C'est le bruit de la porte claquant contre le mur de ma chambre qui me tira de ma léthargie. Ma mère venait de faire irruption dans la pièce, le visage rouge de colère. Me laissant à peine le temps de me redresser contre la tête du lit, elle avança à grandes enjambées jusqu'à moi, et fit claquer la paume de sa main contre ma joue d'un bruyant geste violent. Un silence de mort s'abattit dans ma chambre, et seul le bruit de sa respiration haletante venait perturber le calme. Ses yeux me lançaient des éclairs et son pied se mit à taper répétitivement le parquet.
- Est-ce que tu peux me dire où tu étais passé ? Demanda-t-elle d'un ton à la fois calme et hargneux. A quel heure es-tu rentré ?
- Je ne sais pas... Mais tu dormais sur le canapé...
- Pourquoi es-tu sorti ? Je te l'avais interdit ! Tu es à peine guéris ! Est-ce que tu te rends compte de la frayeur que tu m'as fait ?! S'indigna-t-elle.
- Je suis désolé. Soufflais-je doucement.
- Je m'en fou de tes excuses. Tu n'as pas intérêt à sortir de cette maison à partir de maintenant. Si je te vois mettre ne serait-ce qu'un orteil dehors, je t'arrache la tête. Compris ?
Ma mère... La délicatesse incarnée. Quoi que, je n'ai pas vraiment à me plaindre de cette sanction. Ça aurait pu être pire.
- Oui. Répondis-je sans oser affronter son regard.
Elle hocha vigoureusement la tête et sortit sans un regard, m'annonçant qu'elle partait travailler mais qu'elle appellerait toutes les heures pour vérifier le fait que je respecte bien ma punition. Mes muscles ne se détendirent que lorsque la porte d'entrée claqua, faisant vibrer tous les murs de cette maison. Je m'affalai sur mon lit, plongeant ma tête dans mon oreiller et m'ensevelissant sous les couvertures, me créant un petit cocon de confort.
Quelques minutes passèrent, durant lesquelles je tentai d'assimiler tout ce que j'avais appris la veille. Est-ce que Ann mettrait sa menace à exécution ? Comment suis-je censé vivre maintenant ? Un semblant de panique s'empara de moi, me faisant subitement haleter, m'obligeant à quitter mes couvertures. Mes yeux commencèrent à se voiler, troublant ma vision. Ma tête tourna un peu trop vivement alors que je me dressai sur mes deux jambes flageolantes, me faisant tanguer, voire presque tomber. Je pris appui sur mon bureau, envoyant valser tout ce qui se trouvait dessus. Ma respiration se fit de plus en plus sifflante et c'est avec l'impression de me noyer que je me suis lourdement écrasé au sol, me repliant sur moi-même. Les larmes affluaient sur mes joues, brouillant ma vue d'un voile opaque. Après ce qui m'a semblé être des heures, je réussis à reprendre le dessus sur mes émotions, m'obligeant à me calmer et à reprendre une respiration plus ou moins stable. Lorsque la crise fut définitivement terminée, il me fallut un temps pour comprendre ce qu'il venait de m'arriver. Ce n'était pas la première fois que je faisais une crise de panique, mais celle-là était particulièrement violente.
Ce fut la chaleur qui caressa mon bras qui me sortit de ma semi-transe. Le soleil qui filtrait à travers les rideaux de l'unique fenêtre de la pièce, venait doucement réchauffer l'épiderme de mon épaule dénudée. Ce qui me choqua en premier lieu fut l'impression de chaleur, mais le plus perturbant n'était autre que les rayons de soleil sur ma peau. Depuis quand un vampire résiste-t-il au soleil ? Je ne suis pas censé me sentir brûlé, ou même finir réduis en cendre ?
Sans vraiment me rendre compte de mes gestes, mes pieds me guidèrent d'eux-mêmes vers la fenêtre. Mes doigts se saisirent du pan du tissu, et sans prendre le temps de réfléchir à la connerie que j'étais -possiblement- en train de faire, je tirai un coup sec dessus, laissant les rayons éclairer ma peau diaphane. Je dus détourner le regard un instant, mes yeux ayant du mal à s'adapter à la lumière en temps normal, semblaient encore plus sensible que d'habitude. Une fois qu'ils furent assez adaptés, je pris le temps d'observer mon corps. Aucunes brûlures, aucunes sensations désagréables. Rien, nada. Encore un truc à ajouter à ma liste de questions sans réponses...
C'est à s'en arracher les cheveux... Plus rien ne sera comme avant... Ça j'en ai bien conscience, mais entre en avoir conscience et l'avouer à voix haute, il y a un fossé en guise de séparation.
