Et l'aube se lève...

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Nina vit l'aube pointer avec un intense soulagement et osa enfin se redresser sans peur. Les sueurs froides de la nuit passée avaient disparues en même temps que la pleine lune et n'étaient donc plus qu'un pâle souvenir. Elle se leva sans bruit et entrouvrit de nouveau les rideaux pour vérifier que dehors, rien ne bougeait. Tout était calme, mis à part les herbes hautes qui se couchaient au rythme du vent. Elle s'était faite trop d'idées.

Va falloir que j'arrête les films d'horreur moi, songea-t-elle mi-soulagée mi-narquoise envers elle-même. Nina soupira et profita du calme environnant - rien ne bougeait dans les dortoirs, il était encore bien trop tôt - pour aller se préparer sereinement. Elle ne lava le visage à l'eau fraîche, se maquilla et s'habilla. Son reflet pétillant dans la glace acheva de la rassurer et parvint même à lui faire esquisser un pâle sourire après les frayeurs de la nuit. Elle cessa enfin de trembler, se contempla longuement sous toutes les coutures, admirant intérieurement ses cheveux châtains qu'elle noua en queue de cheval.

Nina retourna dans la chambre, et constata que les rayons du soleil envahissaient à présent tellement la chambre qu'Kate sortait tout juste du lit, les yeux emplis de sommeil. Celle-ci dévisagea Nina, incrédule.

- Déjà debout ? s'étonna-t-elle d'une voix pâteuse.

- Insomnies, éluda Nina en lui refaisant son lit pour éviter son regard, c'est toujours comme ça à l'approche de la pleine lune.

- Mon grand-père avait ça aussi, lui apprit Kate pensivement. Et quand il arrivait à dormir, il faisait d'affreux cauchemar et se réveillait en sueur. Il devait même souvent prendre des anxiolytiques pour se calmer.

Nina la dévisagea en se tordant les mains avec angoisse ; elle savait que beaucoup de personnes avaient du mal à dormir à l'approche de la pleine lune mais ce qui la perturbait, c'était que cette fois elle avait entendu ces cris à glacer le sang. Et elle n'avait même pas essayé de dormir, trop angoissée par ces bruits et cette histoire de loups-garous, contrairement à d'habitude ou elle tentait d'au moins fermer les yeux.

- Et de quoi rêvait-il ? demanda-t-elle, perturbée.

- Le plus souvent, je crois qu'il nous parlait de grands yeux jaunes et de dents ultra-pointues alors qu'il se trouvait dans un caveau... mais je ne m'en rappelle plus très très bien, j'étais petite.

Nina sentit son cœur louper un battement face à cette révélation plus qu'étrange et jeta un regard perçant à Kate pour vérifier qu'elle ne se fichait pas d'elle : elle dut se rendre à l'évidence en la voyant réunir ses affaires de cours d'un air tranquille. Nina resta debout les bras ballants, décontenancée : ce n'était pas la première fois qu'elle rêvait de caveau et d'yeux jaunes.

C'est un pur hasard, Nina, n'y pense plus.

- Dis... tu as entendu des cris, cette nuit ? questionna la jeune fille en proie à un mauvais pressentiment.

- Des cris ? non, pourquoi, tu en as entendu ? rétorqua Kate en la fixant.

Nina se sentit encore plus déboussolée. Elle n'avait pas rêvé, mais elle seule avait entendu les hurlements déchirants...

- M...moi ? Non, du tout, je demandais juste ça comme ça, dit Nina sur un ton qu'elle espérait complètement détaché.

Visiblement, Kate ne fit pas attention à sa détresse car elle l'abandonné pour aller se laver. Nina observa les jardins qui se paraient de milles nuances d'or en se mordillant la lèvre. Elle se résolut à attendre, rangea ses magazines dans un coin : même eux n'arrivaient pas à la consoler. Kate revint quelques minutes plus tard, alors que le couloir commençait à peine à se préparer et à bourdonner de bruits de discussions enflammées puis les deux filles descendirent pour aller petit-déjeuner.

Une fois arrivées dans le self, Nina remarqua que la plupart des places étaient libres, compte tenu de l'heure. Cependant, Nina remarqua immédiatement les deux personnes qu'elle cherchait du regard. Mathys et Ian buvaient un chocolat chaud assis à une table de deux, le nez plongé dans le liquide bouillant. Ils avaient les très tirés, le visage fatigué et les yeux endormis mais ils paraissaient bien trop occupés à conspirer une fois de plus en se penchant au dessus de la table pour lui prêter attention. Nina et Kate choisirent une longue table à l'opposé de la grande salle.

Dès que Nina s'assit, ce fut comme un courant électrique : Ian se tourna brusquement, les pupilles dilatées au maximum. Nina croisa aussitôt ses yeux turquoises si particuliers et frissonna : c'était la première fois qu'elle les voyait aussi graves et ses traits fins aussi tendus, à la manière de ceux de Mathys habituellement. Ils paraissaient avoir tous deux biens plus que dix-sept ans.

Nina resta interdite devant l'intensité de ce regard noyé d'encre sur les bords, la respiration littéralement coupée. Il ne détacha pas son regard non plus, la mâchoire serrée puis il étira les coins de sa bouche en un pâle sourire pensif et se détourna. Nina en resta bouche bée, tremblante, et mordit dans son bout de pain avec appréhension, troublée par cet échange de puissances qui était passé par leurs regards.

Ebranlée, elle termina son déjeuner sans mot dire perdue dans ses pensées et sous les yeux étonnés d'Kate.

Elles redescendirent en discutant, Nina évitant soigneusement de passer à côté de la table des deux garçons qui eux ne se gênèrent pas pour l'observer de manière discrète.

NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant