Ensemble

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- Fantine !

Ébahi,Édouard resta immobile un moment, figé dans une expression indéchiffrable, partagé entre joie et doute. Était-il vraiment dans la réalité ? N'était-ce pas une hallucination qu'il se serait créé pour se rassurer ? Après tout, Viktor lui avait bien dit que ses cadets étaient morts !

Devant son expression indécise, sa sœur posa ses mains sur ses épaules.

- Édouard, c'est bien moi ! Je suis là devant toi !

Se persuadant que c'était une belle réalité dans cet enfer, son frère la prit dans ses bras, l'étreignant très fort en fourrageant ses doigts dans ses cheveux fins. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas serrée ainsi contre lui pour calmer ses chagrins ou pour lui montrer son affection ? Quand lui avait-il raconté une histoire pour la dernière fois ? Il ne s'en souvenait plus, mais il était rassuré de savoir qu'il pourrait lui en inventer des nouvelles dans les jours à venir.

Enfin,si il était encore en vie...

- Oh non, ne pleure pas ! s'écria soudain Fantine, en passant ses doigts sur les tempes de son frère. Je ne veux pas que tu pleures !

- Excuse moi ma chérie, seulement je pensais que je ne te reverrais jamais...

Derechef,il contempla sa sœur. S'étant habitué à l'obscurité, il pouvait mieux percevoir son visage. Son visage toujours aussi mince, presque émacié. Ses grands yeux verts luisant dans le noir, ses joues et son front parsemés de petites cicatrices, certaines plus récentes que d'autres, qui s'effaçaient et se fondaient dans le teint de sa peau, Ses cheveux détachés, plus longs que dans son souvenir, des mèches châtains éparpillées sur ses petites épaules.

En soi, Fantine n'avait pas changé, elle était toujours fragile physiquement et ses élans de tendresse ne l'avaient pas quittées avec le temps. Mais l'étoile qu'elle portait lui donnait une allure d'adulte qui faisait disparaître ses traits enfantins. Elle était une adulte qui comprenait les dangers qui l'entouraient, dans ce monde où elle devait vivre maintenant comme une personne mûre et non comme une enfant. Elle voyait à présent toute la vérité de laquelle elle avait été préservée pendant douze ans.

- Et Romain ? s'enquit Édouard, est-ce qu'il...

- Il est vivant, le rassura sa sœur. Mais il a...

Elle n'eut pas le temps de finir sa réponse. La porte de la cellule s'ouvrit à la volée et un rai de lumière envahit la pièce, qui se révélait être grande, avec dans un recoin un homme, probablement à l'agonie. Sur le seuil de la porte, une armoire à glace en uniforme de SS tenait par l'oreille un jeune homme à la taille plus svelte, le visage tordu par une grimace de douleur. En rencontrant les yeux noisettes qui avant, avaient appartenu à son père, Édouard hoqueta.

« Romain ! »

- Lâchez-le, immédiatement ! s'écria-t-il, en se levant du banc.

- Le juif justicier, tu la fermes ! répliqua l'allemand, en serrant encore plus fort l'oreille de Romain. Estime-toi heureux que je ne l'ai pas tué !

- Vous n'auriez eu aucune raison de le faire !

- Édouard, intervint son frère, tentant de l'apaiser. Ça va.

Il était à bout de souffle et ses yeux étaient remplis de larmes.Pourtant, on pouvait déceler un soulagement curieux dans le ton de sa voix, comme si tout à coup la souffrance lui était égale.

Les mots d'ÉdouardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant