Sous le signe de la Lune

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- Elle monte, déclara Ian en fixant la lune ronde qui gravitait dans le ciel sombre.

Mathys ne dit rien et vit un de leurs quinze acolytes, le premier à être transformé, les attendre. Il le fixait de ses grands yeux jaunes, sauvages, primitifs. Mathys trembla en songeant que bientôt, son tour arriverait.

Les autres commençaient aussi à se transformer en gémissant, chacun veillant à faire le moins de bruit possible. Ils ne seraient bientôt plus que l'ombre d'eux même. Trois fois plus puissante, trois fois plus mortelle.

Mathys releva de nouveau la tête. Les rayons argentés effleurèrent son visage pâle et il sentit le changement opérer. Il se mit à serrer les dents, tous ses muscles se contractant comme sous l'effet d'une immense crampe. Mathys se mit à gémir comme les autres, perdant conscience du monde qui l'entourait.

Sa colonne vertébrale se résorbait, se tordait, se cambrait. Ses jambes rétrécirent, les muscles devinrent plus noueux, puissants. Il poussa un cri en sentant ses dents s'allonger et ses poils se mettre à pousser.

Enfin. Il rouvrit les yeux, complètement autre : ses yeux jaunes se fixèrent sur Ian qui était transformé en une majestueuse bête grise-argentée, aux muscles surdéveloppés. Ils se reniflèrent en grognant. Mathys hurla à la lune, imité par les autres loups.

Ils sortirent un à un du caveau dans lequel ils s'étaient tous réfugiés, ressentant l'appel de la lune qui les dominait de toute sa hauteur dans le ciel étoilé. Il se faufila entre les pierres coupantes, étroites, et pénétra en premier dans les champs. Les herbes se secouaient sous le vent qui soufflait fort. Il se mit à renifler, tous ses instincts en alerte. La meute derrière lui s'éparpilla en hurlant et fila en courant à l'abri des bois. Mathys jeta un coup d'œil furtif au manoir qui se découpait dans le voile noir et suivit la troupe sous les arbres en détalant comme un lapin. Il courut jusqu'à en perdre haleine, sentant le vent ébouriffer son pelage avec délice. La langue pendante, il tendit l'oreille, aux aguets.

Aussitôt, un fumet de lapin envahit ses narines surdéveloppées en activité. Il laissa la meute qui se sépara à chaque coin du bois et se dirigea vers l'odeur alléchante. Les oreilles tendues vers l'avant, le poil plaqué sur l'échine, il était prêt à l'attaque. Il sauta sur la proie trop occupée à fouiller dans les herbes, la renversa d'un coup sec et lui mordit la nuque sans même jouer avec. Mathys était beaucoup trop affamé pour perdre du temps.

Il dévora la bête et la dépeça jusqu'aux os. Il enterra le reste, marqua son territoire et hurla de contentement. Il était enfin libre d'être lui-même, ce prédateur qu'il redoutait être le jour. Mathys huma l'air une dernière fois et jeta un coup d'œil terrifié à la lune. Elle était encore haute, narquoise. Il se faufila un peu plus loin dans les sous bois, à la recherche de ses camardes ou d'un fumet de proie. Aucun des deux ne lui parvint et il continua à s'enfoncer.

Mathys marcha longuement, le pas ankylosé mais les oreilles dressées. Il était rassasié mais, si une proie se présentait, il ne la refuserait sûrement pas. Son instinct primitif lui dictait de chasser, encore et encore, jusqu'à l'aube. Ne trouvant aucun animal, il saisit une branche entre ses crocs et commença à la taillader de puissants coups de griffes.

Le bois éclata en échardes aiguisées qui se répandirent sur le sol mousseux de la forêt. Mathys saisit le reste du bâton dans sa gueule et acheva de le briser entre ses crocs avant de le laisser retomber. Il se mit à faire ses griffes sur un tronc d'arbre.

Une douleur violente à la base de sa queue irradia jusque dans sa colonne vertébrale, le faisant lâcher prise en hurlant de douleur. Il sentit que c'étaient des crocs plantés dans sa queue, et affolé, chercha à se dégager de cette emprise. Il planta ses griffes dans la terre et fit volte face en grognant, la bave à la commissure des lèvres fou de rage et de douleur.

