Jarod

Chapitre 08

On s'était éloigné assez largement de mon quartier, marchant pendant près d'une bonne demi-heure. Le trajet se faisait dans un silence de mort ; c'est à peine si l'on croisait des passants. J'en venais à me demander s'il ne me trainait pas dans un coin pour mieux pouvoir me tuer, ou pour mieux me faire bouffer mes semblables, à voir... C'est en passant les grilles d'un petit parc abandonné que mes neurones se reconnectèrent ; je devais absolument obtenir le fin mot de toute cette histoire de fous. Mes yeux analysèrent vaguement l'endroit. La pelouse n'était plus que mauvaises herbes, et la neige semblait la recouvrir d'une fine pellicule. De vieilles balançoires rouillées pourrissaient au fond de l'endroit devant un petit bosquet à l'allure étrange. Au milieu se trouvait une petite fontaine, usée par le temps, les pierres se décrochant lentement de la surface. L'eau n'y coulait plus depuis sûrement longtemps, de la mousse recouvrait toute la surface d'un épais voile vert et visqueux. De vieux bancs en bois défraîchis trônaient autour de ce qui fut une aire de jeux. Cette dernière tombant progressivement en ruine dévorée par les herbes hautes et l'usure.

Mon guide avança à travers les débris et autres gravats avant de s'asseoir sur le petit muret de la fontaine. Il m'invita silencieusement à faire de même, chose que bien évidemment je ne fis pas, préférant de loin lui faire face, les pieds bien encrés au sol. On se dévisagea durant une bonne minute -ou bien était-ce une heure ?- et je me décidai à prendre la parole en premier.

- Donc... Les sangsues ne craignent pas le soleil au final ?

- Bien sûr que si ! Répondit-il, comme offusqué de ma question.

Je le fixai d'un regard à la fois blasé et neutre, il osait me dire ça alors que l'après-midi était à peine avancée, le ciel dégagé et le soleil éclairant sa face... Dans le genre foutage de gueule il mérite une médaille. De plus le soleil ne me faisait rien à moi non plus. Il dût remarquer mon incrédulité car un large sourire étira sa face la seconde d'après.

- Ne fais pas cette tête ! Tu es un nouveau-né, donc encore à moitié humain, c'est normal que le soleil ne t'atteigne pas de façon mortelle, bien que je te déconseille fortement de rester exposé trop longtemps. Pour ce qui est de moi... Disons que j'ai plus d'un tour dans mon sac. Souria-t-il.

- Admettons que je te crois. Comment ça se fait que je ressente encore la chaleur, le froid et tout ce bordel alors qu'hier encore, je ne ressentais plus rien.

- Réflexe humain.

Je le fixais avec interrogation. Réflexe humain ? C'est quoi ça ? Encore une fois, il comprit mon désarroi car il reprit la parole rapidement.

- Pour faire simple, tant que tu es un nouveau-né, tu auras deux périodes, celle humaine, où ton cerveau te rappellera ce que l'on ressent au contact de la chaleur, ou du froid. Puis il y a la période disons... vampirique, celle où plus rien ne t'affectera, que ce soit les sentiments forts tel que la peur ou l'effroi, les sensations, ou la douleur.

J'en tomberai presque sur le cul tant je suis abasourdi, je n'allais plus rien ressentir ? Ma gorge se serra, devenir insensible me tordait le ventre ; je ne voulais pas devenir une enveloppe corporelle toute sèche, juste bonne à décimer la population sans remords.

- La dernière fois que l'on s'est vu. Commençais-je pour changer de sujet. Tu disais que si je ne me nourrissais pas rapidement, je deviendrai hors-contrôle. Au bout de combien de temps c'est censé arriver ?

- C'est à ce sujet que tu es intéressant ! S'exclama-t-il en tapant dans ses mains comme un enfant. Tu aurais dû perdre les pédales environ quatre heures après ton premier réveil. En théorie, un nouveau-né se réveil auprès de son créateur. Dans ton cas, Zelmah avait d'autres choses plus importantes à régler. Mais sache qu'elle reviendra vers toi à un moment ou à un autre.