2 mai 1945
- Jeanne ? Jeanne tu dors ?
La voix fluette d'Éponine faisait surface dans les pensées embrumées de la jeune femme, qui ouvrait difficilement les yeux pour apercevoir la petite aux nattes blondes.
- Plus maintenant, marmotta-t-elle, son visage à peine visible sous les draps. Quelle heure est-il ?
- Chais pas, mais Maman a dit qu'elle avait besoin de toi en cuisine parce qu'il y avait déjà des clients.
Jeanne poussa un soupir de déception : elle était habituée à ce discours désormais, elle aurait aimé être réveillée par une autre nouvelle plus palpitante qui donnerait un goût moins fade à cette journée pourtant ensoleillée de mai.
- Bon alors tu viens ou pas ? continua Éponine, commençant à s'impatienter.
- Oui, je rejoindrais ta maman dès que je serais prête.
Sortant de son lit douillé, Jeanne frissonna en sentant l'air frais s'engouffrer dans sa chemise de nuit. Encore endormie, elle se dirigea vers la chaise sur laquelle était posée sa tenue de travail soigneusement pliée. Le pull en laine rouge qu'elle s'était tricotée pendant l'hiver était encore en bon état malgré les nombreux accrochages qu'il avait subit et son pantalon en toile beige était encore portable une journée avant d'être lavé. Dans ses pensées, elle faillit oublier de chausser ses sabots de bois, eux ayant du mal à supporter l'humidité de ces derniers mois.
Malgré l'aspect négligé et sale de cette tenue, Jeanne l'aimait bien car elle ne ressemblait en rien à celles qu'elle devait porter chez elle pour plaire et laisser voir une Lavalière bien élevée. Au moins ici, elle était plus libre de faire ce qu'elle voulait, c'est-à-dire être utile aux autres en aidant Mimi et Éponine au restaurant depuis son arrivé.
En essayant de se faire discrète pour ne pas attirer l'attention des clients déjà attablés dans la salle, Jeanne alla dans la cuisine où les odeurs de pain grillé et de bacon se mélangeaient.
- Jeanne, ne me dis pas que tu as encore oublié ! la gronda gentiment Michelle à son arrivé. Combien de fois vais-je devoir te dire de t'attacher les cheveux avant de passer aux fourneaux ?
La chef en cuisine faisait tourner un élastique autour de son index.Penaude, Jeanne tendit la main pour le prendre et faire un chignon coiffé sans but d'être élégant.
- Il y a déjà des commandes ?
- Oui, celle de Monsieur Duroc, répondit Michelle. Tu peux la faire pendant que je sers les autres ?
Jeanne acquiesça, se concentrant sur la charcuterie qu'elle découpait plus ou moins maladroitement. La cuisine n'avait jamais été son fort,Ida préparant tous les plats quand elle était petite, sans même pouvoir accepter son aide quand elle se proposait, de peur de fâcher son père. Mais elle était heureuse de constater qu'elle n'était pas que bonne à se tenir droite et à parler distinctement pendant les repas d'affaires. Elle pouvait aussi, gratuitement mais pleinement, participer à la vie active.
Les toast cuits au grille-pain sautant de la machine, Jeanne les récupéra en s'en brûlant les doigts. Après avoir posé le bacon dessus, elle prit l'assiette et alla en salle. Éponine n'avait pas menti : presque toutes les tables étaient pleines, et ce n'était que le petit déjeuné !
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Les mots d'Édouard
Ficción históricaDepuis la mort de son père, c'est son fils Édouard qui doit reprendre la ferme familiale. Mais le jeune homme n'a qu'une envie : fuir ses souvenirs d'enfance pour gagner la grande ville et devenir écrivain reconnu. C'est finalement en ayant dépassé...