Il se retrouva museau contre museau avec un imposant loup au pelage couleur corbeau, au museau plat et aux crocs aiguisés, scintillant à la lumière lunaire. Une odeur affreuse de charogne se dégageait de son poil brillant, et Mathys remarqua confusément que ses yeux jaunes flamboyaient d'une lueur malsaine, agressive.

Le jeune loup recula précipitamment, se cognant contre le chêne. L'autre découvrit des babines ensanglantées, qui effrayèrent Mathys. Sentant le danger imminent, il ne chercha même pas à attaquer et contourna le chêne avant de détaler vers l'orée de la forêt, les muscles tendus au maximum. Un bruit de halètements lui indiqua que son adversaire le suivait de près. Il ne connaissait pas ce loup...

Il sentit le souffle chaud du vétéran sur ses talons et planta ses griffes dans la terre meuble pour mieux s'agripper et courir plus vite. Le poil complètement dressé sur son échine, il commença à paniquer. Le grand loup arriva à lui griffer les pattes arrière et à lui mordre une nouvelle fois la base de la queue. Mathys accéléra encore, à son maximum. Il eut tout juste le souffle nécessaire pour pousser un long cri d'alerte qui résonna dans toute la forêt et sentit aussitôt les ondes des pattes de ses amis fouler le sol pour le retrouver.

Il arrivait à la fin de la forêt et décela l'odeur des champs. Il bifurqua vers la gauche dans une gerbe de boue qui aveugla passablement son adversaire et continua sa course folle. Il trouva un vieux terrier de renard à l'odeur atroce camouflé derrière une horde de buissons épineux et s'y faufila sans demander son reste. Il ignora la morsure des épines et se tapit au sol, les oreilles aux aguets. Il reprit sa respiration en ne percevant plus aucun bruit : son appel au secours avait dû le pousser à abandonner la poursuite. Mais d'habitude, les loups garous avaient un code d'honneur entre eux : pourquoi s'attaquer à ses semblables ?

Perplexe et encore transi de peur, Mathys se mit à lécher pensivement ses blessures mineures sanguinolentes. Il sentit Ian faire irruption dans le terrier.

Ian s'approcha et observa pensivement la flaque rouge qui s'étalait sous les pattes de son compagnon. Il tourna vers Mathys un grand regard jaune interrogateur.

La meute déboula à son tour à l'entrée du terrier en se poussant, grognant, puis quand ils virent l'état dans lequel se trouvait le jeune loup, ils s'arrêtèrent net et se mirent à grogner, étonnés.

Ils sortirent et observèrent la lune. Elle redescendait, l'aube pointait et le ciel rougeoyait. Ian fit signe qu'il était grand temps de rentrer. Le groupe se mit en marche d'un pas lent vers le caveau en silence, abattu et perturbé. Contrairement à leurs habitudes, personne ne jouait dans les hautes herbes où ne batifolait avec les autres.

Les crocs encore rougeâtres de sang de lapin, Mathys se questionnait sur l'identité de son agresseur. S'ils ne pouvaient même plus se rendre à la forêt sans danger, il leur faudrait partir et trouver un nouveau refuge où se cacher, où se retrouver à chaque pleine lune.

La meute redescendit dans la cave spacieuse mais humide en évitant ronces et roches coupantes puis ils se tapirent au sol en demi-cercle pour observer le jour qui se levait en chassant la lune.

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Hello ! ♥

Merci d'être arrivé jusqu'ici, d'avoir pris la peine de lire ce court chapitre (ils sont de plus en plus courts parce que plus simple à lire : dites moi ce que vous en pensez !)

Comme toujours, si vous avez aimé, n'hésitez pas à voter ! Et si vous voyez de choses auxquelles je n'ai aucunement prêté attention, eh bien... les commentaires sont là pour ça ! ;p

Que pensez-vous de cette description dans la peau d'un loup ? Vous aimez ? Quelles sont vos émotions ?

Vous préférez Ian ou Mathys ? Dites-moi, j'ai hâte de savoir ! ;)

A votre avis, mais qui est ce loup inconnu ? Un ennemi ? Vous avez des idées ? J'attends vos comm's !

Gros bisous et à bientôt !

MIS À JOUR 27/02/2019 09:30

NINA KELLER (1) : L'Héritière et le mordu (Réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant