Neil: unintended

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J'aurais dû la laisser se perdre parmi les chênes et les pins! J'ai eu pitié quand j'ai vu qu'elle cherchait son chemin à l'aveugle telle une petite taupe...

Les autres avaient pris trop d'avance pour qu'on les rattrape, il fallait trouver une solution bis. Heureusement que nous sommes venus ici lors de la préparation de l'album ; nous recherchions le calme après la frénésie des débuts et ,ici, nous avions trouvés l'endroit idéal. C'est pour cette raison que j'ai pu retrouver cette cabane.

Certainement pas pour rester seul avec elle. C'est bien trop dangereux, et si je me retrouvais dans la foutue situation où je suis pour l'instant ?! Quel imbécile !

Elle soupire et je la sens se détendre contre moi. Son cœur bat contre ma poitrine et je ne peux m'empêcher d'apprécier notre proximité. Elle est toute minuscule dans mes bras, Pimprenelle. J'ai envie d'enfouir mon nez dans ses cheveux pour en respirer le parfum. Quel con aussi !

Je la revois sur scène moulée dans sa robe noire, chantant la femme fatale qu'elle paraissait être. Sa chanson en français, ses yeux remplis de désespoir...

Ou quand elle m'a bousculé joyeusement, le jour de notre rencontre.

Le soir dans son jardin, toute douce, sa joue dans ma main.

La nuit de leur premier concert catastrophique, soûle, d'abord véhémente puis endormie contre moi.

Le baiser qu'elle m'a donné, flamboyante et résolue.

Puis conséquence de mes paroles, sa mine défaite lorsqu'elle m'a envoyé bouler.

Malgré tout cela, malgré moi, elle a introduit de la douceur et de la camaraderie dans la tournée. Rien de tel qu'un peu d'eau et de rires pour que l'ambiance soit bonne et le reste.

L'effet Pimprenelle !

Même moi je ne suis plus le même. Je prends plaisir à discuter avec certains ingénieurs ou certains techniciens. Avant, j'échangeais à peine plus de quelques mots bien que j'éprouve beaucoup de respect pour leur travail.

Je ris à nouveau aux blagues auxquelles je me contentais de sourire.

J'ai à nouveau 16 ans et la faute en incombe à cette petite rousse blottie au creux de mes bras.

Sans m'en rendre compte, je fredonne une chanson et pimprenelle se serre un peu plus contre moi.

"you could be my unintended,

choice to live my live extended,

you could be the one I'll always love"

La chanson nous enveloppe, elle et moi dans une bulle, loin de cette foret, loin de tout.

"I'll be there as soon as I can,

but I'm busy mending broken

pieces of the live I had before"

Les dernières paroles sont achevées. Pimprenelle pousse un énorme soupir. Je ne sais pas ce qu'elle a voulu chasser avec autant d'air mais elle y est parvenue. Elle se détache de moi et sourit.

-Tu as déjà été amoureux, Neil ?

Merde, la question à deux balles que je n'ai pas pu vu venir. A mon tour de soupirer.

-Pimprenelle ,tu veux parler de ce qui s'est passé?

A sa réaction, il n'est pas difficile de deviner qu'elle non plus n'a pas vu venir ma question. Elle fronce les sourcils et croise les bras.

-Pour moi, il ne s'est rien passé du tout!

Menteuse.

-On s'est embrassés, il me semble ?

-Ne fais pas semblant, je t'ai embrassé et tu m'as repoussé. Fin de l'histoire. Réplique-t-elle furieuse. Sa voix se brise sur la fin de la phrase.

Je lève la main pour repousser une mèche hors de ses yeux. Sa respiration devient plus spasmodique, signe d'une intense émotion chez elle. Je commence à la connaître, ma pimprenelle.

-Emilie, c'est pour te protéger. Je ne suis pas quelqu'un pour toi.

C'est tellement vrai, si tu savais, Pimprenelle...

