Chapitre 11

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Ma nuit fut courte, rempli de cauchemars me laissant pantelant et couvert de sueur à mon réveil. Tout en étouffant un bâillement, mon regard loucha sur mon réveil : six heures. C'est en grognant contre l'heure matinal que je m'extirpe de mes couvertures encore chaudes pour descendre dans la cuisine. Contre toute attente, ma mère s'y trouve elle aussi. De larges cernes creusent ses yeux légèrement bouffies, et un long châle entoure ses épaules trop maigres à mon goût. Quand son regard croise le mien, un léger sourire fissure ses lèvres. Ce n'est pas un vrai sourire, ce n'est rien qu'une vulgaire illusion. Mon cœur se serre à cette constatation, et je m'assois en face d'elle, me servant un verre d'eau en même temps.

- Tu fais le service du matin aujourd'hui ? Demandais-je doucement.

- J'enchaîne celui du matin et du soir. Répondit-elle froidement, sans daigner poser ses yeux sur moi.

Un tic nerveux traverse mon corps, faisant froncer mes sourcils et pincer mes lèvres. Ma mère étant infirmière, travaille à l'hôpital de la ville, mais il est très rare qu'elle enchaine plusieurs services. Preuve irréfutable qu'on est à court d'argent...

- Tu veux que je trouve un travail à mi-temps ?

Proposition stupide de ma part, sachant que je n'aurais jamais le temps de m'y consacrer...

- Réussi juste tes études, c'est tout ce que je te demande. Soupira-t-elle. Laisse-moi gérer notre argent.

Sans un mot de plus, elle quitta la table et sortit de la pièce, me laissant seul avec ma culpabilité. Je suis définitivement un fils ingrat et indigne... Tout en poussant une plainte silencieuse, je quittai à mon tour l'endroit, montant enfiler de quoi m'habiller chaudement, les températures extérieures étant encore négatives à cette heure. Une fois prêt, je sortis la maison, attrapant mon portable à la volée, adressant un sourire d'au revoir à ma mère au passage. Sourire qui ne me fut pas rendu.

Les rues étaient encore calmes, sans presque personne pour les peupler. Seuls quelques ivrognes et travailleurs acharnés croisèrent ma route, ne m'adressant aucune attention, à mon plus grand bonheur. Chaque personne dans ces rues était susceptible d'être un chasseur. Perdu dans mes pensées et fixant mes pieds, je n'avais pas vu la personne devant moi. Sans surprise, après une collision pour le moins brutale, je me sentis perdre l'équilibre, mon dos amortissant non sans peine le choc. Un petit couinement plaintif m'échappa tandis qu'une main se dressait au-dessus de moi. Une femme se tenait en son bout, un air soucieux plaqué sur son visage. Elle m'aida à me relever, et c'est avec une pointe de gêne que je la remerciai et m'excusai pour ma maladresse.

- Ce n'est pas de ta faute, je ne regardai pas devant moi non plus. Souria-t-elle. Tu n'as pas trop mal j'espère ?

Ce n'est qu'après lui avoir certifié une bonne dizaine de fois que, non je ne m'étais pas blessé, que l'on s'éloigna l'un de l'autre, reprenant chacun nos routes respectives. Mine de rien cette rencontre m'a mis en retard, non pas que j'ai d'heure précise et fixe, mais je tenais à arriver à la taverne avant sept heures... Une fois à destination, j'ouvris doucement la porte boisée, m'attendant presque à voir tout le monde mort, la tête arrachée du buste. C'est en poussant un soupir de soulagement que je pus constater que personne ne se vidait de son sang sur le parquet foncé. Tout en rentrant pleinement à l'intérieur, certains m'adressèrent un sourire ou juste un regard, tandis que d'autres grognaient de ma présence. Grognements auxquels je répondis par un large sourire hautain. S'ils pensent m'effrayer, c'est raté, ou presque. Je tenais quand même à faire paraître que leurs petites piques ne m'atteignaient pas.

J'allais me diriger vers le bureau d'Ann lorsqu'une petite main se posa sur mon épaule, m'arrêtant en chemin. Lutty se tenait sur ma droite, ses joues rebondies teintées d'un léger rose adorable. Elle m'adressa un petit sourire timide avant de m'avertir de la non-présence de leur patronne -et occasionnellement la mienne-. Elle me traîna alors à ses côtés, m'obligeant à l'aider à sa tâche, servir les clients, gérer le bar et nettoyer les tables vacantes. Si au début j'avais rechigné à le faire, ce fut finalement un moment amusant, me permettant d'apprendre à mieux connaitre chaque personne présente, et je compris bien vite que c'était le but recherché par la jeune fille aux cheveux roses. Après trois bonnes heures à me tuer à la tâche, je m'effondrai sur un des nombreux tabourets du bar, m'étalant de tout mon long sur le comptoir. Lutty arriva rapidement à mes côtés tout en laissant échapper un petit rire cristallin qui me fit sourire faiblement.

JarodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant