À La note de musique

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Le plan de Jeanne se déroula à merveille. Comme prévu, elle alla avertir son père, disant qu'elle voulait aller chez Victor plus tôt pour discuter avec lui avant qu'elle ne rencontre ses parents. À peine fut-il 18h qu'elle était déjà partie depuis dix minutes.

Quant à Édouard, il trouva une excuse plausible pour sortir peu après : il dit aller rendre visite à son oncle, qui était de passage à Paris pour le commerce. Les Lavalière ne firent aucun commentaire, l'épouse lui souhaitant une agréable soirée tandis que Richard ne contestait en rien son envie de sortir. Il lui fit seulement remarquer qu'il était très bien habillé en employant un ton presque envieux, ce dont Édouard profitait pleinement, sachant que cela ne se reproduirait sans doute pas. En effet, l'intéressé s'était mis sur son trente et un : il arborait une chemise blanche avec une veste bleue nuit, un pantalon gris foncé et des chaussures bien cirée. Ida avait bien sûr veillé à ce que le col de la chemise soit bien ajusté et que sa coiffure soit naturelle, mais élégante.

Les deux adolescents se retrouvèrent au Champs Élysées, devant la fontaine qui trônait sur la place, le doux clapotis de l'eau apaisant le brouhaha provenant de la mer noire de monde.

À peine arrivé. Édouard aperçut Jeanne, assise sur le rebord pierreux de la fontaine, les lueurs orangées du soleil caressant son joli minois. Ravissante dans une robe de soie rouge, ses épaules dénudées sans bretelles soulignaient sa gracieuse silhouette. Elle avait chaussé de fines ballerines beiges, ses jambes elle aussi à découvert. Ses cheveux étaient lâchés, ses mèches rebelles volant de ci, de là, sa tignasse brune ondulant en cascade dans son dos.

Quand elle vit Édouard, elle se dirigea vers lui gaiement, sautillant sur les pavés tout en ignorant les nombreux jeunes hommes qui la dévoraient du regard. Voir Jeanne ainsi était voir Jeanne telle qu'elle devrait être tous les jours, celle qui n'était pas cantonnée à devoir travailler son allure, celle qui n'était pas obligée de se marier à dix-huit ans. La vraie Jeanne, celle qui prenait la main d'Édouard pour l'entraîner avec elle dans les petites ruelles illuminées par les lampadaires.

- Où veux-tu aller ? demanda-t-elle, en se tournant vers Édouard

- Je préfère te suivre, répondit-il. En tant que vrai touriste, je pense pouvoir te faire confiance.

- Tu peux, je connais un très bon endroit. Suis moi !

Et elle était repartie, son compagnon la suivant presque en courant. La jeune fille finit par s'arrêter devant une bâtisse en brique rouge appelée : La note de musique.

- Tu es déjà venue ici ? questionna Édouard, admirant la belle façade.

- Jamais, avoua-t-elle, mais c'est justement l'occasion.

Sa main toujours dans la sienne, elle l'invita à entrer dans le restaurant. L'intérieur était accueillant, les bougies répandant de leur lumière orangée sur les murs en briques. Les tables étaient toutes rondes, les nappes blanches éclairées par les chandelles. Au fond de la salle il y avait une scène sur laquelle dansaient des danseuses de french cancan, leurs tutus volumineux tournant dans l'espace, la symphonie des violons accompagnant leurs mouvements agités.

- Un vrai cocon parisien, fit Édouard, amusé et fasciné.

- J'étais sûre que cela te plairait, sourit Jeanne.

Un serveur habillé d'un complet gris foncé et blanc champagne s'avança vers eux.

- Une table pour ces deux jeunes gens ?

Les mots d'ÉdouardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant