Édouard était toujours accroupit entre deux étagères dans le noir, ses muscles endoloris à force de rester trop longtemps dans la même position et sa tête calée contre une boîte. La claustrophobie commençait à se faire sentir, cet endroit lui rappelait trop le grenier dans lequel il était enfermé quand il était puni par sa mère.
Édouard soupira, une torpeur sourde embrouillant ses pensées tourmentées.Il savait que sa vigilance serait réduite à néant si il se laissait tenter par le sommeil, mais il ne se sentait pas de taille à faire quoi que ce soit d'autre. Si il sortait de cette cave, on devinerait qu'il était celui qui avait fait échoué l'attentat, et les allemands ne réfléchiraient pas à deux fois pour l'abattre puisqu'il était un juif recherché.
« Les fusillades auront cessé demain matin, se disait-il, en clignant des paupières. Je pourrais retrouver Jeanne chez ses parents, à qui je servirais une excuse pour mon absence tout en disant la vérité à leur fille »
Mais à peine avait-il fermé les yeux et perdu conscience qu'un bruit le fit sursauter. Il ne provenait pas de dehors, mais de l'intérieur du restaurant, dans la salle principale. On aurait dit que le parquet frissonnait de manière régulière.
Puis, les craquements martelèrent les escaliers qui se situaient au-dessus d'Édouard. Affolé, il se leva d'un bond, s'attendant à voir un allemand pousser la porte du cagibi. À tâtons, il chercha un objet qui pourrait lui permettre de se défendre, touchant du bout des doigts une lame qui lui coupa le majeur. Devinant qu'il s'agissait d'un couteau à viande, il en saisit le manche et le garda baissé, sa main droite tremblante sous la pression qu'il exerçait.Ses jointures blanchissaient dans la force qu'il mettait pour enserrer le couteau, ses yeux verts écarquillés dans l'obscurité.
Les craquements s'étaient transformés en pas feutrés qui se dirigeaient dangereusement vers lui. L'adrénaline courant ses veines, Édouard brandit en tendant le bras le plus loin possible le couteau qui glissait entre les doigts.
On tourna la poignée rouillée de la porte et elle s'ouvrit sur une silhouette délicate qui tenait une bougie. À la lueur de la flamme,il distinguait des yeux sombres, une chevelure brune, un visage féminin et un tissu rouge qui descendait jusqu'au genoux...
Ce n'était pas un soldat. C'était Jeanne.
La jeune femme trouva l'interrupteur et alluma la lumière dissipée dans le cagibi par une simple ampoule dont la faible pâleur clignotait. Sur le palier de la porte, elle observait Édouard, ce dernier ayant encore son couteau à la main, braqué sur elle. Il était paralysé, incapable de faire le moindre geste tellement il était terrifié.
- Édouard, tu peux lâcher le couteau maintenant, déclara-t-elle d'une voix bien contrôlée.
Émergeant peu à peu de sa tétanie, il baissa son bras et le couteau tomba sur le sol glacé du cagibi. Comme il ne disait rien, elle insista :
- Édouard, je te jure que tout va bien, on va bien tous les deux.
En arrivant à sa hauteur, elle enlaça ses bras autour de son cou tandis qu'il avait enfouit son visage dans son épaule.
- Tu es revenue, murmura-t-il, reprenant enfin ses esprits.
- Oui, mais je n'aurais pas dû te laisser comme ça, fit-elle, en s'écartant pour bien le regarder. Quand j'ai compris que c'était toi qui avait désactivé les explosifs, j'ai convaincu Viktor que je rentrais chez moi et je suis arrivée par la route avant que les allemands ne viennent ici. Mais cela aurait pu se passer autrement...
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Les mots d'Édouard
Historical FictionDepuis la mort de son père, c'est son fils Édouard qui doit reprendre la ferme familiale. Mais le jeune homme n'a qu'une envie : fuir ses souvenirs d'enfance pour gagner la grande ville et devenir écrivain reconnu. C'est finalement en ayant dépassé...