en terminant sa lecture mouvementée.

- Pas très loin, en contrebas. C'est la « ville » la plus proche. Elle se situe à plus de 2 heures... en voiture.

- Quoi ? Comment on va faire ? s'inquiéta Nina.

- On n'a pas le choix... on va descendre dans le petit village ou on était hier, et faire du stop. Ca va rallonger le trajet mais sinon je ne vois pas comment on peut se débrouiller. Personne ne passe jamais vers le Manoir à moins d'y être obligé.

Nina n'avait jamais fait de stop de sa vie. Elle s'apprêtait à vivement protester quand elle réalisa qu'ils n'avaient effectivement pas du tout le choix. Et Mathys était déjà au bout du couloir en tain de taper du pied. Elle le rejoignit en courant.

- Qu'est-ce qu'on fait pour Mc Cullough ? questionna-t-elle.

Ils passèrent à toute vitesse devant le hall où traînaient quelques élèves en train de discuter.

- Je peux la contrôler à distance, répondit Mathys comme si c'était évident.

Nina tenta de ne pas laisser transparaître son effroi malgré la sueur froide qui venait de lui dévaler l'échine.

Ils débarquèrent dans les jardins inondés par la pluie tombée à torrent en début de matinée, les fleurs demeurant grisâtres sous le règne de la brume. Heureusement, les grandes grilles grinçantes n'étaient pas gardées, surtout par ce temps horrible. Nina frissonna, frigorifiée : elle n'avait pas pris de veste et était en petit polo de soie blanche et en jean foncé. Pas de quoi supporter des températures aussi basses jusqu'au village.

Mathys n'eut aucun mal à repousser les grilles, qui grincèrent. Ils passèrent en trombe devant les deux gargouilles figées en position d'attaque, crocs découverts et yeux sans vie qui faisaient tant peur à Nina. Les loups de pierre qui gardaient le Manoir.
Nina se hâta de passer sous leur regard attentif.

- Mais le village est à plus d'une heure de trajet ! dit-elle, complètement à bout de souffle.

Elle se pencha en avant pour mieux respirer, même si la prof de sport lui avait toujours répété « Respire debout ! Laisse l'air rentrer dans tes poumons ! » en criant. Elle avait beau avoir pas mal de qualité, être sportive n'en faisait pas parti.

Mathys se retourna vivement. Il n'était ni rose, ni trempé de sueur, ni même essoufflé. Les mains calées contre le torse, il semblait l'attendre d'un air incrédule. Elle se rappela qu'il pouvait courir des centaines de kilomètres sans souffrir, en une heure, s'il le voulait.

- Je n'ai pas de superpouvoirs, moi, grommela Nina.

Mathys semblait contrarié. Il hésitait entre l'emmener au risque de perdre du temps – qu'ils n'avaient pas – et y aller seul. Il opta pour la seconde solution.