-JE.LE.SAIS! crie-t-elle énervée.

Ses grands yeux verts s'assombrissent, ses traits sont figés et je vois ses deux petits poings serrés contre ses cuisses. Elle détourne la tête.

-Je sais, Neil. Tu es une star, il y a mille et une filles qui rêvent de toi. Tu vas sortir un nouvel album dans pas longtemps. Tu sors avec une femme magnifique, mannequin et célèbre. Evidemment que tu n'es pas quelqu'un pour moi. Reprend-t-elle d'une voix sourde.

Non pas ça, pitié, pas ça.

Je me relève de la couchette et vais me positionner devant elle. Elle n'ose plus me regarder. Il y a une tempête dehors, le vent souffle contre les battants des fenêtres, ça doit se déchaîner pas mal mais ce que je vois, ce sont les émotions qui se livrent bataille, dans l'espace entre elle et moi.

-Regarde-moi

-Regarde-moi, pimprenelle.

Je relève délicatement son visage. Son regard est immense et perdu. Sa respiration est encore plus saccadée, elle doit lutter contre elle-même.

Pour ne pas m'en mettre une? Je le mérite tellement.

-Pimprenelle, la question n'est pas là. Tu es trop pure pour mon monde et oserai-je te dire pour le monde de la musique tout court ? Tu es certaine de vouloir entrer dans ce milieu ? Nous sommes clean car nous avons décidé dès le départ de limiter les fêtes et de ne pas introduire de la coke ou autres saloperies sur la tournée mais ce n'est pas pour ça que nous n'en avons jamais consommé ou que nous ne le ferons plus. Tu feras quoi, quand tu feras face aux vraies réalités de notre milieu ?

Et moi, Emilie, et moi ? Tu fantasmes sur moi mais je ne suis pas que sur scène...Tu ne me connais pas. Pas vraiment.

-C'est faux, Neil, je te connais un peu.

Sa voix n'est plus que murmure.

-Je sais que sur scène, tu leur vends du rêve mais qu'en réalité, tu es replié, enfoui profondément dans ton intérieur. Je sais que le matin, tu bois ton café noir en faisant une sale grimace parce que tu l'as laissé refroidir. Je sais que quand tu es énervé, tu respires profondément et puis tu fuis en râlant. Tu as un pli en permanence sur ton front entre les deux sourcils. Je sais que tu détestes voir les filles pleurer. Je sais que tu détestes avoir des conversations de ce type et...

Pendant qu'elle parle, je prends son visage entre mes deux mains et j'approche ma bouche de la sienne, ses mots meurent sur mes lèvres alors que je l'embrasse. J'étais perdu après sa deuxième réplique. Petite sorcière...

Ses lèvres contre les miennes, je ne me maîtrise plus.

Je l'allonge doucement sur la couchette et sans quitter sa bouche, je me positionne au-dessus d'elle en faisant attention à ne pas l'écraser. Ses cheveux s'étalent sur le matelas et je me détache d'elle pour enfouir mon nez dedans.

Mon cœur bat à tout rompre.

Elle pose timidement ses mains à plat sur ma poitrine. Pour me repousser ? Dans mon ventre, quelque chose se tord douloureusement.

Trop tard pour ça.

Je l'embrasse légèrement sur la tempe, descend sur sa joue, sur le coin de ses lèvres et finit ma descente dans son cou. Sa peau, si tendre est parcouru de frissons. Ma bouche repart à l'assaut de la sienne. Elles se reconnaissent avec émerveillement et je l'entends gémir tout doucement.

Elle me rend fou même si entre nous, ça ne peut être possible.

Je presse une dernière fois mes lèvres contre les siennes. Elle se raidit comme si elle avait perçu le changement.

Mon front posé sur le sien, j'essaie de reprendre le contrôle de moi-même alors que nos souffles haletants emplissent la pièce.


Dans les yeux d'Emilie( en réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant