Au camp

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Note de l'auteure : Ce chapitre peut comporter des passages et des dialogues violents, je conseille donc aux âmes très sensibles d'éviter certaines scènes de cette partie. A partir du moment où ça deviendra choquant, je mettrais ce signe * devant la lignes, et mettrai ceci ** quand cela sera terminé. J'espère cependant que vous l'apprécierais avec les modifications que j'ai apporté. Philippine.



20avril 1945, au camp de Buchenwald en Allemagne.


La pluie gouttait sur la petite baraque en bois qui abritait les déportés, de l'eau s'infiltrant parfois entre les lattes pour couler sur les juifs endormis, provoquant parfois un énième frisson de froid dans leur sommeil.

Adossé au mur humide, Édouard écoutait ce son, si ténu et si délicat qu'il semblait irréel dans cet endroit où raisonnaient vociférations et coups de feu en permanence. Il était d'ailleurs surpris de ne pas percevoir le moindre cri ou la moindre plainte dans la nuit qui à l'accoutumée, n'était jamais aussi calme.

Ne pouvant tout du moins s'endormir sereinement, le jeune homme profitait de ce silence. Il en aimait chaque instant, libre de rêver ou d'espérer que la réalité soit interrompue, pour qu'enfin quelque chose de meilleur surgisse dans ce monde parallèle ou l'humanité n'avait pas sa place.

Soudain,un grincement provenant de la lourde porte vint interrompre cette atmosphère tranquille et si rare. Sursautant, Édouard regarda avec effroi un SS entrer dans le block.

« Oh non, pas ça ! », pensa-t-il, alors qu'il se rallongeait pour faire croire qu'il dormait.

Il demeura immobile et muet, essayant d'éviter le moindre geste susceptible d'attirer l'attention de l'homme. À côté de lui, il sentait son frère trembler sur la paillasse qu'ils partageaient avec deux autres juifs depuis qu'ils étaient arrivés. Ne pouvant le laisser angoisser de la sorte, Édouard lui prit la main, ne lui adressant aucun regard. Cela aurait été inutile : ils connaissaient tout deux la question qui fusaient dans les esprits :« Qui vient-il tuer cette fois ? »

Après dix secondes interminables, le SS s'arrêta à quelque mètres d'Édouard, ne lui prêtant cependant attention. Ses yeux toisaient avec une froideur délibérée un jeune garçon aux boucles blondes qui avait les yeux écarquillés de surprise. S'il n'était pas aussi mal en point, on aurait pu lui donner seize ans.

- Non ! cria soudain son père, le serrant fort contre lui. Par pitié, ne faites pas ça !

- Silence, ou tu y passes aussi !

Le soldat pointa son fusil sur le blondinet tremblant de peur,l'entrechoquement de ses dents résonnant entre les murs.

Cela faisait mal à Édouard de penser cela, mais ce n'était pas la première scène à laquelle il assistait ici, loin de là. Il se souvenait de toutes les victimes qui y étaient passées : ce vieil homme qui lui avait un jour donné un peu de pain, cette femme lui ayant passé de son eau, ce jeune homme de son âge étudiant en médecine qui sans hésitation, avait soigné la jambe de Romain en faisant un garrot alors que son état avait empiré. Tout le monde y passait pour une raison injuste, comme le fait de soigner un camarade, le fait d'être à l'agonie, ou encore celui de ne plus pouvoir marcher, comme ce pauvre garçon aux cheveux de blé.

Et même si Édouard était encore en vie, la faim et le froid persistaient et il savait qu'un jour ou l'autre, se serait son tour.

- Je vous en supplie ! gémit le père de l'adolescent. Il est mon fils unique, mon seul enfant ! Vous ne pouvez pas le tuer sous prétexte qu'il ne peut plus marcher, il a le droit de vivre !

Les mots d'ÉdouardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant