Cependant,alors qu'il s'attendait à une douleur fulgurante de la part de l'arme. Édouard perçut un brouhaha assourdissant qui secouait le camp. C'était une vague de cris et de balles sifflantes passant en flèche dans les airs, un vrombissement sonore accompagnant ce charivari.
« Un avion », devina Édouard, éberlué.
Trop faible pour ouvrir les yeux, il s'efforça de saisir d'autres détails malgré son état d'esprit. Il n'avait plus la pression du canon sur le visage et il n'entendait plus le SS qui s'apprêtait à l'abattre.
Était-il en sécurité pour autant ? Était-il en train de revenir ou de mourir ?
La réponse se présenta lentement, confuse. Alors qu'au loin des hommes hurlaient en une langue qui n'était ni allemande ni française, le jeune juif sentit une main se poser sur son cou ainsi que des doigts frais tâter ses blessures.
- De l'eau ! ordonna soudain une voix masculine avec un net accent étranger. Apportez-moi de l'eau, vite !
Groggy,Édouard comprit qu'un anglais était à ses côtés. Mais la présence d'un anglais demandant à ce qu'on amène de l'eau potable était si absurde qu'il croyait délirer.
- Allez, réveillez-vous... souffla le britannique avec ferveur.
L'intérêt que portait cet homme était inconnu à Édouard. Que faisait-il ici ? Pourquoi était-ce si important pour lui qu'il survive ? Savait-il seulement ce que lui et les autres juifs enduraient ?
Il n'eut pas le temps d'y réfléchir d'avantage, une multitude de gouttelettes effleura ses lèvres pour se déverser dans sa gorge.Surpris, il toussa, prit par une violente quinte de toux qui le faisait presque convulser. Peinant à retrouver sa respiration, il savourait néanmoins les biens faits de l'eau qu'on venait de lui offrir.
« D'ailleurs,qui est cet inconnu qui veut me sauver la vie ? », se demanda-t-il, éprouvant une certaine énergie.
Indécis mais curieux Édouard souleva les paupières, découvrant la silhouette floutée d'un militaire britannique. Ce dernier esquissa un sourire.
- Qui êtes-vous, brave soldat ?
Le rictus de l'Anglais s'élargit, le soulagement détendant ses traits.
-Je suis Giles Sheridan, soldat dans l'armée du Royaume-Unis. Et vous ?
Quelque peu ébranlé, le jeune homme lui répondit distinctement.
- Édouard Leroy.
Pas la vermine, pas le parasite, ni même le sale juif.
Le vrai Édouard Leroy, celui qui refaisait surface pour vaincre les ténébreuses pensées qui l'assaillaient.
- Il faut vous mettre en sûreté, décréta Sheridan. Je ne voudrais pas que vous retombiez entre les pattes des boches.
- Mais les SS dirigent le camp, et ils vont certainement...
- Ils ne feront rien du tout, assura-t-il, confiant. Mes camarades et moi venons de bombarder le terrain, les allemands seraient idiots d'intervenir alors que nous évacuons les juifs.
« Nous évacuons les juifs ». C'était là une phrase qui n'existait que dans les rêves du jeune écrivain.
- Vous venez... non c'est impossible, je dois divaguer, souffla Édouard.
- Ne vous croyez pas au paradis ! plaisanta le soldat. Vous êtes bien vivant et vous allez sortir de cet enfer, mais d'abord il faut que je vous emmène d'ici.
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Les mots d'Édouard
Ficção HistóricaDepuis la mort de son père, c'est son fils Édouard qui doit reprendre la ferme familiale. Mais le jeune homme n'a qu'une envie : fuir ses souvenirs d'enfance pour gagner la grande ville et devenir écrivain reconnu. C'est finalement en ayant dépassé...