Après avoir ouvert la fenêtre, histoire de profiter de la sensation de fraicheur hivernale, je me suis assis sur le rebord de la lucarne, laissant mes jambes pendre dangereusement dans le vide. Bien que je ne sois qu'au premier étage, une chute pourrait être douloureuse... A moins que mes nouvelles « aptitudes » -à savoir : manger les gens- puissent m'empêcher de me blesser. Cela pourrait s'avérer être un test intéressant... Quoiqu'un peu suicidaire. Alors autant éviter...
Laissant mes pensées dériver une nouvelle fois, je n'ai pas pu m'empêcher de réfléchir aux paroles d'Ann. Il y a donc beaucoup de vampires dans le monde, tous plus ou moins vieux, formant une sorte de grande communauté régit par les premières sangsues au monde. De plus, les autres créatures surnaturelles sont tellement peu nombreuses qu'elles doivent suivre le mouvement, et obéir aux règles. Seulement, certains ne veulent pas être gouvernés par cette dictature moisie, alors ils ont choisi de vivre en marginaux. Magnifique, on n'avait déjà pas assez de problèmes avec la politique humaine...
Un soupir las m'échappa ; c'est trop pour moi. Ma poitrine se serra violement une nouvelle fois et un frisson remonta le long de mon dos, me faisant trembler en entier. Stop, ce n'est pas le moment de refaire une crise. Tout en prenant une grande inspiration, je descendis de mon perchoir, et tout en posant mes pieds sur le sol, une nouvelle question surgit dans mon esprit : comment est-ce possible que je ressente à ce point les choses, alors que pas plus tard qu'hier je ne ressentais absolument plus rien ? Que ce soit par le froid, la respiration, la chaleur, les frissons et tremblements... Il ne manque plus qu'un rythme cardiaque et me revoilà humain ! Dans un élan de questionnement, je pris subitement mon pouls : rien. Laissant ma frustration de côté, et m'empêchant d'envoyer valser tous les objets présents dans la pièce, je pris la décision d'aller m'allonger sur le canapé -tel un légume en pleine végétation- et de flemmarder devant un film. Juste pour abandonner ma vie le temps d'un bon vieux film d'horreur. Ravi de cette idée, je refermai ma fenêtre, mais une présence sur le trottoir en face de chez moi attira mon attention. Il était assis, comme si de rien n'était, sur le muret entourant la maison du voisin ; les jambes croisées, un livre dans les mains. La stupeur me fit bugger durant une quinzaine de seconde, puis un élan de colère vint tirailler mes entrailles. Comment osait-il se pointer ici ?! J'enfilai en vitesse des habits et me ruai vers la porte d'entrée que j'ouvris avec fureur, les joues sûrement rougies par la colère. Je n'ai pas pris la peine d'enfiler une paire de chaussures, laissant à mes pieds tout le loisir de s'écorcher sur le bitume. Une fois arrivé à sa hauteur, sans passer par la case « salutation », je lui ai arraché son bouquin des mains, le projetant sur le sol avec violence.
- Qu'est-ce que tu fous ici ?! Beuglais-je.
- Bonjour à toi aussi petit lapin. Dit-il calmement.
Il descendit avec tout autant de calme du muret, époussetant ses habits et ramassant son livre avant de ranger ce dernier dans la poche de sa longue veste. Avec toute la grâce possible, il reporta son attention sur moi, son horrible sourire en coin accroché aux lèvres.
- Je suis venu en ami, pas besoin de tirer cette tête. Gloussa-t-il.
- Dégage avant que je t'enfonce le crâne dans le mur ! Criais-je.
- Moui, bon commence par te calmer, j'ai à te parler. Marmonna-t-il en scrutant ses ongles d'un air désintéressé.
- La dernière fois que je t'ai parlé, t'a tué un gamin pour me le faire bouffer ! Scandais-je.
La tension était belle et bien présente, tous mes membres tremblaient de rage, et j'aurais donné cher pour me débarrasser de lui. Seulement, encore et toujours, une petite voix me hurlait au fond de moi de l'écouter avec le plus de calme possible.
- Que veux-tu ? Dis-je après quelques secondes de silence.
- Allons parler dans un endroit un peu plus... Discret, veux-tu ?
- Pourquoi pas ici ?
- Il me semble que tu n'es pas en position de réclamer quoique ce soit. Alors, nous irons discuter ailleurs. Clama-t-il, un air hautin et supérieur scotché au visage.
Tout en bouillonnant intérieurement, je repris le chemin jusqu'à ma porte d'entrée, enfilant rapidement une paire de basket usée. Et c'est en entendant le bruit strident de la sonnerie du téléphone fixe, que je verrouillai la porte d'entrée. Désolé maman.
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Jarod
Fantasy"Si je devais être une créature surnaturelle, je serais un vampire." Voilà les mots qui m'avaient traversé l'esprit une fois. Je ne pensais pas, à ce moment là, que j'en deviendrai justement un... Contre mon gré, en passant. Ne vous attendez...